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10 actions pour combattre le sexisme dans la scène électro

Assez parlé, il est temps d’agir

  • SIRIN KALE | ILLUSTRATION: ELIOT WYATT | TRADUCTION: JULIANE GRAFF, M.-C. DAPOIGNY
  • 21 February 2017

C’est le problème avec notre scène, les hommes ne réalisent jamais qu’ils ne sont qu’entre mecs. Toujours à regarder par-dessus leur épaule, accusant quelqu’un d'autre de toute la détestable misogynie dont la scène fait preuve. Tu sais qui a tendance à ne pas assez penser au sexisme dans la musique électronique ? Les personnes qui n'en ont jamais fait l'expérience : à savoir, les hommes.

C’est comme le proverbe de l’arbre qui tombe dans la forêt. Si tu ne vois pas l’arbre tomber - tu n’entends pas parler des commentaires sexistes, tu vois les line-ups masculins des festivals, tu remarques que les artistes féminines sont moins bien payées - est-ce que cela se produit ? Oui, absolument. La forêt est en train de brûler à cause de notre connerie de misogynie, et il en dépend aux hommes d’aider à éteindre le feu (ils ont certainement un peu de retard à rattrapper).

Voici 10 façons de combattre le machisme et la misogynie dans la musique électronique (les mecs, comme vous dominez l’industrie, il vous faut redoubler d’efforts). Et parce que je suis sympa, j’ai tout condensé dans une liste - à partager sur votre groupe Whatsapp !

1 Vérifie le line-up

Si tu as vu la dernière programmation du festival Reading, tu sauras qu’il est embarrassant de constater à quel point les line-ups exclusivement masculins sont monnaie courante. C’est devenu de plus en plus commun, officieusement, de nombreuses têtes d’affiches ont confirmé à Mixmag qu’ils ont mis en place une politique, mais ils refusent d’en parler publiquement (de peur que des cons qui parlent avec un orifice anal en guise de bouche oseraient dire que la seule raison pour laquelle une fille est bookée, c’est parce qu'untel a insisté).

J’ai estimé que le discours autour de moi et de mes amis est arrivé à un point où j’ai senti qu’il fallait que je fasse quelque chose” nous confie un acteur emblématique de la techno basé à Berlin, durant une session sur Skype avant Noël. Il a demandé à rester anonyme, mais sa politique exige un pourcentage minimum de 15% de présence de femmes ou de transgenres et ceci sur chacun des line-ups sur lequel il est programmé. “Je dois refuser pas mal de choses, mais il n’y a pas tant de réponses négatives que cela. La plupart des gens veulent essayer.” Et si tu as la chance de constituer ton propre line-up : réfléchis à qui tu vas inviter à faire jouer. Oui, c’est facile de demander à ses potes. Mais si au moins la moitié des artistes ne sont pas des femmes, quelque chose ne va pas.

2 …Et booke plus de 2 femmes sur un festival !

Alors que les choses s’améliorent certainement, les line-up purement masculins restent la norme, pas l’exception. Les promoteurs doivent en faire plus, et cela ne veut pas simplement dire booker plus d’artistes féminines en vedette sur la scène principale une nuit et penser que le travail est fini. Les festivals visionnaires comme Sustain Release (géré par Aurora Halal et Zara Wladawsky) appliquent tranquillement une politique de booking basée sur la parité (50/50) entre artistes.

Pour nous il est important de continuer à pousser les promoteurs et les clubs à diversifier leurs line-ups, de remettre en question la persistance de l'hégémonie blanche et masculine qui est devenue systématique dans les clubs, festivals et même les prestations live”, raconte le collectif événementiel féminin Resis’dance: “En 2017, nous voulons voir des promoteurs et des clubs qui célèbrent la diversité et restent solidaires avec nous dans notre lutte pour essayer de casser les normes des fêtes patriarcales. Nous croyons en la possibilité de créer une liberté et une opportunité pour tous”. En clair, la diversité, ce n’est pas que booker des femmes blanches - il en va également pour les gens de couleurs, les transgenres, ceux provenant de la communauté LGBTQ. Pour finir, pensez à l’allocation de vos billets. Le vénérable festival de techno Freerotation répartit un nombre égal de tickets pour les participants hommes et femmes.

