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Culture

Ils ont inventé le remix

La Jamaïque en a bien eu l’idée, mais le remix tel que nous le connaissons est né à New York

  • Bill Brewster
  • 6 June 2017

Nés de la culture sound system en Jamaïque, ‘versions’ et ‘dub’ sont devenus la lingua franca d’un des meilleurs moyens d’attirer l’attention (et les ventes de bière). Pionniers en la matière : Lloyd Coxsone et Duke Reid, dont les premières versions — des instrumentaux — permettaient aux MCs locaux de se les ré-approprier. L’espace fournit par le dub, qui prône le dénuement, a donné ses lettres de noblesse à la version et a inspiré les générations suivantes de producteurs, comme les premiers remixers de l’ère disco au début des années 80.

Mais la trajectoire du remix à New York a été bien différente. À la différence de la version jamaïcaine, à NYC les premiers remixes étaient des extended de la chanson originale, utilisant les mêmes parties, allongées pour un meilleur impact sur le dance floor. Les remixers d’aujourd’hui ont peu à voir avec ce style, à l’exception sans doute de Dimitri From Paris, Joey Negro ou The Reflex : la plupart des producteurs utilise un extrait des vocaux ou de la bassline et re-produit complètement le morceau.

Le parrain du remix est Tom Moulton. Le dandy Moulton, qui travaillait comme mannequin, se trouvait à un thé dansant dans l’enclave gay de Fire Island, un weekend de 1971. « Pour commencer, le DJ était horrible, » il raconte. « Je regardais les gens danser et à l’époque, les mecs mixaient des 45 tours de trois minutes. Les gens commençaient vraiment à se mettre dans le bain et tout d’un coup un autre morceau arrivait et les gens perdaient le rythme. C’était vraiment dommage que les titres n’étaient pas plus long pour que l’ambiance puisse vraiment décoller. » Moulton s’en retourne alors à Manhattan, déterminé à produire une piste qui allongerait les morceaux et les assemblerait. Après 80 heures de travail, il produit une bande de 45 minutes.

Quelques semaines plus tard, il reçoit un appel: « ‘Les gens deviennent fou sur ton morceau!’ Il m’appelle le jour suivant et dit: ‘Est-ce que tu peux me faire une piste chaque semaine? Je te donne 500 $ si tu peux en faire une.’ Je réponds : ‘Ça n’a rien à voir avec l’argent’, c’est le temps que ça prend.’ ‘OK mais tu peux nous en faire une pour la journée du souvenir? Une heure et demie. Puis une pour le 4 juillet? Et la fête du travail?’ Alors j’ai dit OK. »

Mouton commence alors à démarcher les labels pour pouvoir insérer plus de titres dans ses mixes disco. L’un des labels, Scepter Records, lui demande s’il voudrait appliquer la même technique à un de leurs morceaux et délivrer un disco-mix. Bien que le groupe le déteste, ce fut leur premier hit. « Je l’ai allongé, de 3 minutes à 5’35’’, le nombre magique. On avait une station de radio appelée WBLS et ils n’ont joué que la version longue, et pas la version courte. » Ce qu’avait alors lancé Moulton, d’autres commencent à le reproduire.

L’arrivée accidentelle du single 12’’ fut cruciale dans le développement du remix. « Le 12’’? Jose Rodriguez, mon ingénieur du son, était à court de 45 tours, » explique Moulton. « Donc il a dû me donner un douze pouces. Je lui ai dit ‘C’est ridicule.’ Il m’a répondu, ‘Je sais ce qu’on va faire: on va étendre le groove et booster le volume.’ Et bien sûr, dès que je l’ai entendu, j’ai failli tomber à la renverse. À l’époque il y avait plusieurs disc-jockeys dans le milieu et j’allais souvent les voir le vendredi pour leur donner ces galettes: Richie Kaczor, David Rodriguez, Steve D’Acquisto, Bobby DJ, Walter Gibbons. »

Il ont tout de suite fait un carton. Les grooves étaient plus profonds, plus forts, mieux définis. En quelques mois seulement en 1975, des 12’’ promotionnels ont commencé à tourner sur la scène disco de New York, les premiers ont fait leur apparition chez les disquaires l’année suivante: ‘Ten Percent’ de Double Exposure. Remix par l’une des premières stars du disco, Walter Gibbons. Il s’était fait un nom comme DJ dans un club de Manhattan appelé Galaxy 21.

