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​5 fois où les DJs auraient mieux fait de la fermer

Internet va vite, très vite, trop vite pour eux

  • Camille-Léonor Darthout
  • 2 August 2018

Proposer une vision singulière de la musique et savoir illuminer un dancefloor sont deux qualités requises pour être un DJ digne de ce nom. Mais briller derrière les decks ne veut pas seulement dire se parer d’une sélection en béton armé et d’une technique irréprochable : le DJ est un être humain avant d’être une paire de mains, qui pense, qui ressent, qui communique. Avec plus ou moins de succès.

Lorsqu’un artiste s’exprime sur ce qu’il fait, ce qu’il aime ou ce qui le touche en interview ou sur les réseaux sociaux, il s’adresse au public, à une vaste communauté de mélomanes et de fans. Un exercice de communication parfois périlleux, qui impose généralement de faire preuve d'une certaine dose de justesse et de modération. Par exemple, en évitant d'exprimer des opinions homophobes, misogynes ou de défendre son pote accusé de viol, à tout hasard.

Voici 5 moments où les DJs auraient mieux fait de tourner leur disque sept fois dans leur bouche avant de l’ouvrir.

#1
​Le statut homophobe de Ten Walls

Dans les écoles de com', Ten Walls deviendra sans doute un cas d'école pour la gestion de crise. En 2015, l’artiste lituanien est en pleine ascension. Après la sortie de son EP Walkings with the Elephants - viral sur les dancefloors du monde entier - le label Boso couvre la sortie d’un nouveau succès du producteur, Sparta. Une tournée des festivals chargée, ponctuée par de belles dates européennes du Sonar au Pitch d’Amsterdam, Creamfields en Angleterre jusqu’aux festivals français Big festival et Garorock. Mais alors que la carrière de Ten Walls est au beau fixe, le producteur pète un câble le 8 juin 2015 en postant deux statuts aux propos d'une rare violence envers la communauté homosexuelle.

« Je me souviens avoir produit pour un musicien lituanien qui a essayé de me laver le cerveau en disant que je ne devrais pas me montrer si conservateur et intolérant à son égard. Quand je lui ai dit « Que ferais-tu si tu apprenais que ton petit frère de seize ans se faisait déchirer le cul par son petit ami ? » Eh bien il est resté silencieux. Après un de mes premiers concerts en Irlande, en revenant vers mon hôtel, j’ai vu une église avec un portail décoré de centaines de chaussures de bébé. Naturellement, je me suis demandé pourquoi ? Malheureusement, le mensonge d’un prêtre avait été découvert, plusieurs enfants avaient été violés. Les gens de l’autre race (les homosexuels) continuent de faire ça et tout le monde le sait, mais personne n’agit. »

Des dires qui lui coûteront très cher. Les festivals pour lesquels il était booké durant l’été annulent tous sa venue, ses agences de booking française et américaines coupent définitivement les ponts. De son côté, le label BOSO annule la sortie de son album. Après quelques plates excuses, Ten Walls annonce vouloir prendre une pause.

Il a sorti son premier album Queen en 2017 sur le label Runemark et est à l’affiche du GEL festival en Géorgie cet été. À moins qu’il ait un commentaire à ajouter.

2
​L’interview misogyne de Konstantin

C’est en 2017 que la carrière du producteur allemand Konstantin va prendre un sacré coup dans l’aile. Cette année là, la discussion autour de la position des femmes dans l’industrie électronique bat son plein : pourquoi les line-ups sont-ils si masculins ? Pourquoi les artistes féminines ont-elles tant de mal à percer ? Alors que de nombreuses productrices et DJs s’expriment à ce sujet – comme Nina Kraviz ou The Black Madonna, des promoteurs s’engagent à booker plus de femmes - voire faire des line-ups qui leur sont exclusivement dédiés.

