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Culture

Bretagne : 5 collectifs électroniques qui font bouger Rennes

Made in Breizh

  • Thomas Andrei
  • 9 May 2018

Connue pour sa Rue de la Soif, Rennes, ville étudiante radicale, possède aussi une scène techno florissante qui s’active à travers une cohorte de collectifs. On en a choisi cinq, qui seront tous présents à la troisième édition du Made.

C’est le Guinness Book des Records qui le dit : Rennes a dans son beau centre historique la plus forte concentration de bars au mètre carré au monde. Une image qui attire les étudiants qui préfèrent le comptoir aux amphithéâtres, mais dont la ville et les locaux se lassent quelque peu. Alors, Rennes remet à neuf de nouveaux quartiers et une certaine jeunesse du coin s’écarte du centre pour créer. Longtemps ville rock et punk, la capitale de Haute-Bretagne devient une cité hip hop et électronique. Nouvelle génération, nouveau son, mais même état d’esprit underground. Un capital culturel que le Made Festival cherche à mettre en avant à chaque édition. Ici, cinq assos rennaises sont racontées par leurs fondateurs. Mais il en existe plus, beaucoup plus. Et les meilleures seront de la partie fin mai.

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A Good Event, par Jean-Benoit Pannetier

« Nous nous sommes rencontrés dans les canapés des ateliers de la Crèmerie, en octobre 2017. Comme tous les jours, c’est un local plein d’artistes, qui bossent ensemble ou non. Tu as envie de prendre part à tous les échanges, là-bas. Tu ressens une sensation enivrante, en étant à la source du graff.

Mes associés, c’est You Need It, une asso locale et un collectif de quatre graffeurs, deux Parisiens et deux Rennais, qui font du graff en Bretagne depuis des années. On s’est entendu directement. On kiffait tous l’art urbain et ils ont une énergie créatrice pure. Surtout, on avait la même envie de faire les choses bien.

Je suis rennais et travaillais déjà dans l’évènementiel, sur des petits formats, sans prétention. La Crèmerie, c’est que des artistes de dingue. Ils participaient et co-organisaient des events graff où la musique avait toujours un rôle et de mon côté, je faisais des events privés, spécialisé dans la sono et l’animation musicale, où la scénographie et l’artistique avaient toujours une place.

Alors on a eu cette idée : s’associer et proposer un event public. On savait qu’on allait se marrer et que ce serait cool. Le jour de la réunion de la création du projet, le Made Festival sortait son appel à candidatures. Après pas mal d’heures de réunion et quelques binouzes, le projet était là. Dimanche après midi, le 20 mai 2018, un live artiste de 10 h en open air, que du lourd, sous forme d’un mini festival éphémère, en plein jour. Superbe. L’idée, c’est que ce before soit le prélude de la soirée de clôture du Made 2018. On ferme à 22h, ils ouvrent un peu après.

La Bretagne s’affirme comme un bastion de l’electro free party. On est un peu hors du temps, hors système, ça doit jouer. C’est quelque chose de culturel, ancré à Rennes depuis des années. Et on en fait partie. »

[Photo : La Crèmerie x Good Event, DR]

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Turtle, par Julien Féron

« J’ai grandi à Rennes, mais mes parents viennent d’une petite commune à vingt minutes, Chasné sur Illet.

Turtle Corporation, c’est mon coloc Dorian et moi. Sans compter tous nos amis qui aident à rendre ce projet aussi cool. On s’est rencontré il y a un an et demi, à l’Aftec, dans notre BTS communication. Le jour de la rentrée, j’étais déjà absent. Je m’étais coupé au doigt la veille et j’avais du subir une opération. J’avais le nerf et le tendon sectionnés. Le deuxième jour, ça se voyait un peu et j’ai vu ce gros singe se marrer. Je me suis tout de suite dit qu’on allait bien s’entendre.

On avait tous les deux des projets avec des copains à côté. ÖND pour ma part, Léonard Wanderlust pour Dorian. On a la même passion pour la musique et on voulait apporter nos contacts, notre expérience et notre touche perso à la scène rennaise. On voulait faire une asso qui rassemble, faire jouer énormément de locaux, faire sortir des artistes qui jouaient dans leurs chambres. Alors, on a tenté le coup.

