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Culture

Pete Dale : « C’est la musique que les enfants peuvent identifier comme leur culture »

A la rencontre du prof d'université qui défend l'apprentissage de la culture électronique à l'école

  • Thomas Andrei
  • 3 May 2017

Jusqu’en 2012, dans une école de la région de Newcastle, au Royaume Uni, une classe était beaucoup plus bruyante que les autres. Les décibels, la porte qui tremble, n’étaient pas causés par un quelconque chahut mais par des cours de musique peu habituels. Laissant tomber la flûte traversière, le professeur Pete Dale demandait à ses élèves ce qu’ils aimaient : souvent, il s’agissait de techno, d’EDM, de musique électronique bien hardcore. Alors il amenait des platines en classe et plaçait le genre préféré des élèves au même niveau que Mozart ou les Beatles. Aidant les gamins à se concentrer, à rentrer dans le rang, il œuvre depuis à populariser cette démarche dans tout le pays. Rencontre.

Comment l’introduction de la musique électronique et techno dans les écoles peut-elle aider le développement des enfants ?

Pour la plupart des enfants, c’est la musique à laquelle ils sont habitués. Les enfants de la ville, mais aussi dans ceux de zones plus rurales. Souvent, c’est la musique qu’ils entendent à la maison. Qu’ils peuvent identifier comme leur culture. C’est très important, parce qu’ils peuvent du coup se sentir chez eux à l’école.

Pouvez-vous me raconter la première fois que vous avez expérimenté cette approche ?

J’ai commencé en 2003, comme professeur de musique dans un collège du nord est de l’Angleterre. Une école soumise à des mesures pour lutter contre les carences économiques. Elle faisait partie des 3% les plus pauvres au niveau national. On avait donc des gamins issus de milieux très défavorisés et les stimuler à travers la musique était assez difficile. Mais j’ai découvert que beaucoup avaient vu des DJs, que c’était un lien entre eux. La Mákina, ce style « happy-hardcore », y était très populaire.

Le premier jour, les élèves parlaient dans le couloir, alors j’ai un peu discuté avec eux. Ils me demandaient « est-ce qu’on va faire de la monkey ? » Qui est le terme dans le nord-est pour MC. MCing, ils appellent ça Monkeying. J’ai dit « c’est quoi… monkey ? » Je ne comprenais pas ce qu’ils voulaient dire… Ils se sont un peu foutus de ma gueule. Quand j’ai compris que ça parlait de DJs et de MCs, j’ai dit « oh, on peut avoir des platines en classe ! » C’était le premier jour, je n’avais aucune idée de comment faire ça. Ils disaient « wow ! Vraiment ? » Ils étaient immédiatement très excités.

Vous avez réussi à obtenir des platines de l’école assez vite ?

Non. Donc, au début, j’amenais des cassettes et ils faisaient les MCs en classe. Après quelques années, j’ai réussi à obtenir des platines vinyles. À chaque début d’année, dès que je mettais l’aiguille sur le groove et qu’on entendait le scratch, les classes les plus bruyantes s’arrêtaient et écoutaient. Immédiatement. C’est toujours une grande surprise pour eux d’avoir un professeur qui autorise une telle musique à l’école. Quand on a eu les platines, on a pu voir qu’une minorité de jeunes gens qui étaient de vrais bons DJs. Capables de mixer, d’utiliser des techniques avancées de manière vraiment efficace. C’était très positif, on arrivait à capter l’attention de jeunes « à risque ». J’ai enseigné là-bas jusqu’en 2012, jusqu’à ce que je me réoriente vers des travaux plus académiques. Donc j’ai fait des recherches sur l’enseignement musical, pour pousser d’autres professeurs à amener ce genre d’équipements en classe.

L’idée vous est venue en classe ? Vous jouiez du John Coltrane et du Beethoven, ça ne les intéressait pas alors vous avez demandé ce qu’ils aimaient ?

Oui, je leur ai demandé. C’est un principe pédagogique, pour moi. Ça doit être centré sur l’enfant. C’est celui qui apprend qui te dit ce qui l’intéresse. À partir de là, tu construis. Ce n’est pas mon background musical personnel. J’ai étudié le jazz, j’ai joué dans des groupes de punk et de rock. Donc j’ai beaucoup appris sur l’activité de DJ par mes élèves. La musique électronique ne doit pas être utilisée comme une carotte pour les amener à Beethoven ou John Coltrane. C’est pour leur apprendre à respecter la musique en elle même. Cette musique était très lourde, répétitive, intentionnellement violente. J’aime le punk, donc je comprends l’idée. Ça peut sonner laid en surface, mais il y a une beauté derrière. Et c’est beau de voir de jeunes gens s’exprimer à travers ça.

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