À cette question, le co-fondateur de Giegling Konstantin a lui aussi sa réponse, à contresens du courant féministe. « Les femmes DJs sont trop mises en avant, alors qu'elles sont souvent moins douées que les hommes. » affirme t-il à une journaliste du magazine Groove. Une conversation au cours de laquelle il va à plusieurs reprises justifier la sous-représentation des femmes avec des propos bien borderline.

La publication de l’article n’a évidemment pas laissé sans voix les magazines spécialisés et les artistes du monde entier, qui s'insurgent face à ses propos misogynes. Et c’est le label Giegling qui va en pâtir le premier. Si Konstantin était quasiment le seul du label à s'exprimer en interview, ses confrères (dont une femme) prennent rapidement leurs distances vis à vis de leur ami, dans plusieurs déclarations.

La date du label Giegling au Sunfall à Londres - pour un afterparty du festival - a été annulée suite à la publication de ses propos. Le producteur est également déprogrammé de Peacock Society 2017, qui le remplace… par Piu Piu, DJ et ancienne membre du groupe parisien Girls Girls Girls. BIM.

3
​Le « Saunagate » et l'explication foireuse de Jeremy Underground

L’histoire du « Sauna Gate » a ébranlé la scène internationale et bien entendu la France, touchée par un scandale engendré par l’un des piliers de sa scène house : Jeremy Underground. Alors qu’il devait se produire lors d’une soirée Abstrakt, un petit promoteur d'Édimbourg, la date est annulée. Pour cause, l’organisateur de la soirée ne peut pas honorer les closes inscrites sur le rider, sur lequel il est stipulé de réserver un hôtel 4 étoiles avec gym & sauna. L’agent de Jeremy Underground - de la RT Agency - en vient alors à menacer assez violemment les organisateurs (« je vais te mordre et crois-moi tu vas saigner ») qui décident de publier les échanges sur les réseaux sociaux. Le scandale éclate, et pour clarifier la situation Jeremy Underground décide non pas de s’excuser... Mais d’expliquer pourquoi il requiert tant de confort.

« Trois nuits à Edimbourg, je veux un bon hotel avec une salle de gym et un spa, parce qu’il pleut dehors et que j’ai besoin de me relaxer après deux week-end rythmés par 7 dates. Parce que j’aime la gym et un bon spa, oui. […] Maintenant, souvenez vous que je n’ai pas arrêté de tourner depuis 2010. Alors qu’est ce que vous feriez si l’un d’entre vous devait voyager tous les week-ends. Vous ne voudriez pas être dans un bon hôtel, après 7 ans? » [traduit du post original]

Un post qui ne convainc absolument pas la communauté. Même si le « sauna » imposé sur le rider est au cœur du sujet, qui soulève des problèmes éthiques fréquents dans l'industrie musicale, l'absence d'excuses est d'autant plus remarquée. Harcelé à la suite de cette publication, Jeremy Underground supprime ses réseaux sociaux et contacte les promoteurs pour s'excuser et leur promet de jouer gratuitement pour eux la semaine suivante.

Dans une interview donnée à Mixmag quelques mois plus tard, Jeremy Underground annonce avoir quitté Paris pour un petit village de province dans lequel il vit en marge du système qui l’a tant tourmenté. Il reprend ses tournées petit à petit et vient de relancer son label My Love Is Underground avec l’EP de MoTP Inner Sense dont le track éponyme à succès figurait sur le various Mliu14 sorti en 2013.

4
​L’incitation à la violence de Levon Vincent

Le producteur new-yorkais et fondateur du label Novel Sound Levon Vincent s’est montré particulièrement touché par les attentats de Paris le 13 novembre 2015. L’artiste publie alors sur sa page Facebook un statut à l’adresse des Français encore endeuillés par les événements du Bataclan. Dans cette déclaration, il les appelle à se munir d’armes blanches et à se défendre par eux-mêmes en cas d’attaque.

« S’il vous plaît, les gens ont besoin de s’armer. Si vous n’aimez pas les armes à feu, procurez-vous des couteaux de la taille max­i­male autorisée par votre gou­verne­ment. Tout le monde devrait avoir du gaz poivré sur eux, car tout le monde devrait être capa­ble d’arrêter ces attaques lâch­es ».

