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En images: 10 ans de free party en Europe avec Spiral Tribe

Sur les pas des sound systems itinérants, de 1990 à 2000

  • Marie-Charlotte Dapoigny
  • 10 July 2020

10 années de photographie, de flyers et de souvenirs de la scène free party européenne : c’est le travail d’archive inestimable qu’a rassemblé Seana Gavin dans un nouveau recueil photo intitulé Spiralled, publié chez IDEA.

Adolescente à l’époque, la jeune femme a suivi les Spiral Tribe et les sous systems itinérants qui ont rejoint le mouvement sur le vieux continent. Pendant toute une décennie, elle a vécu l’utopie des free parties anglaises, leur expatriation après la violente vague de répression policière qui a suivi le Criminal Justice and Public Order Act de 1994, et leurs voyages dans toute l’Europe.

Composé à partir des images et souvenirs sélectionnés pour l’exposition Spiral Baby exposés à la GaleriePCP à Paris l’an passé, Spiralled offre un aperçu nostalgique et bienveillant du quotidien des sound systems de l’époque.

Seana à Marianaplatz, Berlin, 1996

Comment t’es-tu retrouvée impliquée dans le mouvement free?

J’étais très jeune quand je me suis impliquée dans la scène, j’avais 15 ans. Tous mes ami·e·s en dehors de l’école étaient beaucoup plus âgé·e·s, vivaient dans des squats, en marge de la société. Je fréquentais régulièrement un club de l’Est de Londres appelé Whirly-gig, mais ça finissait à minuit. Je cherchais un moyen de continuer la soirée, alors des ami·e·s ont commencé à m’emmener dans les raves ensuite. La première était une petite soirée Spiral Tribe. J’ai tout de suite accroché, et bientôt ma vie a commencé à tourner autour des free parties qui avaient lieu tous les weekends.

Soirée dans une carrière près de Brighton, 2000

Tu as mentionné que tu t’es faite agressée par la police au moment où le Criminal Justice and Public Order Act est passé, en 1994. Comment était la vie alternative à l’époque, est-ce que tu penses qu’elle est toujours d’actualité pour la jeunesse de 2020 ?

Avec mes ami·e·s, on était engagé·e·s politiquement à l’époque. Il y avait beaucoup de manifestations autour de nous, contre le CJB et des événements comme Reclaim The Streets. Après le Criminal Justice Act, les autorités ont commencé à s’attaquer aux soirées. La police arrivait, nous agressait, arrêtait les sound systems et confisquait l’équipement, battait les gens et nous arrêtait sans aucune provocation. Il est devenu de plus en plus difficile d’organiser des événements. C’est alors que Spiral Tribe et d’autres sound systems ont décidé de quitter le Royaume-Uni pour l’Europe.

Après ma génération, pendant un moment je pense, la jeunesse m’a semblé plus docile et matérialiste, absorbée par la montée des réseaux sociaux et la télé réalité. Mais je pense qu’un cycle naturel se produit tous les 10 ans environ, et on commence à retrouver des parallèles. Les jeunes d’aujourd’hui sont de nouveau plus politisé·e·s, on trouve des groupes comme Extinction Rebellion et Black Lives Matter. C’est désormais la norme pour une jeune personne de se rendre en manif', je pense qu’ils ressentent les choses, ils savent à quel point des problèmes comme l’environnement, les droits de l’homme et Brexit vont les affecter, eux et leur vie future. Ça doit être difficile de grandir dans cette période de l’Histoire.

Mother Festival, Lincoln, 1995

Quel a été le plus gros challenge dans la conception de ce recueil photo, Spiralled ?

Comme certaines des photos ont été prises il y a plus de 20 ans, je n’avais pas les négatifs bien organisés, donc il a été parfois difficile de retrouver les dates et le lieu des images. Heureusement, les entrées de mon journal m’ont bien aidée à remettre les choses dans l’ordre.


Soirée Tomahawk, France, 1999

Tu as voyagé dans toute l’Europe avec Spiral Tribe, quels ont été les moments les plus mémorables que tu as pu documenter ?

