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Photo

Regards Nocturnes : la fête dans l’objectif de Romain Guédé

L'underground parisien en clair-obscur

  • M. Dapoigny
  • 8 July 2020

« Regards Nocturnes » » est notre série d'interview dédiée aux héros et héroïnes de l'ombre qui forment les archives de la fête : ces photographes et photojournalistes qui déambulent dans l'ombre et immortalisent nos nuits. Pour ce nouvel épisode, lumière sur un jeune objectif bien connu des soirées parisiennes : Romain Guédé.


Quand et comment as-tu commencé à photographier la nuit ?

J’ai toujours été pas mal en retrait, plus dans l’observation et l’analyse que dans l’action, c’est ce qui a fait je pense que je suis venu assez vite à la photo : peu importe ce à quoi ça touchait, les voyages d’abord puis les moments passés avec mes potes, les soirées. Je faisais donc déjà des photos de la nuit mais pas la même. C’est en 2016 que j’ai découvert les soirées techno et que j’ai naturellement eu envie d’y emmener mon appareil. D’abord en tant que simple participant, puis petit à petit j’ai contacté les orgas voir si les photos les intéressaient.

Des travaux qui t’ont inspiré·e en la matière ?

Je ne crois pas pouvoir ressortir une inspiration en particulier par contre je me suis beaucoup nourri d’images de tout type depuis des années, du cinéma, énormément de photos. Consciemment ou non ça reste en tête et ça a forcément défini l’esthétique que j’apprécie et que je cherche lorsque je prends et traite mes photos. Mais j’ai aussi tendance à croire que ce sont les conditions lumineuses de ces soirées sombres avec uniquement quelques spots qui définissent de fait ma photo : saisir des bouts de corps éclairés, c’est un peu tout ce qui est possible dans cette ambiance, avec les contraintes techniques de l’appareil et sans utiliser le flash.

Je passe toujours pas mal de temps à suivre tout ce qui se fait en photo et notamment photo de soirée.

Comment définirais-tu ta vision ?

Je pense que j’essaye de rendre compte de ce que j’aime dans ces soirées, de ce que j’y trouve beau et intéressant aussi. Une certaine idée de la diversité, de la liberté, de l’énergie, de l’abandon…

Je m’arrête aussi bien sur des looks que des ambiances, des mouvements, mais j’aime aussi capter des détails justement en décalage avec l’énergie de la fête.

En fait je ne pense pas me limiter à quoi que ce soit, je saisis juste ce qui attire mon œil et qui est possible de capturer.

Lorsqu’il s’agit d’un contour de visage, de bras qui s’agitent dans la lumière, d’une silhouette, et qu’on ne peut identifier personne, je trouve que ça colle encore plus à cet univers où l’on vient se lâcher, s’oublier parfois et où on peut décider d’être qui l’on souhaite...

Ce qui définit je crois le rendu de mes photos, c’est que je ne cherche pas à ce que la scène entière soit exposée correctement, c’est de toute façon compliqué et surtout ça ne représente pas l’ambiance en question : j’expose les hautes lumières et tout le reste se noie dans le noir.

A-t-elle évolué ces dernières années ?

Non je ne pense pas, par contre ma façon de faire oui certainement. Au début j’étais très discret. Je le suis toujours, mais avec le temps je vais de plus en plus vers les gens et je crée plus de lien avec eux. J’en viens à capter des personnes qui posent et se mettent en scène, ce que je faisais rarement avant. Ces derniers temps je me promène parfois dans la foule avec une barre lumineuse et provoque donc ce genre de situation.

Une série dont tu es particulièrement fier ?

J’avais particulièrement aimé la soirée « La maison 002 » organisée par la Toilette dans un parking du 18e. Un lieu brut, avec quasi pas de lumière, uniquement un néon rouge au milieu. Assez contraignant et en même très simple : je ne pouvais photographier que ce qui se passait dessous. Etant donné l’ambiance assez chaude, la majorité des gens s’était dévêtue, ça permet de capter la lumière qui se réfléchit sur leur peau. Ça a donné une série très rouge/orangée que j’aime beaucoup.