On se veut une association hyper ouverte. Nous avons onze artistes qui vont de la house et au disco en passant par l’indus, la minimal, la trans, la techno, le funk… On fait notre petit bout de chemin sans prise de tête, pour faire plaisir à nos amis et à nous mêmes. On ne pensait jamais arriver jusque là, mais on essaie de se professionnaliser pour plaire encore longtemps au public rennais. »

[Photo : Hameau, Made Festival 2017, © Adrien Henninot]

3
Motif, par Tanguy le Cam

« Dans l’association, nous sommes dix. Six d’entre nous, dont moi, venons de Quimperlé, dans le Finistère Sud. La fête là-bas, c’est plutôt cool. Il y a pas mal d’associations qui organisent des choses sympas, y compris en matière de musique électronique. Il y a aussi un festival d’art de rue, les Rias, qui se déroule en fin d’été sur plusieurs jours et attire toujours du monde. Tous les étudiant.e.s qui se sont rencontrés au lycée s’y retrouvent pour faire la fête pendant les vacances.

J’ai rencontré le co-président et notre graphiste à la fac de Rennes 2, nous étions tous deux étudiants en géographie et aménagement du territoire. Pendant un inter-cours, le temps d’une cigarette, on a discuté l’idée de créer une association. On a sondé d’autres amis et le projet s’est concrétisé un soir, autour d’une belle pinte et de quelques cacahuètes. C’était au Fat Cap bar, un bar branché street art en retrait du centre historique de la ville qui n’existe plus.

L’un des objectifs de l’asso est de mêler les arts sonores et plastiques. Nous organisons des soirées dans des bars avec vernissage et DJ set, comme au ÷Combi bar, dans le quartier d’Anatole France. Pour le Made, nous avons appelé deux artistes : un Parisien et une Rennaise, qui vont réaliser une grande fresque sur plusieurs mètres pendant l’open air. Ça promets d’être un grand moment de partage, dans ce lieu unique qu’est le Parc du Thabor. Avec des amateurs de musiques électroniques, des grapheurs, des musiciens bretons, des stands de skeuds et bien sûr de la bière et du cidre. Le tout, gratuitement et sous le soleil. (Du moins, on l’espère !) »

[Photo : Le Hameau - Made festival 2017, © Adrien Henninot]

4
Brume, par Baptiste Sorre

« Avec un autre membre du crew, on vit à la Courouze, un quartier en plein essor de Rennes. Nous sommes basés à Rennes, mais à l’origine, Brume vient de Granville, en Normandie. Nous sommes tous amis de longue date et nous sommes connus dans des soirées organisées chez ceux dont les parents étaient partis en vacances, à l’époque où on se battait pour mettre notre son du moment sur l’iPod. On branchait nos enceintes et en sortait du Daft Punk, du Fatboy Slim, du Dusty Kid… Encore maintenant, on préfère faire une fête dans une maison qu’en boîte.

Il y a huit ans, on créait une page FB, Fingers In The Noize, histoire de partager les sons qu’on aimait. C’était avant les groupes de partage et ça marchait super bien. Alors, on a décidé de monter une asso pour organiser des évènements et faire bouger Granville. Aujourd’hui, ce n’est pas seulement grâce à nous, mais il y a une vraie scène électronique à Granville.

Depuis, on a bougé dans des villes plus grosses. On a découvert le clubbing, les teufs, des festivals en France et à l’étranger. Nous sommes douze au bureau et vingt bénévoles actifs avec un socle commun, pour avancer autour du partage, de la convivialité, avec beaucoup d’idées et de goûts différents. Notre différence, c’est qu’on va parfois organiser des aprems ambiant ou house dans un parc, mais qu’on peut aussi faire beaucoup plus hard. On a un spectre musical très large.

On n’est pas à Rennes pour faire concurrence aux collectifs locaux, mais pour les compléter. Tous ceux qu’on a rencontré nous ont très bien accueillis. Le but, c’est la fête, dans les meilleures conditions pour ceux qui la font.

