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Culture

Résister à DC : la rave dans le Washington de Donald Trump

La ville s’entiche à nouveau de la culture underground

  • Marcus K. Dowling
  • 9 May 2017

Le quartier Nord-Ouest de Washington DC est un mélange de maisons extravagantes, des rues bordées d’arbres et un quartier commercial de luxe qui comprend des échoppes de Tiffany & Co, Jimmy Choo, Cartier et Ralph Lauren. L’habitant typique de cette bande de territoire au caractère étrangement calme le soir est caucasien, conservateur mais pourvu d’une certaine conscience sociale. C’est également la nouvelle patrie des gouverneurs ponctuels de l’Indiana et du vice-président en exercice, Mike Pence.

Quarante-huit heures avant l’inauguration de Donald Trump et Mike Pence, lors d’un soir bien doux pour la saison, c’est également le lieu d’une rave. Les rythmes de Whitney Houston I Wanna Dance With Somebody (Who Loves Me) mêlés au beats réguliers de la techno encadre une fête de 200 personnes près des pelouses immaculées. Un panel de héros en costume, du Robin Williams de Mork And Mindy à la fée Clochette danse, twerk, vogue et virevolte en criant « Daddy-Pence, come dance ! » alors que les préservatifs gratuits passent de main en main et les barres protéinées maintiennent le moral des troupes.

« Quand Obama gouvernait, DC était un lieu idyllique où l’économie était assez bonne, et nous étions très progressistes. Cela-dit, DC a changé - c’est une période tendue où beaucoup expriment des idées racistes, homophobes et similaires, » explique DJ Lisa Frank, qui aux côtés de DJs Chris Nitti et Sami, co-fondateur du label 1432 R, organise les soirées ROAM, qui s sur toute la ville.

Selon l’activiste, DJ local et producteur Zacheser, à ROAM « Les gens se réveillent, et ils veulent s’éclater et être eux même. L’EDM est mort, et les jeunes écoutent désormais des titres de Brodinski dark et des morceaux Dirtybird tordus. Peut-être à cause des drogues, peut-être est-ce l’alcool - qui s’en soucie ? Tout le monde s’amuse. Personne ne se soucie de ce à quoi on ressemble ou qui on baise. Ces choses n’ont aucune importance. Et ça a toujours été le cas dans cette ville, une fois encore, tout le monde prend juste son putain de pied. »

« On organise des soirées atypiques qui garantissent la sécurité des gens »

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ROAM est à la jonction de trois essences musicales différentes. Lisa Frank est partie en tournée en Europe, a visité Berghain à Berlin et est revenue avec un son lourd et sombre. Sami Y est à la tête de 1432 R, un label qui a construit son identité sur la techno éthiopienne et qui s’aventure désormais en terres drum & bass, entre autres. Chris Nitti apporte les sons house toute la nuit.

En pénétrant l’entrepôt abandonné à 10 minutes à pied du Capitol américain, on remarque les machines rouillées désaffectées, héritage du passé industriel du site. Les sols sont poussiéreux, et le site en général sent l’abandon. Des mecs dégingandés revêtus de t-shirts en col v recouvrant des épaules anguleuses sautillent en rythme tandis que des femmes manucurées successivement passées par des phases punk et goth se fondent dans l’obscurité. Après près d’une heure, des mélodies progressives déjantées viennent à bout de la poussière, de l’humidité et de la foule. Les machines semblent comme suspendues et une vague de conscience musicale s’empare de la salle. Danser jusqu’au petit matin, alors que le soleil réfracte et filtre à travers les fenêtres fendues, et recouvertes de toile d’araignées, et vient vous rappeler qui vous êtes - et où vous êtes. Comme l’explique Lisa Franck, « l’ambition de ROAM est essentielle. On organise des soirées atypiques qui garantissent la sécurité des gens. »

Scott ‘Buster’ Herman, venu de Brooklyn, a passé plus de 20 ans à Washington DC, et à bien des égards est le parrain de ces soirées à succès hébergées dans des lieux atypiques. Il a commencé à lancer des évènements dans les années 90 et 2000 dans des parkings, a géré le U Street Music Hall au début des années 2010 et s’occupe à présent de Ten Tigers Parlour, un bar de proximité sous le thème de la culture asiatique avec sono de haute qualité et dancefloor dans le quartier Petworth, au Nord-Ouest de DC. « Les choses bougent à nouveau ici, il explique. La scène de DC est passée par diverses phases d’expansion et de rétraction depuis les premières heures des soirées Buzz à Nation dans les années 90. À chaque retour en force, les choses évoluent, et cette fois les soirées ont l’air de fonctionner du tonnerre, c’est cool. »

La scène de DC apportant de belles soirées et des atmosphères positives pour les quatre prochaines années et au delà n’est pas simplement une histoire de recontextualisation de l’espace, d’organisateurs téméraires et de DJs, mais une ville qui (re)tombe amoureuse de la culture underground. Plutôt, il est important de le souligner - comme le manager de Souncheck, le club underground de DC Matthew Cronin le décrit : « Danser, transpirer et ressentir l’énergie d’un DJ à quelques mètres est ce qui maintient la scène underground et électronique en vie, et la culture en général. » Lorsque ces tendances ne font plus qu’un avec ce qui est devenu un concept de disco-manifs dans les beaux-quartiers conservateurs de la ville, on a le sentiment que, comme le note le fondateur de Werk for Peace Firas Nasr, « la bigoterie et la haine » ne sont pas tolérées en Amérique et qu' « on se réapproprie les rues comme notre dancefloor collectif et progressif. » Peut-être que la prochaine étape sera la Maison Blanche.

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