3 Arrête d’accuser les artistes féminines de ne pas produire leur propre musique

C’est assez sidérant que ça perdure, mais les artistes de sexe féminins sont systématiquement rabaissées par des gens qui se permettent de les accuser de ne pas faire leur propre musique. Notre artiste favorite de 2016, The Black Madonna, a aussi connu ce problème. “Quelqu’un que je ne connais même pas dans la vraie vie m’a accusée de ne pas faire ma propre musique” elle a tweetée en novembre dernier (incidemment, elle m’a révélée qui était cet idiot en question, et il était techniquement moins doué qu’elle, c’est drôle de voir ce que le sentiment d’insécurité peut amener certains à dire).

Pour être honnête, ça me fait rire quand les gens doutes de mes compétences” raconte l’artiste de techno conceptuelle Demian Licht, qui en plus de gérer son propre label est la seule formatrice certifiée d'Ableton en Amérique du Sud. “Au début j’étais vraiment très en colère. Mais avec les connaissances que j’ai acquise dans le domaine de la production, j’ai confiance à présent. Je n’ai pas besoin d’expliquer quoi que ce soit, mon travail et mes mots brisent les idées toutes faites.

4 Utilise ton pouvoir de consommateur

Nous sommes tous des consommateurs, et les réseaux sociaux nous rendent puissants. Par exemple, j’ai récemment acheté un produit à Berlin d’un label techno que j’adore, puis j’ai réalisé que l’ensemble de leurs lineups était composé d’hommes blancs. J’ai contacté par email le responsable du label pour me plaindre, qui m’a répondu en présentant ses excuses en promettant d’en faire davantage.

Ce n’est pas suffisant, mais c’est un bon début.

5 Pense à ton comportement en ligne

Comme les élections américaines ou un mariage royal, Internet rend con. Les plateformes comme Boiler Room et Mixmag intensifient leurs efforts pour chasser les messages misogynes abusifs dans leurs sections commentaires, mais le problème persiste. À l’inverse de Trump, toutefois, la misogynie n’est pas qu’orange et blanche. Ce fléau peut entrer dans des nuances de couleurs beaucoup plus subtiles.

Comme en critiquant le DJ set de Nina Kraviz parce qu’elle a joué un mix techno plus expérimental que la succession de beats linéaire à laquelle tu es habitué. Serais-tu vraiment aussi geignard et belliqueux dans tes commentaires si un artiste masculin très en vue avait utilisé ce set comme une opportunité pour expérimenter et élargir un peu plus ton horizon musical ?

6 Dénonce le harcèlement et pense à la manière dont tu agis

Si quelqu’un se comporte d’une manière qui te met mal à l’aise - et ce même si tu n’es pas directement impliqué - dis quelque chose, ou va chopper le videur si tu ne te sens pas capable de régler la situation par toi même. Et réfléchis à la manière dont tu agis. Es-tu au milieu d’un énorme groupe turbulent ? Dominez-vous physiquement l’espace? Et si l’on parlait de ton pote glauque qui reluque toutes les filles alors qu’il pense qu’elles ne le remarquent pas ? (elles le voient toujours!) N’oublie pas : tu n’as pas besoin de tripoter le cul d’une fille pour faire de sa vie un enfer. Les dancefloors sont une communauté et nous devons agir ensemble pour maintenir sa sécurité.

7 Vote pour les femmes dans les sondages d’opinion

Chaque année, les magazines de musique électronique publient les scrutins du public recensant leurs DJs favoris, et chaque année, peu de votes vont aux artistes féminines talentueuses de la scène, et les indignations sur Twitter s'ensuivent lorsque les premières places reviennent aux hommes.

Comment pouvons nous mettre fin à ce cycle incessant d’outrages sociaux médiatiques, qui n’est pas de la responsabilité des magazines ? En votant les femmes dans les sondages d’opinions. Aussi valable pour tous les journalistes qui contribuent à la liste du personnel dans l’industrie.