Un post qui suscite d’emblée de nombreuses réactions négatives et critiques sur les réseaux sociaux. Le port d’armes à feu est peut-être légal et banalisé aux États-Unis, ce n’est absolument pas ancré dans la culture française et européenne. Mais Levon Vincent ne s’arrête pas là, puisqu’il demande dans un autre post aux personnes d’arrêter de commenter son opinion.

« Je prends ma défense en main et je suis proactif en matière de légitime défense face au massacre. Mais je ne cesse de supprimer les commentaires de merde des gens QUI N’ONT PAS DE RESPECT POUR LA MORT. Arrêtez s'il-vous-plaît. »

Mais les réactions continuent de fuser, contre l’opinion du producteur qui demande à ses détracteurs de garder le silence. Levon Vincent finit par supprimer les différents posts qui incitaient à « utiliser ses poings » ou « lancer vos iPhones à 750€ aussi fort que vous le pouvez ». Il s’excuse en admettant que la coutume est différente en France et affirme vouloir se plonger dans le deuil.

Deux ans plus tard, en 2017, Levon Vincent partage gratuitement un album hommage aux attentats du Bataclan, intitulé For Paris. Composé de dix tracks, l’album est un recueil (trop?) plein d'émotion aux titres évocateurs tels que ‘Hope For New Global Peace’ ou ‘Slander is Terrible’.

5
Les commentaires déplacés de Fly Lo sur une accusation de viol

L’affaire Weinstein a certainement délié les langues dans l’industrie du show business. Après les nombreuses allégations contre le producteur de cinéma, d’autres personnalités se sont exprimées sur des affaires de harcèlements sexuels et de viols. Des histoires qui touchent aussi l’industrie de la musique électronique ont été révélées, comme lorsque Björk a dénoncé le réalisateur Lars von Trier de l’avoir harcelé sexuellement sur le tournage de Dancer in the Dark (dans lequel la productrice interprète le rôle principal).

Au même moment, une jeune femme nommée Chelsea Tadros accuse le producteur de hip-hop et DJ The Gaslamp Killer de l'avoir droguée et violée. Appuyée par les aveux d’une seconde femme, la justice se saisit de l'affaire et sur les réseaux sociaux William Bensussen se défend de ces actes qu’il n’aurait jamais commis. L’artiste est supprimé de plusieurs line-ups, un festival australien et sa résidence aux soirées Low End Theory de Los Angeles, pour lesquelles il jouait depuis des années.

C’est à ce moment que le patron du label Brainfeeder, Flying Lotus, décide de s’exprimer. Alors qu’il se produit à Los Angeles, l’artiste conclut sa performance par un morceau de The Gaslamp Killer. Il prend ensuite la parole pour expliquer qu’« internet est un tissu de mensonges » en référence aux accusations à l'encontre de Bensussen et conclut par « Seul la Justice peut juger, ok? Merci beaucoup les gars pour être venus, laissons la vérité et la justice s’occuper de ça. »

Si l’affaire n’a toujours pas été conclue, le positionnement de Flying Lotus est loin d’être bien accueilli alors que des centaines de femmes témoignent de part et d’autres du monde d’expériences semblables, tues pendant des années. Conscient de sa boulette, Flying Lotus s’excuse quelques jours plus tard auprès du magazine HiphopDX, affirmant que ses commentaires avaient été « insensibles ».

« Je voulais sincèrement m'excuser pour mes commentaires. Je réalise qu'ils étaient insensibles. C'est un moment difficile pour nous tous, hommes et femmes. J'ai du mal à trouver ma voix dans tout cela. Je suis vraiment navré. La scène a toujours été un endroit pour ce que j'ai dans mon cœur jusqu'à maintenant. J'ai l'impression que les gens qui utilisent Internet doivent apprendre à laisser la place aux sentiments, honorer les réactions et les expériences des uns et des autres sans harcèlement. Je me soucie beaucoup de cette communauté et de son impact. »

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