Rencontre : Carlos Valdes
Le DJ qui fait battre la nuit d'Amsterdam
Carlos Valdes, DJ, promoteur et fondateur du label Studio Soulrock fait battre le coeur de la nuit amstelodamoise. DJ passionné, son habilité et sa polyvalence derrières les platines autant que la sensibilité et la pertinence de ses sélections lui ont valu de jouer dans les booths les plus fameux d’Europe ; depuis les respectables Panoramabar, Rex Club et Robert Johnson jusqu’aux chaudes soirées Circo Loco et Cadenza organisées à Amsterdam, sa ville natale. La capitale néerlandaise lui doit beaucoup… Résident au Trouw, organisateur d’incroyables fêtes et soutien inconditionnel de la communauté LGBT - les soirées … Is burning qu’il organisait avec son binôme de toujours, Sandrien, ont littéralement fait fondre plus d'un dancefloor -, Carlos Valdes est un pilier de la scène électro néerlandaise.
Nous l’avons rencontré en novembre dernier alors qu’il s’apprêtait à jouer au Rex Club pour les soirées Head On, résidence de la DJ Molly. Confortablement installés dans un typique café du Marais, nous avons discuté pendant près d’une demie-heure avant d’attaquer l’interview.
Jeune, le petit Carlos Valdes chante dans une chorale, prend des cours de piano. A douze ans, il se passionne pour le Hip-Hop, écoute des grands hits de R'n’B… Ce goût pour le son Hip-Hop lui est d’ailleurs resté, quand on lui demande avec quels artistes il aimerait faire une collaboration ou un featuring il nous répond Missy Elliott, Prince et Timbaland. «Les premiers albums de Missy Elliott par exemple sont une vraie mine d’or. Ceux de Timbaland aussi, si vous les écoutez encore aujourd’hui, il sont vraiment bons, avec quelque chose d’étrange aussi qui leur donne ce son différent."
Son univers musical est extrêmement vaste ; dub techno, disco, house, techno et même ambiant, ce que ses proches lui conseille d’aller écouter aussi. «"'Si je devais donner une couleur à mon spectre musical, ce serait difficile car il est très large.» Son premier contact avec la house music, Carlos l’a au Pacha-Ibiza, lors d’une soirée Ministry Of Sound, c’est DJ PP qui mixe et qui envoie Get Get Down de Paul Johnson, il a alors 16 ans. C’est quelques mois plus tard qu’il ressent profondément l’envie s’investir dans la scène house-techno. Ce déclic survient au Chemistry, un célèbre club d’Amsterdam - l’équivalent à l’époque de notre Rex Club - lors d’un gros event où jouaient DJ Sneak et Josh Wink. C’est à partir de ce moment qu’il s’est intéressé au noble art du Djing en achetant des disques et en commençant à mixer.
Cela fait maintenant dix-sept ans que Carlos a embrassé la profession de DJ - soit la moitié de sa vie passée derrière les platines à faire vibrer les foules du monde entier. Concernant la production musicale, même s’il s’y est essayé quelques fois, ça fait peu de temps qu’il possède son studio - studio qu’il partage avec San Proper. La production et le DJing sont deux versants distincts de la carrière d’un artiste électro, jusqu’à présent Carlos a toujours été bien plus investi côté DJ - à juste titre, tout ce temps passées derrière les platines, à se perfectionner, à chercher de nouveaux sons, à digger. La production musicale demande du temps et surtout requiert un cadre adéquat pour bien produire. Dans sa vision des choses, l’artiste voulait en premier lieu être un excellent DJ pour pouvoir ensuite se mettre à faire de la musique. « C’est plus facile de créer dès lors que l’on n’a plus a se préoccuper de l’aspect matériel, bien que certaines personnes y parviennent alors qu’elles sont sous pression, dans un contexte émotionnel intense, parfois éprouvant. » Cela ne l’a pas empêché de créer son label Studio Soulrock en 2000 sur lequel il a édité d’excellents artistes comme Tom Trago ou San Proper.
