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Un DJ set doit-il être techniquement parfait ?

On apprécie tous une transition bien faite, mais elles ne sont pas toujours la panacée d’un bon set

  • Harrison WIlliams
  • 4 July 2017

Face au coucher de soleil d’un festival des Caraïbes, Ricardo Villalobos se lance dans un des sets vinyle dont il a le secret, un savant mélange de house et de techno. Après quelques transitions, l’aiguille saute et le mix est légèrement décalé. Un accident commun aux sets sur vinyle, néanmoins déplaisant. Un frisson parcourt la foule décontenancée qui perd un peu le fil, mais presque instantanément, l’artiste rattrape le coup et relance son set avec une nouvelle transition toute en douceur, qui lui attire les applaudissements des membres attentifs du public. Backstage, alors qu’on discute de m.O.N.R.O.E, il me confie : « Hé, parfois, ce n’est pas une question de comment tu foires, mais de comment tu compenses. » Vraiment ? Ou est-ce qu’un DJ set devrait être absolument parfait ?

Villalobos est un vrai magicien derrière les platines. Au cours de ce set, il passe de track en track avec une telle désinvolture qu’on s’attend à une catastrophe à tout moment, et pourtant il se tire de n’importe quelle situation avec une sélection aussi rythmique que démente. Et de tous ces titres qu’il joue, il y en a fort peu que nous avions entendus auparavant. Du nouveau, de l’ancien, il embarque la foule dans son voyage sonique. Avec mes amis, nous soumettons en vain quelques uns de ses morceaux à Shazam, qui invariablement nous renvoie à son écran bleu - et c’est pour le mieux. On danse, comme jamais nous avons dansé. En y pensant, la notion de perfection devient complètement surfaite. C’est l’expérience dans son ensemble qui fait la beauté d’un DJ set, non ?

Certains DJs et fans ne seront sans doute pas d’accord sur ce point. Un des aspects cruciaux du DJing est la capacité à orchestrer des transitions de qualité. Dans une conversation récente avec The Black Madonna pour le podcast Mixmag On Rotation, nous lui avons demandé ce qu’elle pensait du beat-matching. Elle expliquait que si quelqu’un est payé pour être derrières les platines, il devrait au minimum avoir les outils nécessaires pour fournir des sets propres.

« Je crois que si vous êtes payés pour faire ce job alors vous devez exceller dans tous les domaines, et je ne le dis pas pour faire la snob, » elle explique. « Je n’ai jamais eu le luxe de choisir entre la sélection et la technicité. L’idée même que l’une pourrait compenser pour l’autre, je la comprends d’un point de vue théorique, et si c’est comme ça que quelqu’un voit les choses, ce n’est pas ma place d’exprimer mon désaccord. Mais pour moi, personnellement, l’excellence dans tous les domaines a toujours été un pré-requis. »

On peut comprendre que si un DJ touche un cachet faramineux, il devrait posséder la technique pour mixer correctement. Mais lorsqu’on se penche sur les qualités essentielles d’un set, le DJing ne se résume pas au beat-matching. Le focus est la musicalité et la star incontestée de cette expérience, la prise de risque peut parfois mettre en danger la netteté d’une transition. Ces risques donnent naissance à un DJ set à la fois brut et authentique. Pour Antal, le boss de Rush Hour, un artiste qui livre une sélection éclectique à chaque performance, l’aspect technique est de toute évidence important, mais au lieu de s’épancher sur la perfection des mixes, la sélection prend le dessus.

« La technique a toujours été importante à Amsterdam, » il dit. « Si un DJ a fait deux énormes bourdes dans la soirée, les gens en parleraient. Mais maintenant, je ne pense pas que je m’en soucie vraiment. J’aime bien quand les sets sont propres, mais si ce n’est pas parfaitement clean je me rends compte que ça en dit gros sur le genre de décision que je prends. Et parfois si j’expérimente et que j’improvise beaucoup, il est normal que tous mes sets ne soient pas parfaits. La sélection est extrêmement importante. Si je ne joue que de la house à un certain bmp sur Rekordbox, c’est difficile de mal s’y prendre. Je me souviens, avant les gens écrivaient tous les bpm de leurs titres, mais je ne suis jamais allé jusque là. Je ne veux pas m’en préocupper. Et si je fais une erreur, peu importe. »

Ce que beaucoup de gens apprécient dans les sets d’Antal justement, c'est l’improvisation, le flow et la sélection unique de morceaux. Ce sont ces atouts qui ont fait de lui un des plus grands tastemakers house, funk et disco sur la scène internationale. Sa capacité à dénicher des titres du passé tout en gardant un pied dans l’avant-garde a fait sa réputation. Son beat-matching n’est pas nécessairement sa marque de fabrique.

Sur une note similaire, le DJ légendaire John Digweed s’est exprimé sur le fait que pouvoir mixer proprement n’est que la moitié du chemin : « Le beat matching n’est qu’une partie du travail du DJ, la sélection et la capacité à lire son public sont toutes aussi, si ce n’est plus, importantes. »

Les meilleurs DJs du monde sont ceux qui gagnent sur tous les fronts ; ils peuvent caler, leur sélection est excellente et ils savent comment faire monter et relâcher la tension pour engager le public. Certains savoirs-faire peuvent être acquis, mais la sélection est un talent raffiné propre à chacun, un qui en dit long sur la personnalité d’un artiste.

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