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« Tout le monde savait mixer, mais Walter pouvait remixer un titre en live et sans que personne ne s’en aperçoive, » se rappelle son collègue et ami Tony Smith. « Je n’ai jamais vu personne faire ça. La plupart du temps, tu peux entendre lorsque quelqu’un remixe un titre et je n’en croyais pas mes oreilles. D’abord je ne pouvais pas croire que c’était un blanc qui faisait ça! Mais Walter était un vrai bâtard. Il était à fond. Il rendait tout le monde fou, mais d’une manière ou d’une autre on est devenu amis et j’ai pu faire partie de son cercle. La plupart des gens ne savaient pas à quel point il était sympa. Il ne faisait confiance à personne. On a découvert plus tard qu’il avait bien raison, car tout le monde lui piquait ses idées ! »

Gibbons, l’homme derrière ’Ten Percent’, la première sortie commerciale de Salsoul, s’attelle à de nombreuses autres sorties du catalogue du label (le label de rééditions Suss’d a sorti un triple CD des remixes de Salsoul en 2004). Gibbons travaille désormais sans relâche à Blank Tape Studios, qui appartient à Bob Blank. « Ses approches pour rendre un titre encore meilleur étaient inspirantes, » dit Blank. « Il dirait, ‘Prenons cette partie de cordes pour en faire un solo.’ C’était génial, car au lieu de changer le contexte du morceau, il dirait. ‘C’est l’élément-phare d’un grand morceau; j’aimerais que tout le monde se concentre dessus.’ Je trouvais son approche très intelligente. »

Walter se convertit plus tard en chrétien né de nouveau et se détourne alors des morceaux porteur d’un message négatif (Tony Smith se rappelle qu’il refusera de jouer ‘Devil’s Gun’ de CJ & Co par exemple). Ses opportunités de DJ se font plus rares et il perd de nombreux contrats de remixes — il fera cela-dit un retour fracassant dans les années 80 en réinventant un titre poussiéreux de Strafe intitulé ‘Set It Off’, un hit underground des deux côtés de l’Atlantique connu comme l’un des premiers succès proto-house/electro.

Deux artistes en particulier ont détrôné Walker et commencent à redéfinir les limites du remix: Larry Levan et François Kevorkian. Les deux s’inspirent énormément des influences dub des titres dance du Royaume-Uni de l’époque (l’un de ceux là, et pas des moindres, est ‘Love Money’ de TW Funk Master). Le premier, Larry Levan, était dans le milieu depuis les débuts du disco. Ado, lui et son meilleur ami Frankie Knuckles travaillaient pour Nicky Siano, l’aidant à monter ses soirées au Gallery. Il jouait dans divers endroits comme Continental Baths et Reade Street, mais l’ouverture de Paradise Garage est une étape déterminante dans sa carrière. Ses remixes initiaux coïncident avec sa nouvelle résidence. Le premier est une ré-interprétation brillante de ‘C Is For Cookie’ de Cookie Monster : il change alors un tube commercial en monstre funk adulé des DJs hip hop émergents du Bronx et au-delà.

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Au début des années 80, il commence à faire évoluer le champ des possibles du remix, grâce à des remixes commerciaux entrepris pour les labels disco de la ville, mais également avec ses propres productions sous deux pseudonymes, Peech Boys — dont on se souvient pour l’influent ‘Don’t Make Me Wait’, et Man Friday. Arthur Baker, dont le projet Rockers Revenge était inspiré du travail de Levan, dit: « J’étais évidemment influencé par le titre de Peech Boys. Comme tout le monde. Lorsque ces claps arrivaient… oh man! » Mais peut-être que l’apogée de la carrière de remixer de Levan est le ‘Padlock’ EP de Gwen Guthrie. Un projet de sessions tentaculaires qui se sont étendues sur plusieurs mois.

Danny Krivit se lie d’amitié avec Levan. « Il était comme un gosse. Plein d’énergie. Il avait un truc avec les lumières; les choses spéciales et importantes comme ça, il adorait. Grandes, brillantes. Disneyland. Quand Star Wars est sorti il a dit, ‘Oh il faut qu’on aille à la première.’ Il aimait ce genre de choses. »

Krivit était présent à de nombreuses sessions avec Guthrie: « Il était le cauchemar des labels, » il se souvient. « Il se pointait en retard et quand il était là, il papotait et se défonçait. Au bout d’un moment il se mettait au travail, mais un rien pouvait le distraire. Alors au lieu de prendre une journée, le processus pouvait prendre plusieurs semaines. Je me souviens, le projet Gwen Guthrie n’était pas vraiment prévu. Il devait mixer un morceau ’Should Have Been You’, mais il a fait tous ces mixes différents. C’est probablement l’une des sessions les plus prolifiques qu’il a eu. Mais quand il leur a montré le résultat, ils étaient tellement énervés à la vue de la facture et le temps que ça lui avait pris, qu’ils l’ont mis de côté. Pendant un an ou deux, il le jouait simplement au Garage. »

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