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Reportage

Le set d’Aphex Twin à Field Day est le comeback déjanté qu’on espérait

Richard D. James est de retour et il ne fait pas de prisonniers

  • FUNSTER, M.-C. DAPOIGNY | IMAGES: FANATIC LIVE
  • 5 June 2017

L’édition 2017 de Field Day, le festival annuel du Parc Victoria de Londres, a fait saliver plus d’un amateur de musique électronique. L’anticipation était à son faîte dans les semaines précédant l’événement, qui a ouvert ses portes à guichet fermé.

Et pour cause, au line-up figuraient rien de moins que Flying Lotus, Omar Souleyman, Âme (live) et il était bien difficile de choisir ses favoris. Mais l’une des raisons qui ont provoqué ce souffle d’énergie et d’excitation unique cette année est le retour sur scène d’Aphex Twin, en tête d’affiche sur les line-ups du monde entier, et c’était enfin à Londres de l’accueillir en bonne et due forme. Et c’est peu de dire que les londoniens étaient prêts à entendre la version 2017 de Richard D. James.

Après son retour éclatant sur scène en 2014 avec ’Syro’, James a gracié ses fans de plusieurs titres, quelques apparitions fugaces et la tension du public était palpable. Sa performance attendue à Field Day justifiait à elle-seule pour beaucoup le prix du ticket. De manière générale, l’édition de cette année était l’une des meilleures, avec des améliorations conséquentes sur la qualité du son et de la répartition des scènes sur le site.

L’un des ajouts les plus impressionnants et qui change sans doute la donne de Field Day est ‘The Barn’, la nouvelle structure à la capacité de 15 000 personnes qui a hébergé le show live 5.0 d’Eric Prydz la semaine précédente, et qui accueille Moderat, Nicolas Jaar et Jon Hopkins en plus d’Aphex Twin en ce premier samedi de juin. Cette énorme structure en forme de dôme est devenue le joyau de la couronne du festival et ouvre un nouveau champ de possibilités, tant pour les artistes qui peuvent y jouer que pour la traduction de leur vision artistique.

Aphex débute son set vers 21 heures après le set de Nina Kraviz, justement choisie pour préparer la foule à un artiste qui se spécialise dans le bizarre et l’expérimental. Son set navigue entre kicks 4/4 enflammés et à environ 130 BPM : la foule réagit bien à ses sélections techno leftfield. Peut-être que le son aurait pu être un peu meilleur et il semble qu’elle n’était pas très contente de son set après-coup. Dommage, car Kraviz pourrait sans nul doute citer James comme l’une de ses influences musicales.

Après une pause de cinq minutes suite au set de Kraviz, un long buzz parcourt l’arène et l’énigme aux cheveux longs s’empare de la scène. Si la salle était déjà pleine quelques minutes avant, il est désormais impossible de bouger. Les lumière bleues traversent la structure et un gros beat 4/4 résonne : la foule en sueur réagit en conséquence. 80 % des gens de la salle sont clairement venus pour ce set et maintenant qu’il est lancé, les choses semble irréelles. Aphex Twin est devant nous en pleine session, et ça faisait bien trop longtemps qu’on l’attendait. Ses logos s’écoulent sur les écrans géants derrière la scène et les lasers suivent la fréquence des kicks pilonnés par l’artiste.

Le mixing complètement sporadique vient d’une autre planète et la musique est éparse, agressive pour les oreilles. Déroutant mais élégant, nous n’avions aucune idée de ce à quoi nous devions nous préparer mais en même temps, c’est exactement ce qu'on pensait. Il y a des moments de clarté qui arrivent après des poussées sonores de 15 minutes de bruit qui chatouille la colonne vertébrale. Quand on pense que les sons arrivent à un point de rupture, James continue, nous emmène plus loin, au delà de notre zone de confort avant que tout ne s’arrête. Des rollers acides arrivent et grondent. Pas forcément une transition très souple, mais qui offre du répit sous une forme plus linéaire et familière pour le danseur.

Avant, rien n’avait vraiment de sens. Ça a été un voyage personnel au fil des bruits et des rythmes abstraits et la foule danse finalement dans une forme d’unisson retrouvée, ce qui ne s’était pas produit au cours des 40 dernières minutes. De la stabilité. La seule scène du monde capable d’offrir le même niveau de visuels et de son et une unité à cette échelle est Awakenings à Amsterdam, mais la qualité de ce set est de loin inégalée.

Bien entendu, les visuels sont aussi timbrés et orchestrés qu’on l’espérait. James a bâti sa carrière sur une esthétique bien particulière, tout aussi reconnaissable que sa musique. Les caméras parcourent le premier rang, offrant aux ravers qui ont bravé l’écrasement intense du premier rang leur moment de gloire. Cependant, le visage déchiré d’Apex est projeté sur les danseurs et tout prend un tournant plus scandaleux. Des images de Jeremy Kyle, Theresa May, Winston Churchill, et même Neil Buchanan d’Art Attack sont grotesquement déformées avec le sourire iconique et grimaçant de James. Le fond parfait pour la musique cauchemardesque qui joue devant.

Pour le reste de son set, James offre un savant mix de jungle, d’acid, de techno et autres aventures sonores chelou saupoudrées d’un soupçon de breakcore et d’encore plus de trucs chelou pour faire bonne mesure. Une expérience magnifique s'il en est que de voir son set se transformer et évoluer en vrai show de festival au fur et à mesure qu'il progresse. Il allait toujours déconcerter la foule et tester l’audience, comme il l’a toujours fait depuis des années, mais il est clair qu’il est bien conscient qu’il s’agit d’un headline set de festival, un qui doit venir avec son lot de grands moments les bras levés, de hurlements et de hourras. Il a bien fait son travail entre ses moments sur scène et ses sorties. Des artistes comme FIS, Kamixlo et Roy Of The Ravers passent au cours des deux heures de performance, prouvant bien qu'il est toujours à l’affût des nouveau talents.

Complètement imprévisible, parfois absolument déjanté et tout à fait divertissant, tout fan d’Aphex Twin a vu son rêve réalisé ce soir-là. On a pu voir un des plus grands musiciens électroniques de tous les temps performer au niveau que nous attendions de lui. Il s’est bien foutu de nous, on voulait qu’il se foute de nous et on est content qu’il se soit foutu de nous. Vrai point culminant du circuit festivalier, Aphex Twin n’a pas simplement réussi à revigorer sa carrière live, il a pris un défibrillateur et a électrocuté une nouvelle vie au cœur de Field Day, une dont on espère le festival londonien saura tirer profit l’année prochaine et au-delà.

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