Dans le peu de temps libre qu’il lui reste, Carlos apprécie les bonnes choses de la vie évidemment, bien manger et passer du temps avec ses proches. Il se plait aussi à travailler comme barman, non pas pour gagner sa vie mais pour rompre la routine de la vie de DJ et surtout retrouver le contact avec l’humain. « La vie de DJ professionnel est une vie plutôt solitaire, quoique remplie d’individus, même si je sors les weekend et que je suis entouré de monde, c’est pour jouer et le contenu des conversations demeure léger et superficiel. »
Carlos a offert à la ville d’Amsterdam des événements d’une qualité rare, qu’il s’agisse de soirées LGBT ou de fêtes aux concepts innovant, toute la vie nocturne d’Amsterdam connait les noms de Vreemd, …Is Burning et One Night Off . D’après lui, la fête bien faite demande quelques éléments indispensables : en premier lieu, l’énergie dégagée par le public, qui doit avoir envie de s’amuser sans pour autant être dans l’attente morbide de l’amusement. « Il y a tellement d’événements et de fêtes, qu’aujourd’hui tu sors quelque pars juste pour y être allé. » La mise en scène d’un événement est centrale elle aussi, il faut « mettre en place un décor pour le danseur, simplement avec de la musique et de la lumière on peut créer des ambiances incroyables ». Le respect mutuel est un autre élément primordial, valeur essentielle de la scène house-techno originelle - « Peace, Love, Unity & Respect », souvenez-vous - qui s’est s’étiolé au fil des années, au profit d’une industrie électro de plus en plus stéréotypée. La bonne musique, évidemment. Enfin, la découverte, «cet aspect mystérieux de la fête est extrêmement important, je veux parler de l’élément de surprise, celui où l'on se dit mais, qu’est-ce-qui est en train de se passer là?"
Son regard sur les changements profonds qu’a connu la scène électro ces dernières années est critique sans pour autant condamner la marche des choses. L’artiste nous parle du cas d’Amsterdam, celui qu’il connait le mieux. Carlos appartient à la deuxième voire à la troisième génération de ravers. Quand il avait dix-sept ans il y avait moins de fêtes mais les choses étaient en un sens plus excitantes car neuves. «Aujourd’hui, pour ne parler que de la musique, tout ce qui est joué peut être shazamé, trouvé en ligne instantanément, acheté en format digital… Le mystère s’est un peu estompé. Cela explique en même temps la naissance d’un mouvement underground, musicalement très pointu et très exigeant.» Les nouvelles technologies ont elles aussi leur rôle à jouer, il n’y avait pas internet, pas de smartphone non plus. La communauté qui s’est développée par le biais des réseaux sociaux a structurellement transformé la club culture. «Le mouvement est aussi devenu d’une certaine façon plus superficiel et plus snob. Avant, cela gravitait autour de la house et de la techno, maintenant c’est une histoire de style.»
L’opinion de l’artiste n’est pas négative pour autant, « même si ça a changé, ce n’est pas forcément en pire.» Et c’est vrai, quand on regarde la ville d’Amsterdam aujourd’hui, elle traverse une période très excitante, entre les gros festivals, l'ADE et l'ouverture de nouveaux clubs. De nouveaux programmateurs et promoteurs rentrent dans la danse et font jouer de nouveaux jeunes artistes. Pour prendre l'exemple du Trouw, récemment fermé c'est au profit de nouveau clubs comme De School et le Shelter. Carlos admet préférer De School à feu le Trouw, bien que très attaché au club disparu, « le club (en parlant de De School ndlr) est peut être plus dark, mais c’est vraiment un bel endroit dans lequel le public se lâche aussi plus facilement qu’au Trouw.» Economiquement, c'est aussi une aubaine pour la ville.
L'artiste a commencé l'année 2017 avec plusieurs projets en préparation ; la finalisation de ses premières productions, le lancement d'un nouveau label sans oublier un calendrier de gigs toujours très fourni.
Carlos Valdes jouera ce dimanche à la Concrète en compagnie de Margaret Dygas et de K.O.D. Save The Date !