Joseph Capriati raconte comment il a pu jouer un set de 25 heures
Conseils avisés d’un DJ de compèt’
Un set de deux heures ? Un jeu d’enfant. Un set de quatre heures ? Ça passe tranquille. Six heures ? OK, là on commence à parler sérieusement. Mais un set 25 heures ?!
Depuis plusieurs années déjà, l’art du set-marathon a fait l’objet de nombreux commentaires, et la ligne qui sépare succès et échec cuisant est fine. On connait les titans de l’extended set, Marco Carola, tINI, Bill Patrick & co ont tous fait tourner les têtes avec leur sets monstrueux à Sunwaves festival. Mais ici nous nous concentrons sur le maître italien, Joseph Capriati.
Grand favori des fans du monde entier, le maestro de la house et de la techno a fait voyager les ravers lors de son dernier set marathon de 25 heures à Miami. Plus long qu’une journée complète. On peut aller aux États-Unis et en revenir dans ce laps de temps : difficile d’imaginer comment le selector a pu tenir aussi longtemps, mais les ravers de Heart qui ont assisté au set le plus long de sa carrière ont pu traverser tous les coins de sa sacoche.
Nous avons demandé au DJ de nous expliquer comment il avait pu tenir le coup, quels aptitudes étaient nécessaires à un tel tour de force et comment se préparer à mixer pendant plus d’une journée.
Keep it groovy
Mon set était principalement groovy. Quand tu joues pour une durée aussi longue, tu dois faire attention à ne pas trop pousser le public; Les gens veulent apprécier le côté house, donc j’ai créé des edits de tracks techno: des classiques qui oscillent entre techno et house. La plupart était groovy donc le tempo maximum que j’ai atteint devait se situer entre 127/128BPM. Je suis descendu jusqu’à 125 puis suis remonté à 127, ça permet d’avoir pas mal d’options.
Essayer de rester sain
Je sors tout juste d’un régime detox, je mange très sain en ce moment, c’est ce qui m’a beaucoup aidé. Avec ce régime vegan, mon corps se sentait bien. Quand je commençais à fatiguer, le besoin de s’assoir se faisait vraiment sentir et quelqu’un m’a donné une chaise pour 5-10 minutes toutes les 90 minutes, ça m’a aussi aidé.
Le plus important, c’est le mode de vie. Je parlais à Chris Liebling de ça l’autre jour, car il est vegan et très investi là dedans. Il m’a donné quelques astuces pour rester en bonne santé et se sentir bien dans son corps, et je les suis.
Beaucoup de gens ont commenté avec des remarques du genre « oh t’imagine combien de coke il a pris ». Pour moi, la cocaïne est très « anti-musique ». Si vous tapez de la coke, ça casse le feeling et votre cerveau n’est plus connecté, et vous ne pourrez pas jouer pendant 25 heures, je pense que c’est impossible. La cocaïne n’est pas pour la musique, si vous en prenez, la connection avec le son et le public s’arrête. Je pense que c’est mauvais. J’ai lu beaucoup de commentaires et bien entendu je voulais connaitre l’opinion du public.
Des gens qui n’y étaient pas ont peut-être écrit des choses comme ça pour rigoler, pour accuser facilement, mais je veux m’assurer qu’ils comprennent que la coke n'est pas la drogue adaptée à la musique. Alors si vous vous embarquez dans un set marathon, la cocaine n’a rien à voir là dedans, c’est certain.
Bien manger
Le plus important est d’avoir de la nourriture de bonne qualité et de ne pas trop boire, car l’alcool vous coupe les jambes. Quelqu’un m’apportait des noix ou des boissons énergisantes mais en arrivant au seuil des 24 heures j’étais là « je n’en peux plus, je suis fatigué ». C’est là que mon ami s’est approché de moi et m’a dit « Joseph, on a le truc parfait pour toi ». Il m’ont apporté une glace, et grâce à ça j’ai pu tenir une heure et demie supplémentaire. Après, je n’en pouvais plus et j’ai arrêté.
