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Enquête : l’état d’urgence freine la fête en France

“On ne peut plus faire un festival en occultant le risque d’annulation”

  • Thomas Andrei • ILLUSTRATION: PATCH KEYES
  • 2 August 2017
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Bonbonne de gaz, couscoussière et CNN

Le 19 juin dernier, sur les Champs Élysées, une voiture fonce sur un fourgon de gendarmerie. Le véhicule prend feu, avec à son bord des armes de poing, une kalachnikov, des explosifs et une bonbonne de gaz. La grande explosion espérée n’a pas lieu et l’incendie est vite maîtrisé, ne faisant de victime que l’assaillant lui même. À 10 kilomètres de là, Tommy Vaudecrane fignole les préparations de son festival, AREA 217, censé se dérouler 11 jours plus tard sur la base aérienne de Brétigny-sur-Orge. Le projet est ambitieux : 6 scènes, un large panel musical allant de la transe à la bass music et un camping offrant un lieu de vie pendant 3 jours. Avant l’attentat, tout est en ordre. Il faut dire que le projet AREA 217 ne date pas d’hier. “L’agglomération Cœur d’Essonne souhaitait développer un espace dédié à l’événementiel et à la culture, explique Vaudecrane. 57 hectares sont aujourd’hui dédiés à des évènements tels des festivals de musique, mais aussi des brocantes ou des tournages de films.” La première édition aurait déjà dû avoir lieu l’été dernier. Le festival ne dépasse déjà pas le stade de la pré-annonce, la préfecture de l’Essonne faisant rapidement machine arrière. Justification de l’annulation : l’indisponibilité des forces de l’ordre encadrant les sélections de football basées dans la région pour l’Euro 2016. Le tout dans le cadre de l’état d’urgence. Raisonnables, Tommy et son équipe comprennent et se mettent dès ce moment à préparer l’été 2017. Le 11 janvier, la team d’AREA rencontre la préfecture pour la première de sept réunions. Du fait de l’état d’urgence et de la taille de la manifestation, les exigences au niveau de la sécurité sont impressionnantes : “Les dispositifs se sont renforcés au fil des semaines, râle Tommy. On est passé de 4 caméras de surveillance à 10, de 250 agents de sécurité à 300. De 4 à 10 médecins en permanence sur le site. On a mis en place 8 kilomètres de barriérage et un mini commissariat pour que les interpellés puissent être interrogés avec d’être embarqués. Puis un poste de commandement opérationnel. Avec une salle réunion de crise, un bureau climatisé, 150 m2 pour les pompiers, 50 pour les blessés dans le cadre d’un accident tragique ou d’un attentat.

Quatre jours après l’incident des Champs Élysées, pourtant, le festival est interdit. À une semaine de son ouverture. La voix à moitié couverte par des sirènes, Vaudecrane grogne : “Il se trouve que cet abruti qui a essayé de se faire péter sur les Champs habitait sur la commune où devait se tenir le festival. Quand ils ont fait une perquisition chez lui, ils ont trouvé une cache d’armes et une couscoussière avec des produits pour faire une explosion. Il ne bossait pas seul, ils ont compris que c’était une entreprise familiale.” Alors que tout était signé, Sylvain Tanguy du Plessis Pate, le maire de cette commune de 4 000 habitants, est pris d'assaut par les médias. Vaudecrane poursuit: “Le 20, il s’est réveillé avec une gueule de bois. Sa commune était devenu le centre du monde pour CNN, Fox News, tout le monde. Après ce traumatisme, il a dû penser que c’était impossible que le festival se tienne. Il a dû se dire: ‘putain, s’il reste un terroriste quelque part et qu’il y a un incident sur le festival, je ne pourrais pas me le pardonner.’” Suit une montée de tension entre mairie et préfecture. Le dossier est quasiment validé et les autorités ne peuvent pas vraiment revenir dessus. Vaudecrane affine: “Je leur ai dit que tout était autorisé. Le jour de l’interdiction, on devait rencontrer la préfète pour finaliser les questions de sécurité. Ce n’était pas en défaut. Ils ont invoqué un ou deux prétextes qui n’étaient pas du tout conformes à la réalité de notre relation et du dossier proposé. On peut comprendre l’émotion que génère un acte terroriste. Depuis le Bataclan, il y a eu Manchester, l’Allemagne l’été dernier, ça n’arrête pas. On sait qu’on est des cibles. Par contre, il ne faut pas que ce soit prétexte à des interdictions.”

Suite ci-dessous.

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