Cvd a l'art de mélanger les genres avec une grande poésie
Un jeune producteur passé par le Groupe de recherches musicales de l’INA
La scène électronique française regorge plus que jamais de talents. Cvd, un jeune producteur passé par le GRM (le Groupe de recherches musicales intégré à l’INA) en fait partie et il se dresse même dans le haut du panier. Son premier album intitulé Elsewhere Nowhere, à paraître le 5 mai sur Cascade Records, devrait vous le prouver facilement.
Sur le premier premier titre « Dog Voices », on découvre une mise en bouche façon jazz électronique qui peut rappeler le premier long-format de Floating Points. Mais la comparaison s’arrête là car, au fil des morceaux, Cvd tisse une aventure musicale qui puise ses sources aussi bien dans le hip-hop que dans la musique concrète de Steve Reich. Sur ce premier album, Cvd montre qu’il a l’art de mélanger les genres et les inspirations avec une grande poésie.
Intrigués par son travail, nous lui avons posé quelques questions afin d’en apprendre plus sur sa démarche artistique :
Quelles sont tes inspirations ?
Je suis passé par plusieurs phases à « bloquer » littéralement sur certains artistes. Je parle de Radiohead, Clark, Flying Lotus, Steve Reich par exemple... Aujourd'hui j'ai l'impression d'avoir un rapport plus distant à ce que j'écoute, peut-être parce que je suis de moins en moins surpris par ce que j'entends. Dans un sens c'est plutôt une bonne chose, j'ai un rapport moins fanatique et exclusif à la musique. Je vais plus piocher à droite à gauche dans des choses qui ne me touchait pas forcement avant (la funk, la trap, le rnb...)
Tu as été élève au GRM pendant deux ans. Que retiens-tu de cette formation ?
J'en retiens surtout une philosophie et une manière de penser la musique. Arranger et disposer entre eux des sons au premier abord non musicaux pour transformer l'ensemble en objet musical. L'idée est intéressante, et la musique électronique part de là. Cependant de ce que j'ai vu du GRM, je le trouve aujourd'hui dépassé. À l'époque ils étaient les seuls à faire de la musique avec des machines ou des grincements de portes. Aujourd'hui le glitch, l'ambient, ou encore l'electronica font la même chose, mais avec l'harmonie en plus... et sans forcement avoir besoin de discours derrière pour être compris par ceux qui l'écoutent.
Quel est ton set-up en live ?
Nous sommes trois maintenant sur scène et j'en suis très heureux. Un batteur (Gaspard Gomis), un claviériste (Tom Paulin) et moi-même jonglant entre basse, guitare et ordi. Ils sont tous les deux au conservatoire en jazz, et ils m'élèvent musicalement parce qu'ils sont bien plus techniques que moi sur leurs instruments.
C'était ce qui manquait au projet pour lui donner un potentiel et le plaisir sur scène est réel maintenant. Par ailleurs je crois qu'à l'heure actuelle les gens sont un peu saoulés d'aller à un concert pour voir un type tourner des boutons derrière un écran.
Quelle a été la réflexion autour de cet album ?
Musicalement, tenter des choses entre musiques électroniques, jazz, hip-hop. On sait tous aujourd'hui que tout a quasiment été fait en musique. L'originalité d'un projet réside selon moi dans le métissage qu'il propose et la manière dont ça va sonner.
Concernant le discours de l'album, j'ai construit une fiction dans ma tête dans lequel l'Homme d'un futur proche serait connecté de toute part à un régime de l'image. L'idée était de questionner à mon petit niveau notre rapport à l'image et ses dérives. Nous vivons déjà une double vie aujourd'hui : la vie réelle, celle de tous les jours, avec les défauts qu'elle comprend, et la vie virtuelle que nous façonnons à notre avantage sur les réseaux sociaux par exemple. J'ai imaginé un monde dans lequel l'Homme, trop ennuyé de la réalité, serait dirigé par un prescripteur sensoriel, une sorte de dictateur du réel qui imposerait une réalité virtuelle plus étincelante. Un monde d'ailleurs, où une musique tournerait en boucle, appelée « Elsewhere Nowhere »... (sic) ça fait envie.