Plongée dans les eaux troubles de la hard techno avec le nouveau projet dystopique de Maike Depas

Le nouveau visage de la scène hard techno et hard trance italienne, Maike Depas, débarque avec un nouveau projet futuriste intitulé ‘The Age Of Chaos’. Cet EP est sorti en avril dernier sur son propre label The Innovation Studio.

Son imaginaire prolifique est une rencontre entre la science-fiction et le cyberpunk. L’arrivée fracassante de l’artiste se fait ressentir comme une claque sonore et visuelle à travers des clips 3D inspirés de films de science-fiction comme Blade Runner, Ghost in the Shell, Evangelion. En effet, Maike Depas a donné vie à ses idées dans les clips ‘Voyager’, ‘Dark Room’ et ‘Midnight Ride’ en collaborant avec les meilleurs artistes du moment : Leonardo Silva, Matt Coffey ou Matthieu Martin. Conçus comme de véritables chefs-d'œuvre futuristes, le retour du public est sans appel : plusieurs centaines de milliers de vues sont comptabilisées sur Youtube.

Après cet EP, Maike Depas ne démord pas et a sorti le 24 mai dernier un autre projet intitulé ‘Tokyo Nights’, sur le label Pushmaster Discs de Mattia Trani. L’artiste milanais montre une nouvelle fois toute l’étendue de son imagination. Ses derniers EP’s ‘Tokyo Nights’, ‘The Age Of Chaos’ et ‘Rave the Planet’ marquent son lien indéfectible avec la hard techno. Une voie que Maike Depas à l'intention de poursuivre “dans le futur”. Contrairement à ses anciens EP’s ‘State of Techno’ et ‘Euphoria’, plus mélodiques, illustrés par des tracks comme ‘Berliner’ et ‘Voyager’.

Dans nos échanges, nous pouvons discerner la personnalité introspective et profonde du DJ et producteur. Chaque mot résonne et Maike Depas nous emporte dans son monde hybride. Un monde qui flotte entre une ligne de basse sombre, des nappes hypnotiques et des rythmes épiques.

Maike Depas nous fait voyager à 360° dans son univers post-apocalyptique où l’intellect humain est en combat constant avec le monde numérique.

Tout d’abord, qui est Maike Depas ?

En termes de personnalité, je suis très réfléchi et j'ai un sens élevé du leadership, mais je peux aussi être très extraverti et impulsif, en fonction du contexte et de la situation. Au niveau artistique, je me sens comme quelqu’un de passionné de musique. En effet, j'ai joué du piano à quatre ans au Conservatoire de Milan et j’ai aussi appris à jouer de la guitare. Les membres de ma famille ont eu une énorme influence sur moi en termes de vision artistique, parce qu'ils sont profondément amoureux de la musique et de la beauté de l'art en général.

Comment as-tu pris goût à la musique électronique ?

Je viens d’une famille qui a une culture plutôt classique et pour mes parents qui n’écoutaient pas de techno, c’était surprenant de voir leur enfant passionné par cette scène. En effet, quand j’étais petit, j’étais émerveillé par Skrillex et Martin Garrix et j’écoutais plus particulièrement du dubstep et de l’EDM. J’étais passionné par les sons percutants de ces deux grands artistes. Surtout ce que faisait Skrillex à l'époque comme le track ‘Kyoto’ qui est gravé dans ma mémoire pour toujours et qui fait partie de mes premières expériences avec la musique électronique. Ensuite, j’ai commencé à écouter les grandes figures de la scène électronique comme Sven Väth ou Marcel Dettman, entre autres.

Tu as commencé à mixer très jeune, peux-tu nous raconter tes débuts ?

J’ai commencé à mixer à douze ans sur une petite machine dans ma chambre. C’est au Funkhaus de Berlin que j’ai le plus appris. Après cette révélation, j’ai réalisé que mon chemin avec la musique se dessinait à travers la techno. Ensuite, j’ai produit de nombreux singles et EP’s.

Tu as ton propre studio à Milan, peux-tu m’en dire plus ?

En 2020, j’ai monté mon studio à Milan, appelé The Innovation Studio. Nous collaborons avec des artistes de la scène techno sur mon projet. Nous travaillons également comme studio d'enregistrement pour d'autres artistes, en particulier pour les services de mixage et de mastering.
Désormais, mon équipe et moi cherchons à lancer le label en dehors de mon projet artistique, pour d'autres talents émergents. Nous nous préparons à lancer The Innovation Studio Records comme une véritable plateforme pour produire des artistes émergents et d'autres déjà confirmés. En outre, en septembre 2024, je vais lancer le projet “THE SPHERE“, une sorte de webradio qui met en lumière les nouveaux DJ's de la scène hard techno et techno.

