Le problème du DJing sous influence | The Secret DJ
Le mystérieux personnage répond chaque mois à vos questions sur le DJing
"The Secret DJ" est une série de blogs rédigés par notre artiste invité qui, sous couvert d'anonymat, nous fait part des expériences et des déboires de la vie de DJ. Dans cette nouvelle série, The Secret DJ répond chaque mois aux questions des lecteurs.
« Je trouve ça difficile de mixer sans avoir un coup dans le nez ou être un peu défoncé. J’ai commencé à faire ça pour être moins stressé, et c’est devenu un rituel. Comment m’en débarrasser ? » - A, Ibiza.
Merci A, c’est vraiment courageux de ta part. C’est l'opportunité d’en parler, parce que ça me concerne, depuis pas mal de temps également. Tu fais l'expérience de quelque chose qui tient de l'addiction, mais aussi de l'émotion. Je connais ça. C’est la réponse pavlovienne, un cercle vicieux dans lequel le corps et le cerveau reconnaissent une situation spécifique et demandent immédiatement les substances pour y remédier. Ça commence par un besoin émotionnel - dans les faits, l’état de panique est le meilleur moyen de décrire la situation de nervosité – et la solution rapide à tout ça, ce sont des drogues ou de l’alcool.
Tu te rends compte ensuite que tu es constamment nerveux en entrant dans le DJ booth et que tu dois faire usage de ces « solutions », pour combler un manque, satisfaire un besoin. Ça s’appelle un « apprentissage associatif ». Si tu n'as ce problème qu'à ce moment donné, ça n’est pas si grave ! Il faut voir le côté positif des choses, après tout.
Montre-moi un DJ (ou du moins quelqu’un qui doit monter sur scène à un moment dans sa carrière) qui dit ne jamais avoir peur avant de prendre les commandes et je te prouverai que ses bravades ne sont qu’un tissu de mensonges. Pendant un moment, j’ai pensé que ma conscience avait banalisé le fait de monter sur scène. Je n’étais plus du tout nerveux. Cependant, pourquoi fallait-il que j’aille trois fois aux toilettes avant un show ? Pourquoi est-ce que je faisais des rêves dans lesquels le matériel ne marchait pas ? J’ai vu des DJs qui sont habituellement des crèmes devenir irritables et nerveux avant un show. J’ai vu, plus d’une fois, des DJs internationaux aller vomir derrière la scène. Et ce sont des pros, qui partent en tournée sur des saisons entières. J’en connais un qui ne peut pas jouer sans prendre une poignée de Valium... Et si seulement tu connaissais son nom de scène, tu verrais toute l’ironie de la situation et serais sans doute sur le cul.
Maintenant, parlons un peu des solutions. Dans notre société actuelle, les opinions à ce sujet sont polarisées et binaires. Du genre « on devrait – on ne devrait pas » ou « c’est mal ou c’est bien ». Pour certaines personnes, la seule et unique solution, c’est le sevrage. La méthode la plus difficile, et je recommande une approche plus nuancée pour ma part. Réduire, diminuer les quantités. J’appelle ce processus les « vices raisonnables ». Il n’y a sûrement rien de mal à imposer une solution drastique, mais on devrait savoir quand arrêter sans se priver définitivement. Le véritable piège, c’est de rentrer dans cette zone et de se flageller sans le vouloir lorsque l’on joue. Et Dieu sait que j’ai connu cette situation. On ressent quelque chose lorsque les endorphines nous gagnent dans le DJ booth, mais ne pas être sobre influence forcément votre travail. Et ça fait mal par la suite, également. L’adrénaline vous donne l'impression d'être superman… pour un instant seulement. Si le problème est que vous avez juste besoin d’un petit coup de pouce pour aider le vaisseau à démarrer, ce n’est pas la fin du monde. C’est un petit problème, facilement résolu. C’est de naviguer dans la nuit, sans boussole ni gouvernail, qui est réellement dangereux.
Le problème quand on mixe sur scène sous influence, c’est qu’on pense être incroyable, tout donner. Mais si on n'est pas très attentif, une infime partie de la foule sera vraiment d’accord. C'est un état de fait, 90 pour cent des performances sont en quelque sorte une confidence à l’état pur. Donc si l’on a besoin d’un peu de courage néerlandais, pourquoi pas ? Mais sois clair avec toi-même : une fois que le set a commencé, c’est bouteille d’eau jusqu’à la fin. Tu pourras aller t'éclater après, quand ce sera fini. Ce que j’ai découvert pour ma part, c’est qu’à la fin d’un set, tu es déjà tellement high grâce aux substances naturelles de ton cerveau que tu n'as pas vraiment besoin de quoi que ce soit d'autre ; enfin, jusqu’à ce que tu redescendes (mais ça, c’est une autre histoire).
Tu trouveras peut-être, comme moi, qu'une fois que tu as réussi à tenir un show entièrement sobre, le besoin de courage artificiel disparaît. Peut-être qu'en te demandant : « Est-ce que je ne mixe bien que quand je prends une trace ou quand je bois un verre ? », tu mettras un petit coup à ta fierté qui te poussera à te prouver le contraire. La plupart du temps, il faut être sûr de s'entourer de bonnes personnes qui ont de bonnes intentions et qui pourront aider sur tous ces aspects du quotidien (personnellement, mon propre groupe de support en tant que DJ dépasse rarement quelques vermines locales et autres amis Internet imaginaires, cf. l'adage ‘Faites ce que je dis et pas ce que je fais’.)
Sur le long terme, le problème n’est pas ce que tu commences à faire en début de soirée mais plutôt un « interrupteur » endommagé qui ne fonctionne pas lorsque tu en as besoin plus tard. Je ne savais même pas que j’en avais un, jusqu’à tout récemment. Je t'incite à trouver le tien très rapidement.
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