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La DJ techno Sama’ Abdulhadi est détenue en Palestine

L’artiste palestinienne a été arrêtée lors d’un événement près d’un site historique

  • M. Dapoigny
  • 29 December 2020
La DJ techno Sama’ Abdulhadi est détenue en Palestine

Sama' Abdulhadi a été arrêtée, avec plusieurs autres personnes, pour avoir joué près d’un site historique proche de la rive ouest de Jericho. L’artiste, considérée comme une des pionnières de la scène techno palestinienne, aurait été arrêtée dimanche matin, après l’événement qui s’était déroulé à Nabi Musa – un lieu reconnu par les Musulmans comme la tombe du prophète Moïse.

Des personnes présentes ont confirmé que l’événement n’avait pas eu lieu à l’intérieur du lieu saint, mais dans une partie du bâtiment qui héberge régulièrement des rassemblements festifs et culturels – mariages, concerts ou anniversaires.

Plusieurs dizaines de jeunes avaient fait le déplacement de Ramallah, Jérusalem et Bethléem pour assister aux performances du samedi soir. Sur place, ils ont été attaqués et expulsés du site par des groupes de civils opposés à l’événement. Dimanche dernier, des vidéos ont circulé à Nabi Musa montrant des groupes enragés jetant des meubles depuis les fenêtres d’une auberge de jeunesse accueillant des touristes, avant d’y mettre feu.

L’Autorité Palestinienne a déclaré qu’une enquête poussée serait menée. Pourtant, plusieurs sources dont le père de Sama’ défendent que le Ministère du Tourisme aurait donné son aval à l’événement. Mixmag a trouvé un document qui semble prouver que l’événement avait bien obtenu le feu vert des autorités : selon le site musical local Ma3azef, la soirée faisait partie d’un projet vidéo documentaire d’ampleur sur différents sites archéologiques afin de promouvoir la culture palestinienne.

Le Premier Ministre palestinien Mohammed Shtayyeh a défendu que les responsables seraient traduits en justice. Il est cependant ouvertement critiqué par une partie de la population, qui déplore la gestion de la situation par le gouvernement. En dépit du mouvement d'indignation, beaucoup disent que le Ministère du Tourisme devrait être tenu responsable.

Mixmag a pu recueillir le témoignage d’une personne présente à la soirée, qui sous couvert d’anonymat, défend que l’autorité palestinienne utilise Sama’ Abdulhadi comme bouc émissaire : « Les mécontents n’accepteraient ce type de soirée nulle part. », il dit. « Ce qui a empiré les choses, ce sont les nombreux mensonges qui ont été diffusés sur la nature de l’événement, affirmant que c’était tout à fait immoral, la profanation d’un lieu saint. Il fallait que le ministère de l’Autorité Palestinienne responsable explique qu’un permis avait été délivré pour l’utilisation de ce site historico-culturel, plutôt que de jeter Sama’ en pâture pour satisfaire l’opinion. »

Une pétition anonyme circule sur la toile pour demander sa libération sur Change.org. Le texte stipule qu'un juge aurait prolongé sa détention sans chefs d'accusation, pour une durée de deux semaines.

En Palestine, plusieurs témoins indiquent que la Direction générale du renseignement (GID - Da'irat al-Mukhabarat al'amma, communément appelée le Mukhabarat), principal service chargé de la sécurité intérieure, organise fréquemment des descentes, sans mandat, dans les bars et soirées privées qui ont lieu dans les habitations du pays. D'autres musiciens palestiniens se sont confiés à Mixmag, sous couvert d'anonymat, sur des pratiques similaires : « On avait organisé un anniversaire » raconte un musicien de Ramallah. « Rien de fou, juste un groupe d'amis et de la bonne musique en fond sonore, comme le ferait n'importe quel jeune, et quelqu'un a alerté le Mukhabarat en disant qu'il y avait une soirée avec de la drogue et des prostituées. Les policiers sont arrivés immédiatement, certains armés. Ils sont rentrés pour tout fouiller, en nous traitant comme des criminels. »

Ali*, autre producteur palestinen âgé de 25 ans, raconte sous couvert d'anonymat avoir été torturé et emprisonné pendant six mois, après avoir été arrêté à son domicile sans mandat. « Ils ont trouvé un joint et quelques grammes [de cannabis] et ils m'ont jeté en prison. J'ai été battu, pendu plusieurs fois, un épisode traumatisant... J'en suis sorti, et avec la pandémie, j'ai du mal à remonter la pente, mais j'écris et je compose de la musique. C'est ma thérapie. »

En Palestine, les jeunes âgés de 15 à 29 ans représentent environ un tiers de la population. Dans un contexte de chômage élevé, de restriction des déplacements dûe à l'occupation et du manque de représentation politique pour leur génération, il sont nombreux à faire face au manque d'opportunités qui continue à toucher de plein fouet les jeunes artistes et musiciens dans la région.


* Le nom a été modifié pour protéger son anonymat.

Crédits :

Propos rapportés par Zab Mustefa.
Texte : @MarieDapoigny

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