Comment produis-tu et sur quelles machines ?

J'ai beaucoup de synthésizers dans mon studio, je suis un peu un nerd. Je travaille le plus souvent de manière hybride entre le numérique et l'analogique. Les machines que j'utilise le plus dans mon studio sont celles que j'ai choisies pour réaliser mon dernier EP ‘The Age Of Chaos’ : Roland 909, Waldorf Quantum Synth et Moog One. En ce qui concerne les VST, j'aime beaucoup Predator et Hive 2.

Quelle est ta manière de créer avec tes machines ?

J’aime créer mon propre flow avec toutes ces machines, j’essaie de rassembler toutes les conceptions sonores pour n'en faire qu'une. Ensuite, j’élabore le tout en un seul son. Quand je trouve enfin le morceau que je me suis imaginé, je me mets à enregistrer tout et n’importe quoi. Lorsque j'obtiens la couleur principale du track, je joue avec les machines et je leur donne un effet groovy avec, notamment, les drums machines. J'utilise une chaîne spécifique de périphériques analogiques et ma console de mixage. C'est ce qui fait la spécificité de The Innovation Studio : le meilleur équipement avec des professionnels à l'oeuvre !
En ce qui concerne mon processus créatif, je suis assez spontané. Cela fait partie de ma formation de pianiste : il faut improviser. Pour moi, il suffit d´aller au studio et d'allumer le matériel pour déborder d'idées.

Pourquoi as-tu appelé ton dernier EP “The Age Of Chaos”?

'The Age Of Chaos' est le résultat de ma propre expérience dans une réalité intérieure dystopique. Ici, l'énergie, les rythmes et les sons épiques se heurtent à une vision personnelle de ce que je perçois de la hard techno. Ma vision est intimement liée à un monde imaginaire et dystopique. La science-fiction m’influence beaucoup, notamment les films comme Blade Runner, Ghost in the Shell, Evangelion et d’autres œuvres cultes du genre. Par ailleurs, dans cet EP, j'illustre cette guerre continue entre l’humain et la réalité virtuelle. C’est comme une histoire que j'essaie de raconter à travers mes tracks.

Comment expliquerais-tu l'évolution entre ‘The Age Of Chaos’ et ton premier EP ‘State Of Techno’?

Dans ce dernier EP, ‘The Age Of Chaos’, j’ai développé ma vision créative et esthétique.
Il y aussi une évolution dans ma création entre ‘State of Techno’ et ‘Euphoria’ qui marquent le début de ma carrière professionnelle : je me cherchais musicalement et j'essayais de créer un son unique. C’était important pour moi de comprendre ce que je faisais et quelle direction je voulais prendre. En outre, si l’on regarde ‘Rave the Planet’, ‘The Age Of Chaos’ et mon dernier EP 'Tokyo Nights’ sorti récemment sur le label Pushmaster Discs de Mattia Trani, on voit qu’ils sont plus hard. Ma vision artistique est désormais plus centrée sur la hard techno, et cela restera ma ligne directrice pour l'avenir.

En ce qui concerne le remix de Matasism, comment avez-vous fusionné vos univers ?

J’ai toujours aimé la touche originale que Matasism apporte dans ces projets donc je l'ai contacté pour collaborer. Je lui ai montré mon track ‘Cyber Attack’ et il est revenu vers moi avec un remix qui ne ressemble pas à ce qu’il propose d’habitude à son public. Combiner ces deux visions différentes a donné quelque chose de plus pur et contemporain. J’ai adoré cette collaboration parce que c’est un melting pot d'idées et d’univers différents.

Dans certains de tes sons, nous percevons ta nostalgie pour la trance des 90’s, peux-tu nous expliquer pourquoi ?

Je suis vraiment passionné par la trance et cette période spécifique que je n’ai pas connue. Je pense qu’il est important d'apprendre le passé, de l’étudier et de réinterpréter le tout avec un son contemporain. Nous sommes tous liés par les 90’s d’une manière ou d'une autre parce que ça fait partie de notre histoire, de l’histoire de la culture club. La trance a façonné tout ce que l’on voit en ce moment sur le marché. Beaucoup de figures de proue de la trance sont des légendes et j'essaie de retrouver ces sons qui restent ancrés dans nos esprits et je les réintègre dans ma musique.

Dans ton esthétique, tu exprimes le lien entre l’homme et la machine, quel est ton rapport avec l’Intelligence Artificielle ?

L'IA est quelque chose qui va influencer nos vies et notre façon de voir la pensée humaine. Elle doit être un outil que nous utilisons pour amplifier nos pensées, nos idées et nos créations.

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Interview retranscrite par Camille Lorané le 23 mai 2024

Crédits photo : Kali Yuga