Une soirée qui t’a profondément marqué visuellement ?

En ce moment, j’aime bien la Bender car les néons installés proches du public correspondent bien au rendu photo que je cherche.

Sinon pas une en particulier mais je mettrais une mention spéciale au collectif Le Pas-sage qui organise leurs soirées dans des lieux originaux, carrières, tunnels, et c’est ce que je préfère : découvrir un lieu, ne pas savoir à quoi m’attendre.

Ton terrain de chasse favori, la nuit ?

Justement donc, j’adore en changer : mettre les pieds dans un nouveau lieu, c’est forcément des nouvelles possibilités de photos, encore plus quand ils ne sont pas initialement destinés à la fête. Globalement j’ai tendance à préférer donc les soirées hors clubs ou en tout cas celles où les gens peuvent se sentir complètement libres, faire ce qu’ils veulent et être qui ils veulent. Plus que le lieu en fait c’est le public présent et l’ambiance créée qui sont importants, la façon dont les gens s’amusent, dansent, se libèrent, influence mon ressenti et les photos que je ferais.

Une heure particulière où tu obtiens les meilleurs clichés ?

Franchement non, tout dépend... Ça reste quand même assez rare d’avoir les meilleurs clichés alors que la soirée ne fait que se lancer. Je crois surtout que plus longtemps on reste sur place et on est attentif et connecté à ce qu’il se passe, plus on a de chance de saisir des trucs intéressants. Evidemment les premières lueurs du jour sont toujours propices à de belles photos.

Ton objectif de prédilection en soirée, et pourquoi ?

Je ne parlerais pas de prédilection parce qu’en réalité je l’ai eu par défaut et je m’en suis satisfait : c’est un Canon EF-50mm F/1,4, mais qui associé à mon boitier, équivaut à 80mm, ce qui permet de saisir des détails tout en restant à distance et bien sûr qui fonctionne particulièrement bien en basses lumières. En réalité, j’aime alterner avec le grand angle qui permet de capter d’autres choses, une ambiance plus générale.

Une rencontre qui t’a marqué, depuis le début de ta carrière ?

Je n’ai pas forcément beaucoup de contact avec les gens, par contre j’aime les soirées où on peut sentir une osmose collective, où on échange regards et sourires avec des inconnus.

Si je devais ressortir quelqu’un ce serait Jacob Khrist que je croise toujours par hasard et dont j’ai commencé à suivre les photos dès que j’ai découvert ce milieu. Il n’a pas vraiment la même approche que moi pour le coup, puisque lui se place en véritable acteur ou parfois directeur de la mise en scène de sa photo, « provoquer la situation » c’est ce qu’il fait constamment, mais ça a toujours été enrichissant d’échanger avec lui et de découvrir sa vision. Je crois que je le rejoins également sur sa volonté de désacraliser les photos ou photographes, parfois on en fait un peu trop. Il m’a fait me poser des questions sur le sens de tout ça, je ne suis pas sûr d’avoir les mêmes réponses mais ça reste des discussions intéressantes.

Un conseil à donner aux jeunes photographes noctambules ?

De faire comme ils le sentent…

Où peut-on découvrir tes derniers / prochains travaux ?

Tout se passe sur mon instagram : @romain.guede

Crédits :

Photos : © Romain Guédé, DR, courtesy of the artist.

Photo en une : Agartha, Otawa

Photo 1: Les Eveillés @ NF-34, Paris
Photo 2: Bender @ Glazart, Paris
Photo 3: Agartha, Otawa
Photo 4: Bender @ Glazart, Paris
Photo 5: La Maison 0002, La Toilette, Paris
Photo 6: Bender @ Glazart, Paris
Photo 7: Le Pas-Sage, Paris
Photo 8: Le Pas-Sage, Paris
Photo 9: Le Pas-Sage, Paris
Photo 10: Agartha, Otawa
Photo 11: Déconfinement
Photo 12: Agartha, Otawa 02
Photo 13: Jacob Khrist, Subtyl @ Rex Club, Paris



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