8 Utilise ta plateforme pour promouvoir les femmes

Ces 10 dernières années, l’explosion d’incroyables webradios underground a été un spectacle sublime à observer, et si tu es suffisamment chanceux pour pour avoir une émission individuelle - utilise-la. Ramène avec toi des jeunes filles talentueuses, donne-leur l’occasion de faire un mix d’invité spécial/special guest mix, appuie-les sur les réseaux sociaux, et laisse-les parler de leurs sources d’inspiration et de ce qu’elles font.

D’après par mon expérience, l’entrée professionnelle dans la musique semble quasi impossible pour moi en tant que femme” racontait la TNS résidente du DEBONAIR, à la suite de son set au Panorama Bar. Elle explique que préparer des sets pour ses émissions radio ont été un excellent entraînement pour préparer une performance en club, ce qui a participé à cultiver sa confiance et son identité sonore. Maintenant, elle ressent l'obligation d’aider les autres artistes féminines. “En partageant nos temps de paroles et en invitant les femmes à l’antenne, c’est un excellent moyen de connecter et de soutenir les femmes dans la musique” elle fait valoir. “Tant que l’on peut engager de la visibilité et créer un environnement confortable pour elles, ce qui n’est bien souvent pas possible ailleurs. “

Ce même principe s’applique à n’importe quelle autre plateforme. Tu gères un site Internet ? Demande à une fille de faire un podcast, publie les travaux de journalistes féminines, si tu es dans les relations presse ou agent de booking, fais-en ton affaire pour chercher les talents féminins et aide-les à bâtir leurs carrières.

Ton label n’a toujours pas sorti de musique produite par une femme ? Balade-toi sur Soundcloud et trouve une solution, booke des femmes et donne-leur la parole dans les discussions de groupe (et paye les).

9 Arrête de penser que les filles dans la musique électronique sont là parce qu’elles couchent

Répète après moi : “la fille derrière les platines n’est pas là parce qu’elle a couché avec quelqu'un… la fille derrière les platines n’est pas là parce qu’elle a couché avec quelqu’un”. L’année dernière, à l’occasion de la journée internationale de la femme, Dr Rubinstein a partagé sur facebook les commentaires qu’elle avait entendu pendant qu’elle jouait au Berghain : ”elle a baisé pour avoir cette date”. Clairement, cela signifie que la fameuse politique d’entrée au Berghain ne fonctionne pas, et tout ça parce qu’ils laissent entrer des idiots sexistes.

Il m’est déjà arrivé de jouer des sets où les mecs me dévisageaient” m’avoua Daniela La Luzz, détentrice du label Parallel Berlin. “Ensuite, ils se sont approché de moi et ont dit, “Je pourrais faire cela aussi bien que toi,” ou il a demandé si j’avais juste joué sur Traktor. Ils n'ont pas semblé comprendre que je jouais en live toutes mes propres productions, en les mixant en direct dans le club.”


10 Élève la voix !

Tu ne seras sans doute pas d’accord avec l’ensemble des points de cette liste. Tu dois te dire que c’est exagéré. Tu dois estimer que cela n’est pas assez (certaines personnes pensent que les boycotts sont une solution, mais pourquoi ne pas changer les choses en profondeur?). Le plus important est que nous soyons engagés avec l’industrie de la musique électronique en tant que fans et en influençant le milieu de manière proactive pour faire progresser les choses, au moyen d’espaces pluriels, ce qui veut dire que nous ne pouvons pas être de simples spectateurs inactifs.

Fais quelque chose : lance ta soirée, achète des billets pour une soirée de talents féminins que tu ne soutiens pas en temps normal, utilise ta plateforme pour aider les autres artistes. Mais comme les commentaires récents de Jackmaster l’ont montré, il est grand temps les hommes se lèvent et assument la responsabilité d’avoir participé à la fracture de l’industrie dont nous en faisons tous partie. Et par une scène dominée par les hommes, c’est aux hommes de se regarder dans le miroir et d’être honnêtes avec ce qu’ils voient.

Sirin Kale est rédactrice chez Broadly et contribue régulièrement à Mixmag.

Eliot Wyatt est un illustrateur freelance et contribue régulièrement à Mixmag.

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