Pour le Made, on a décidé d’investir tout le Parc des Tanneurs avec une scène, un coin goûter - bar, un espace jeux - activités et une tente d’initiation aux machines. Le public pourra bidouiller des synthés, des TR, des TB pour se familiariser avec la production de musique. C’est souvent abstrait pour bon nombre de gens, alors que c’est toujours cool de faire des boucles et de les moduler.

Côté son, on fait venir des artistes de Paris et Lille pour la première fois : Bellaire et Bakaer, très bons représentants de la nouvelle scène house française; puis nos DJs Fudji, Sleek et Vagalam qui ouvriront le bal par un b2b2b. On finira avec un live techno pour motiver tout le monde pour la dernière soirée, avec Troma&Pers1. »

[Photo : Mascarade 2018, © Jean Adrien Morandeau]

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Chineurs de Rennes, par Zakari Ghermani

« Je suis né à Rennes et je n’ai jamais quitté cette ville. L’association est basée chez moi. Nous n’avons pas encore de locaux. J’habite un grand appartement, avec une grande pièce de vie où j’ai mes disques et mes platines.

Ado, j'ai fait de la batterie pendant 5 ans. Mais j’ai commencé la musique plus sérieusement il y a quatre ans, en me lançant dans le DJing. Mon premier amour a été le hip-hop, puis j’ai d’abord été influencé par des sonorités plutôt rock, soul et jazz avant de découvrir la musique électronique. J'ai très vite été attiré par le vinyle, format dans lequel j'ai baigné toute mon enfance grâce à l'incroyable collection de mon père.

Chineurs de Rennes fait partie du grand mouvement “La Chinerie”, initié par les deux compères G'BoÏ et Jean-Mi, aka Anthony Gboy et Quentin Courel. A l'époque je suivais le mouvement à fond, j'allais digger sur Chineurs de House, le premier groupe de digging collaboratif qu'ils ont créé. Je proposais pas mal de sons, ce qui m'a permis de rentrer en contact avec ces gars. De fil en aiguille ils m'ont proposé de reprendre le groupe Chineurs de Rennes qui avait été laissé plus ou moins à l'abandon, faute de temps. Emballé par l'idée, j'ai directement accepté et j'ai organisé des open platines. Dans un premier temps, je suis resté sur ce modèle qui m’a permis de rencontrer les deux premiers membres officiels de ce qui allait devenir une association. C'est avec Julien Vanrell et Paul Guihard aka JP Galax que j'ai monté la structure, pour officialiser la chose et permettre d'organiser des évènements de plus grande taille.

Je leur ai proposé le projet lors d'un open platines au Zola, un bar plutôt orienté hip hop avec de super cocktails, de super bières et surtout beaucoup de shooters. Bref, on en a discuté autour d'une bière, entre deux disques.

On essaie toujours d'organiser des choses qui sortent de l'ordinaire. On a été les premiers à remettre l'open platines au goût du jour. Lors de notre émission de radio hebdomadaire sur C Lab (le vendredi soir de 21h à 22h) on essaye de proposer des choses différentes comme des revues de presses ou des chroniques de disques. À Rennes, on est surtout différents des autres car très portés sur le vinyle et le digging. Nous privilégions toujours des artistes peu connus.

S’il existe tant de collectifs à Rennes, c’est déjà du fait de la démocratisation de la musique électronique. Ce n’est plus les années 90, quand la techno souffrait d'un manque de reconnaissance. Ensuite, Rennes a eu des influences punk mais on peut y voir beaucoup de techno depuis un moment. Tu n’as qu’à voir les vieilles programmations des Transmusicales : Underground Resistance, Frankie Bones ou 808 State.

On manque toujours d’accès à des lieux atypiques et de salles de spectacle. Mais c’est en train d'évoluer dans le bon sens. Pour Made, on joue au chantier, sûrement quelque chose d’assez housy, mais qui risque de finir fort… »

[Photo : Chineurs de Rennes, © Clémence Alain]

Photo en une : Made Festival 2017, DR

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