Au cœur de Bogota, techno, salsa et bass culture latine font bon ménage
Le joyeux désordre des afters-hours colombiennes offre un melting-pot culturel d’une diversité rare
Bogota. En haut d’un escalier en colimaçon, un petit bar nommé Cafetín de Buenos Aires. Ses murs sont couverts de posters de concerts, de vieilles photos et de pochettes d’albums. Un nombre impressionnant de clients, toutes générations confondues, sont accoudés aux tables des quatre coins de la pièce. Deux couples âgés dansent au milieu, et des piles de vinyles fournissent les étagères à côté du bar.
« C’est notre spot habituel pour commencer une soirée », explique Mansvr avec enthousiasme. « L’heure de pointe ici, c’est vers 16h le mercredi après-midi. L’endroit est plein de vieux couples qui dansent le tango. »
Notre interlocuteur se fait appeler Mansvr, un DJ house et techno colombien spécialisé dans un style d’electronica lascif et enivrant. Il fait partie d’un collectif de 25 personnes à la tête du Video Club, un bar de 600 personnes qui depuis son ouverture l’an passé, a accueilli des DJs internationaux comme Legowelt et Ben UFO, le co-fondateur de Hessle Audio. Alors qu’on commande nos boissons, le barman passe un titre latino avec une intro au vibraphone - plusieurs personnes se lèvent de leurs tables et se dirigent vers la piste de danse.
« Ce morceau est super », s'exclame Mansvr, pianotant sur le comptoir en rythme tout en continuant. « Joe Cuba - ‘Mujer Divina’ - un classique boogaloo. »
Cafetín de Buenos Aires n’est qu’un exemple de la masse incongrue d’échoppes qui entourent le Video Club. D’un côté, Dark Club, un bar gay BDSM. De l’autre, un petit club pour métalleux. En face, un des clubs reggaeton incontournables de Bogota. À 15 minutes en voiture se trouve la « zone de tolérance » où en pleine rue les hommes fument une version locale du crack, le ‘bazuko’. Les soldats vont et viennent entre les maisons closes peuplées de prostituées adolescentes - au vu et au su de la police locale qui patrouille le quartier par groupe de deux, reconnaissables grâce à leur vestes fluorescentes. À quelques pas à l’Est, Monserrate, une montagne où les suppôts du Christ rampent à genoux jusqu’au Sanctuaire du Seigneur tombé à terre.
« Bogota est une ville de contrastes et d’extrêmes », dit Mansvr, hochant la tête au rythme de ‘Mujer Divina’ en observant les couples danser autour du bar. « Des gens de tous horizons finissent ici. Certains ont dû déménager après s’être battus dans la jungle; certains viennent du Pacifique ou de la côte caribéenne pour tenter leur chance et devenir riches. Certains viennent d’Europe, des États Unis. Chacun apporte un élément de sa propre culture et tout s’entrechoque dans les soirées ici, au milieu. »
La tension entre ces influences est palpable dans les clubs de la ville, de la cave techno ténébreuse du Baum à la fantaisie hyper-hédoniste du Disneyland LGBT qu’est le Theatron, un superclub de 7 000 personnes. Un vrai labyrinthe où les performances de sosies de Rihanna en full drag côtoient des salles de strip teaseuses et où des sound systems crachent de la hard dance assourdissante à côté de zones dédiées à la salsa et au reggaeton.
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