Sous pression des autorités, YouTube censure la jeune scène drill londonienne
Le genre est tenu responsable d'une criminalité en forte hausse
À Londres, le taux de criminalité a augmenté de 44% en moins d’un an. On compte plus de 60 morts liés à des règlements de compte dans la capitale anglaise depuis le début de l’année. Pour la police, le coupable est tout trouvé : la scène drill.
Ce genre est un cousin éloigné du trap né au début des années 2010 dans les quartiers Sud de Chicago, parmi les plus violents des Etats-Unis. Le style s’est popularisé grâce à des artistes comme Chief Keef et Lil Durk : des rappeurs de 17 ans (à l’époque) très énervés qui parlent d'histoires de gangs, de drogues et d’armes à feu.
La scène anglaise n’a rien à envier à celle de Chicago à ce niveau. La violence est omniprésente dans les clips où les rappeurs apparaissent très souvent le visage masqué. Armes, drogues et signes de gangs sont omniprésents dans les clips de rap. Même si l'esthétique violente fait débat, elle n’a pas été systématiquement censurée. Et c’est pourtant ce qui est en train de se passer en Angleterre.
Selon le quotidien national The Guardian, la police de Londres travaille depuis deux ans avec YouTube afin de supprimer les clips jugés susceptibles de faire monter la tension entre les gangs de la ville. Toujours selon le journal anglais, une trentaine de vidéos auraient été ainsi supprimées de la plateforme depuis 2016 : la censure d’un genre musical pour des questions sécuritaires.
Pourtant, le débat sur l’apologie de la violence dans la culture hip-hop ne date pas d’hier. En Angleterre, la scène grime avait subi le même acharnement médiatique et policier au milieu des années 2000. Mais pour la première fois, un genre musical n’est pas seulement accusé d’inciter à la violence, il en est jugé directement responsable.
Cressida Dick, nouvelle directrice de la police londonienne, est intimement convaincue que cette hausse historique du taux de criminalité est liée au développement de la scène drill et à l’explosion du nombre de vidéos sur internet. Elle affirme que les gangs se servent de ces clips pour entretenir des tensions existantes. La police se serait même servi des paroles d’une chanson du rappeur Junior Simpson afin de prouver la préméditation du meurtre de Jermaine Goupall, un adolescent poignardé lors d’un règlement de compte en Février dernier.
MC Abra Cadabra, un des leaders de la scène londonienne, s’est récemment exprimé à ce sujet. Il affirme que cette censure et cette polémique ne servent qu’à détourner l’attention de la politique du gouvernement qui délaisse totalement les quartiers les plus défavorisés de la ville, dont sont souvent originaires les rappeurs. Pour lui, la violence fait partie intégrante de son quotidien. Elle serait une réponse directe à un sentiment d’abandon qui touche les quartiers les plus difficiles. La violence présente dans ses textes et ses vidéos ne serait que la réflection du monde dans lequel il vit.
Une pétition contre cette censure généralisée a été lancée par 1011, un collectif d’artistes drill. Même si elle a déjà obtenu plus de 5 000 signatures, elle semble ne pas peser lourd face à la détermination des autorités.
Selon un porte-parole de YouTube interrogé par la BBC, la plateforme continuera à collaborer avec la police, et à revoir ses conditions d’utilisations afin d’éviter de promouvoir des contenus violents.
De quoi relancer le débat…