La vidéo de l'assiette de spaghetti était vraiment marrante. J’étais dans ma ville natale, à Naples et je jouais toute la soirée dans un des plus gros clubs de la ville pour environ 6000 personnes. C’était une soirée sold out et ils voulaient que je joue à leur after. Alors j’y suis allé et j’ai joué, et parce que c’est ma ville natale, ma cité, les gens qui organisaient l’after on dit « Oh Joseph on t’a fait des pâtes, c’est pour toi. »
Ils m’ont préparé ces excellentes pâtes maison, bolognaise, et ils sont arrivé avec un grand plat pour environ 10 ou 15 personne, et j’ai mangé. C’est tout. Quelqu’un a enregistré la vidéo et certain se sont plaint : « Oh tu es fou de manger en jouant, c’est tellement irrespectueux. »
J’ai simplement mangé, je suis un être humain. C’est mieux qu’on te voie en train de manger des pâtes plutôt qu’une vidéo où je prends un ecsta ou tape une ligne. On s’en fout, ce ne sont que des pâtes.
Passer des tracks bien frais
Je n’ai pas passé deux fois le même morceau. Pas un seul. C’est une des choses merveilleuses avec Traktor, car j’utilise les CDJ habituelle mais j’ai un énorme dossier WAV sur mon ordinateur et je n’ai pas besoin d’utiliser des clefs USB ou un disque dur externe.
Mais ça n’a rien à voir avec le programme utilisé. Je n’utilise pas la fonction sync, toujours le contrôle du pitch, mais les gens font bien ce qu’ils veulent. De nos jours on ne devrait pas se soucier si les gens jouent vinyle, CDJ ou Tracter. J’ai joué vinyle dans le passé et sur CDs aussi. Le gros atout de Traktor est que vous pouvez voir quels titres vous avez déjà passé. Ça m’a beaucoup aidé pour le set marathon et j’ai pu éviter les répétitions.
Je sélectionne beaucoup de musique chaque semaine, des promos et des demos que je reçois, principalement de la techno. Là je choisis des titres groovy. J’ai choisi house et tech-house donc le choix était large, et mes dossiers de titres que je n’avais jamais joué ont aidé aussi. J’avais un dossier random pour une occasion spéciale, principalement d’artistes minimal roumains. Ça a fait un carton aux premières heures du soir jusqu’à 6-7 heures.
Laisser la musique faire le travail
L’un des points les plus importants, et c’est quelque choses que j’ai appris avec Marco Carola, ça m’a ouvert des portes. Ce n’est pas vraiment une astuce, plutôt une règle générale et croyez le ou non, c’est simplement de ne pas mixer trop vite. Il faut laisser les morceau respirer et les apprécier. Ressentez la musique, ne stressez pas trop à rechercher le titre suivant et ne vous centralisez pas sur le mix. Ce n’est pas une performance d’une ou deux heures où il faut épater la foule, il s’agit d’économiser l’énergie du public et leur laisser apprécier le marathon. C’est un voyage.
Trouver le bon lieu et le bon public
C’était très important pour moi de pouvoir jouer pour le bon public. Le set a pu se dérouler grâce à l’échange d’énergie avec la foule. Je ne peux pas dire que la semaine prochaine ou le mois prochain ou même l’année suivante je voudrais répéter l’aventure parce que c’est impossible, j’ai même du mal à imaginer le refaire à Miami bientôt. Certain s’attendent à me voir revenir l’an prochain pour le refaire. Ils diront que j’essaierai une nouvelle fois de battre le record, mais il ne s’agit pas de ça. L’intérêt, c’est de ne jamais savoir quand ça arrivera, ou même si ça se reproduira jamais. Je en sais pas si je battrais ce record, mais quand ça fonctionne, ça fonctionne. On verra.
Il faut choisir le bon endroit pour le faire. C’est important de ne pas s’embarquer dans des projets comme ça dans des lieux où on ne sent pas trop que ça fonctionnerait sur une longue durée.
Sur ce set, c’était vraiment parfait car l’ambiance était positive, j’étais entouré des bonnes personne et j’avais un très bon public en face de moi. Il y a des gens qui ne sont jamais partis. J’ai vu des gens de la première heure jusqu’à la dernière heure, et ce qui est marrant c’est la manière dont ils m’ont sorti « Joseph, quand est ce que tu vas t’arrêter? On veux rentrer chez nous » et je leur ai dit « Les gars, rentrez chez vous » et ils étaient là « Non non non on ne peut pas on est restés pour tout le set et on veut finir avec toi ».
C’était un sentiment unique, tellement d’émotion.
Amusez-vous
Appréciez le sound system, le club, la structure et la foule. Il y a beaucoup d’éléments qui peuvent rendre un marathon unique. Amusez-vous simplement. C’est mon conseil, chacun a sa manière de la faire mais c’est comme ça que je vois les choses.
Crédits :
Initialement paru sur Mixmag UK
Texte original : Funster
Traduction: @MarieDapoigny