Ce que femme veut : ces femmes qui militent pour nous faire danser
Les activistes du milieu ont leur mot à dire
Nous vous en parlions récemment sur Mixmag : début février, le DJ Jackmaster s’était indigné sur Twitter de la misogynie ambiante dans le milieu de la musique électronique après y avoir été confronté de près. Il avait été très vite soutenu par d’autres artistes reconnus tels que The Black Madonna, Midland ou encore Scuba. Cette indignation se faisait le reflet d’un problème bien réel et encore trop récurrent : les femmes qui osent s’aventurer du côté professionnel de ce milieu plutôt masculin peuvent se heurter à un mur de misogynie parfois très difficile à surmonter. Un paradoxe lorsque l’on sait que la house est née dans les milieux dédiés aux minorités et qu’elle se veut être un genre de musique universel. Les femmes qui produisent ou mixent sont souvent sous-estimées et ont parfois bien du mal à se frayer un chemin jusqu’au devant de la scène malgré leur talent tandis que celles qui s’investissent dans le management et la production ont du mal à être prises au sérieux.
C’est ce que nous raconte Laura Perez qui a travaillé dans l’événementiel à Paris. Résidente au Social Club pendant un an et organisatrice de soirées dans divers autres lieux comme le Petit Bain, elle compte à son actif nombre de soirées réussies ; mais malgré ses compétences et son expérience, il lui est arrivé d’être confrontée à des attitudes misogynes : “On me disait toujours “ah t’es la copine du DJ” ou “t’assistes untel ?” Alors que j’étais en binôme avec un mec, oui, mais j’étais quand même co-organisatrice. Et on me répondait “non mais il est où ton collègue je préfère quand même lui parler à lui”. Ca m’arrivait de me faire toucher les fesses à des événements que j’organisais aussi. J’ai fini par me dire que j’allais arrêter l’événementiel”.
Parfois ce n’est pas forcément méchant et ça part même d’une bonne intention. “Ils ont tendance à te dire “attends, je vais te brancher les platines” alors que non, je peux très bien le faire toute seule, je suis grande, je m’y connais autant qu’eux donc je peux me débrouiller toute seule” explique Camille, alias FAAST et son binôme pour le vjing, Emilie.
Mais comment expliquer de telles discriminations alors que l’on parle de musique, un domaine accessible et à tous et appréciable par tous ? Peut-être parce que la musique électronique - et a fortiori la techno - est un univers de sonorités parfois agressives et de machines électroniques complexes que certains peuvent juger difficile à appréhender pour une femme. On parle de “techno qui tabasse”, “qui cogne”, de “sons qui envoient” ou “qui tapent”, tout un imaginaire contraire à celui que l’on se fait de la femme. Et quand on essaie de la placer dans ce contexte c’est pour l’idolâtrer et en faire un fantasme : “C’est difficile de se lancer dans la musique quand on voit l'idolâtrie qu’il y a autour de Nina Kraviz par exemple” nous confie Camille. “Elle est adorée par les mecs parce qu’elle est douée mais aussi parce qu’elle est très belle. C’est difficile en tant que femme d’avoir un tel modèle, alors que le côté sexy ne devrait pas avoir d’importance.”
Or la musique électronique n’est évidemment pas l’apanage du sexe masculin. Björk, The Black Madonna, Louisahhh, Miss Kittin, Ellen Allien, Steffi, Virginia, AZF ; elles sont nombreuses à avoir contribué au développement du genre grâce à leur créativité et à leur passion. Ainsi, en décembre 2016, celle qui fut l’auteur du The Black Madonna Manifesto est entrée dans le top 10 du classement Resident Advisor des meilleurs DJs de la planète ; un classement établi à partir des votes des visiteurs du site. Un signe que nous assistons bien à un début de prise de conscience surtout lorsque l’on sait que l’artiste qui se revendique DJ, femme et lesbienne milite contre les discriminations contre les minorités - femmes, gays, transes, Noirs - au sein de l’industrie musicale.