Gqom: le son underground explosif d'Afrique du Sud qui perce en Europe
Le Club 101 Sud-Africain de Durban : l’épicentre d’une nouvelle scène house urbaine
Depuis les premiers jours du gqom, les conducteurs de minibus du centre-ville ont joué la musique sur leurs énormes sound systems, un moyen d’attirer les clients à leurs voitures, lui donnant le nom de ‘taxi music.’
“Les taxis qui voyagent autour de la ville jouant du gqom sont comme de petites cellules rouges, et les routes sont les veines,” explique Gift, s’épanchant sur son analogie du système sanguin. “Certaines personnes à Durban ne savent même pas ce qu’est le gqom, mais il est fait toujours partie du décor, il circule dans l’ensemble de la ville.”
Au cours des cinq dernières années, le gqom a attiré l’intérêt du monde entier, les morceaux produits dans les cités de Durban joués par des DJs internationaux comme Kode9, le patron d’Hyperdub, qui a associé le son à “se trouver suspendu au dessus du champ gravitationnel d’un trou noir, et adorer ça.”
En mai 2015 les pionniers du gqom, les Rude Boyz, ont sorti un EP sur le label londonien Goon Club Allstars. En janvier 2016, une compilation complète est sortie sur Qgom Oh!, label fondé par le DJ italien Nan Kole. Malgré cette attention globale, le son brut des cités Durbanaises reste underground, lié à sa ville natale. Certains de ses éléments se sont bien faufilé dans la musique commerciale de Durban, mais il reste boudé des stations de radio et de l’industrie musicale en général.
En dehors des clubs bâtis de bric et de broc, dépourvus de licences qui existent dans les cités de Durban, il n’y a que deux clubs dans le centre ville qui sont autorisés à jouer du gqom hardcore: le Havana Club et le Club 101.
“La musique a des associations et fait émerger certains comportements - c’est pour cela qu’ils n’aiment pas trop la jouer dans d’autres clubs," nous a confié plus tôt dans la journée Ashoo Ramperas, le propriétaire du Club 101. Alors que nous arpentons les couloirs de service et les escaliers usés de l’entrepôt converti, les DJs, le personnel du bar et de la sécurité abordent Ashoo avec leurs questions. Après être passé par un bureau, nous émergeons sur un balcon calme avec vue imprenable sur le Centre de Conférence International de Durban, un immeuble rutilant.
“Même ici, au centre-ville, le crime et la violence sont des problèmes énormes,” dit Ashoo. “Durban est une ville difficile. Les jeunes d’ici vivent dans le moment présent."
“Les autres gérants trouvent que le gqom ne va pas avec la culture de leur club. C’est un son qui vient des cités pauvres de la ville et qui est joué dans les transports publics utilisés par les pauvres. C’est associé aux drogues, à la violence. Ce n’est pas associé à la richesse et au glamour.”
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La montée du son unique du gqom de Durban a été connectée à des facteurs variés, comme l’urbanisation rampante des communautés rurale Zulu, l’isolation dont les habitants des quartiers moins développés font l’expérience, la montée des désillusions politiques au sein de la jeune communauté noire ainsi que les changements de la culture de la drogue.
Gift explique que Durban a connu une explosion certaine de la consommation d’ecstasy au cours des cinq dernières années: “On l’appelle ’nkoh.’”
“Il ne faisait pas vraiment partie de la culture noire des cités jusqu’à récemment. Maintenant on le trouve partout, et ça a changé la culture musicale.”
Selon Gift et ses amis, l’autre drogue de prédilection est le sirop pour la toux à la codéine et au sein d'une minorité, un cocktail chimique connu sous le nom de ‘wunga.’ L’un de ses ingrédients serait l’antirétroviral Efavirenz, aux effets psychédéliques lorsqu’il est fumé - un médicament distribué en masse par le gouvernement sud-africain, dans le cadre d’une vaste campagne de combat contre le SIDA.
“Les gens qui utilisent ce truc,” nous dit Julie, une régulière du 101; “ce sont ceux qui marchent comme des zombies. Quand tu les regardes dans les yeux, on dirait qu’ils n’ont pas d’âme.”
Alors que la nuit avance, la musique devient de plus en plus sombre. Les beats déformés, haletants flottent au-dessus du dancefloor. Des samples de coup de feu résonnent sur la terrasse, des bombardements de drums sauvages déchirent les enceintes.
Gift et ses amis s’immergent dans les sons, se tordant les hanches et bougeant leurs pieds à la manière du bhenga. D’autres danseurs s’avancent, donnant des coups de pieds et se frappant les cuisses - une nouvelle danse plus agressive nommée skhotheni.
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