On avait un convoi de véhicules qui voyageaient tous ensemble, avec Spiral Tribe et d’autres sound systems qui les avaient rejoints depuis le Royaume-Uni, comme Desert Storm et Hekate. Plus d’autres collectifs de sound systems venus d'Europe. C’est devenu une communauté mixte de nomades européens. La soirée de la St-Sylvestre 2000-2001 de Badelona était particulièrement épique et mémorable. C’était dans une grande usine désaffectée, juste à côté de la mer. Ça faisait une semaine qu’on était garés devant. Un effort considérable a été investi pour créer cette atmosphère, on avait décoré l’espace avec de grandes sculptures cinétiques et on avait fabriqué une grande horloge qui sonnerait les douze coups de minuit. Il y avait un buzz, une énergie incroyable avant le nouvel an. J’étais tellement heureuse que je me souviens avoir rigolé pendant deux jours non stop, puis j’ai perdu ma voix pendant quatre jours ensuite !

La soirée du Nouvel An 2000-2001 à Badalona, Espagne.

As-tu remarqué un changement d’atmosphère dans les dix ans pendant lesquels tu as suivi les Spiral Tribe ? Est-ce que ça se retrouve dans ton journal ?

Je pense que ce qui a changé les choses et parfois tué l’atmosphère, c’était la K, on appelait ça “party smack”. Ça ne faisait pas vraiment danser les gens, ça ne connectait pas au son, ils devenaient introvertis, dans leurs bulles, à l’écart. Après avoir perdu plusieurs ami·e·s à cause cette drogue, j’ai commencé à prendre mes distances.

Pause pique-nique de A à B en Allemagne, 2000.

La galeriePCP à Paris a exposé certains des clichés et objets présents dans le livre l’an passé, est-ce que tu as eu des retours du public français à l’époque ?

Oui, les retours ont été très enthousiastes. Cette ère du mouvement free party est toujours présente dans les esprits et très respectée en France, Je pense qu’ils sont toujours nostalgiques de cette période. Même si on trouve encore des teknivals et des soirées underground là-bas, elles ne peuvent pas avoir la même énergie que quand tout ça était frais et nouveau.

J’étais tellement heureuse que je me souviens avoir rigolé pendant deux jours non stop

Danse dans le brouillard, près de Barcelona

Est-ce que tu fréquentes encore des frees ou des soirées underground en ce moment ?

Plus tant que ça. Je me suis investie dans différentes scènes artistiques de Londres à partir de 2003. Mais malheureusement, j’ai trouvé de moins en moins de bons dancefloors, cette énergie me manque. En particulier de nos jours avec la pandémie et le confinement, même l’idée d’une fête avec 10 potes dans un salon serait du luxe !

Ben & Nina, Rave Exodus, Grande-Bretagne, 1999

La dernière entrée de ton journal est pleine d’espoir : qu’est ce qui t’a décidé à tourner cette page de ta vie ? Quel a été le prochain chapitre ?

Oui, tout se présentait plutôt bien quand je suis rentrée de cette soirée du Nouvel An en Espagne, en 2001. Mais peu après, j’ai connu la perte tragique de mon meilleur ami qui était resté en Europe, et cette soirée a été la dernière fois que je l’ai vu. Pour moi, c’était la fin logique du livre, je voulais terminer sur une note positive.

Free party avant l'éclipse solaire, Hongrie, 1999

Après ça, en 2003, j’ai commencé à m’éloigner un peu de cette scène, à mener un train de vie plus calme et plus sain à Londres. J’ai commencé à fréquenter davantage les soirées de hip-hop UK, car le focus était davantage sur la musique. J’avais mis mes photos préférées de cette période free party dans des albums et je n’arrivais pas à jeter les flyers, mais j’avais émotionnellement enterré cette période de ma vie. Jusqu’à l’été dernier, où j’ai montré mes archives au public pour la première fois à mon expo à Paris. Et tout est parti de là.

Le recueil Spiralled est sorti sur IDEA.

Crédits :

Toutes les images ont été gracieusement fournies par Seana Gavin, DR.
Propos rapportés par @MarieDapoigny

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