Justice : le retour

Gaspard Augé est entièrement vêtu de blanc. Il est le poilu, le plus ‘rock star’ du duo, souvent habillé de vestes de motards et de T-shirts noirs. "Less leather, more pleasure" dit-il, impassible.

"Il est drôle", ajoute Xavier de Rosnay, "Durant la tournée du premier album, nous avons réalisé que les gens ne comprenait pas notre style, ils disaient : "Qu’est-ce-que c’est que cette escroquerie ? Où sont vos vestes normales ? C’est décevant pour eux de nous imaginer sur scène de cette façon."

"Ils n’avaient pas vécu l’experience Justice", déclare Gaspard.

"Ca doit être comme de voir AC / DC et Angus Young sans son short d’écolier et sa casquette", dit Xavier. "Nous avons ressenti la même chose quand nous avons vu Slash qui ne portait pas son chapeau. Il était vêtu d'un survêtement. C’était comme si nous avions la moitié du personnage."

Gaspard regarde sa tenue de haut en bas. "C'est comme un serpent qui change de peau, je suppose", il soupire. Justice ressemble à un couple de star de cinéma au style Hells Angels et jouant devant des murs de baffles Marshall.

Justice a réussi à faire de la danse music en la rendant rock ’n’ roll et ainsi devenir un pivot d’un mouvement en plein essor, l’EDM.

"Notre arrivée en Amérique était une déclaration", Xavier est d'accord, mais à titre provisoire : "Notre son n’est pas grave, mais il est plus puissant - plus dur."

Avec le deuxième album de Justice ‘Audio, Video, Disco’ en 2011, le duo a plongé dans ses propres fantasmes de prog, écrasant les codes de la musique électronique en ajoutant des saveurs 70’s de sorte que des comparaisons improbables ont émergé : The Who, The Queen et même Iron Maiden. Il était la marque d’un groupe faisant résolument sa propre sauce. C’est toujours le cas avec ‘Safe And Sound’, le morceau d’ouverture du nouvel album ‘Woman’.

Un bond en avant après 'Audio, Video, Disco', 'Woman' dispose d'un choeur et d’un orchestre, ainsi que la présence de Johnny Blake de Zoot Woman, le chanteur français Romuald et une collaboratrice régulière, Morgan Phalen.

"À la fin de la première moitié, l’album devient plus libre et aventureux", explique Gaspard.

"La première moitié est plus pop, la deuxième est plus libre mais structurée", conclut Xavier.

Nous sommes assis autour d'une table dans l'appartement parisien de Xavier, un endroit aéré, ouvert, composé de poutres apparentes métalliques et contenant surtout le studio où l'album a été conçu. Un espace rempli de disques sur le sol - Aphex Twin, Todd Rundgren, la bande originale du film The Shining, etc… Les murs sont garnis d’affiches qui vont de Pink Floyd «The Wall», Chewbacca à un tapis encadré portant le portrait du président américain John F Kennedy et son frère Robert. Une table voisine contient un tableau de carafes de gin et un livre de Martha Graham intitulé, de façon assez appropriée, Mémoire de la Danse.

Xavier, vêtu d'une veste en jean et d’un T-shirt «Gibson Metal Master », boit du thé. Il explique le titre du nouvel album.

"Woman est un mot très puissant, un mot magnifique" puis il poursuit. "Pour être honnête, une grande partie de ce que nous faisons, c'est la plupart du temps pour plaire aux femmes ou pour les rendre fières de nous. C’est un hommage aux femmes dans nos vies; mères, filles, amantes, amies, collaboratrices."

Et les paroles du nouvel album semblent aussi se diriger dans cette direction ...

"Nous n’avons jamais fait une vraie chanson d’amour auparavant", dit Gaspard "mais sur ce disque, je suppose que l’amour est le thème sous-jacent."

Nous parlons de l’album pendant un certain temps. Comme pour le dernier disque, Mixmag est le premier à entendre le duo en dehors de son cercle privé, et ils sont désireux d’échanger des opinions.

"Nous ne sommes pas obsédés par l’analogique", dit Gaspard. "Nous avons une culture de l'informatique musicale. Avec des synthés par exemple. Nous les traitons toujours de sorte à ce qu'ils soient totalement éloignés de leur forme originale".

Ils forment un duo un peu énigmatique, attentif, drôle et parfois insaisissable. La meilleure façon de capter leur dynamique est, peut-être, de lire la conversation…