En bref
ABR. et l’adrénaline du live : confidences d’un performeur
Après son show pour Area, le DJ et producteur nous dévoile tout sur sa vision du live
Le 9 novembre dernier, pour sa première Live Edition, le collectif Area a investi la Cité Fertile avec un objectif précis : remettre le live au centre de la scène électronique. Le duo espagnol Aerea, Asaya, Majes et ABR.. C’est en plein jour, que les artistes étaient invités à lâcher les chevaux. Un format diurne qui s’impose de plus en plus sur la scène électronique en métamorphose constante.
C’est dans ce cadre, qu’ABR., figure montante de la scène parisienne et adepte convaincu du hardware live, nous a présenté un long set évolutif, personnel et créé en temps réel. Le producteur le dit lui-même : « C’est assez inhabituel pour moi de jouer en journée. Je crois que ce n’était que la 2ᵉ fois, mais j’adore ! ».
En effet, les visages ont dévoilés, le public et le DJ sont face à face dans la lumière crue. La Cité Fertile est d’ailleurs un lieu qu’il attendait depuis longtemps : « Je n’avais jamais joué [ ici ] et c’est un spot qui me faisait envie depuis un moment. ». Dans cette configuration, le lien avec le public est plus intense. ABR. insiste sur l’importance d’avoir des visages familiers en face de lui : « Il y aura toujours quelqu’un dans la foule qui m’est familier […] J’ai besoin de ces gens-là, ils me mettent en confiance et mettent l’ambiance dans la foule, c’est contagieux ! ».
Pour ABR., un long set est une aubaine pour prendre le temps d’installer un univers sonore minutieusement calculé. « Sur les perfs d’une heure trente j’accorde beaucoup d’importance au début du set, pour monter en pression progressivement. C’est indispensable […] pour m’échauffer en quelque sorte. ». Mais l’un des moments clés de son live est venu de l’autre côté du DJ Booth … En pleine montée, le producteur parisien entend au loin dans le public : « Il se fait désirer de ouf là non ? ». Cette phrase résonne dans sa tête, mais quelques minutes plus tard, le même spectateur lance : « Voilàaaa, là il s’énerve ! ». Cette validation déclenche une sensation presque physique : « Quand ce gars a été convaincu et qu’il l’a verbalisé, ça m’a donné une confiance plus grande en ce que je jouais. À partir de là, le flow, le mojo […] fait le job. ».
" Sans tous ces aléas, mes sets se ressembleraient tous "
C'est donc cette adrénaline et ce lien intime avec le public et la machine qu’ABR. recherche lors de ses sets. Et il affronte les dangers du live bien qu’il est plan tout tracé dans sa tête, il y a des “erreurs”, et ça ne se passe pas toujours comme il l’aurait prévu. Selon lui, « la réalité, c’est que les “accidents” et le live vont de pair. ». Il faut s’adapter, improviser, réorienter. « Des arrangements inversés, des filtres oubliés, des effets, des parties mutées au “mauvais” moment. Parfois même des erreurs venant des machines elles-mêmes qu’il faut rectifier sans que ça se perçoive trop. ». Cette zone grise imprévisible, c’est ce qui rend ses sets uniques : « Sans tous ces aléas, mes sets se ressembleraient tous. À ce niveau-là, autant prendre une clé USB et ne pas s’encombrer d’une flight case de plus de 60 kilos. ». Pas forcément à l’aise pour faire des jeux de regard avec le public, il avoue d’ailleurs qu’il est impossible pour lui de quitter ses manettes des yeux. « À mon sens, un live où tu peux lever les mains et ne rien faire pendant plus de quelques mesures, c’est que ce n’est pas du live. C’est comme si un guitariste jouait sans les mains, ça marche pas trop. »
Cette Live Edition lui offrait également l’occasion d’essayer de nouveaux titres, dont un morceau composé récemment avec Clair. « Je crois me souvenir qu’au moment où j’ai joué un projet qu’on a commencé […] la foule s’est agitée un peu plus […] Ça a plu. ». Ce type de test en conditions réelles fait partie intégrante de son processus créatif. Il faut jauger en analysant l'énergie du public : « Le principal moyen pour moi de ressentir la foule c’est lorsqu’elle crie, lorsqu’elle chante, etc. Il n’y a rien de pire […] qu’une foule qui ne s’exprime pas. ».
À mesure de ses performances et de ses sorties, ABR. assume une véritable redéfinition artistique, un tournant qu’il résume simplement : « Avec Personal Reset, j’ai voulu marquer ma différence. L’affirmer un peu plus. ». Dans un contexte qu’il juge de plus en plus exigeant : « Ça fait des années que je fais de la musique, ça n’a jamais été aussi dur que maintenant. » Le producteur continue d’avancer : « Tant que quelqu’un sera là pour m’écouter, je serai là pour faire de la musique. ». Les mois à venir s’annoncent chargés, entre plusieurs singles, un EP prévu début 2026 et l’envie « d’ouvrir [son] studio aux curieux pour des sessions […] sur du vieux matos… ».
Du côté d’Area, cette Live Edition s’inscrit dans une volonté d’apporter « une pierre de plus à l’édifice de notre direction artistique, que l’on veut toujours éclectique, pointue et exigeante. ». Le live d’ABR. représentait, selon eux, l’essence même de leur idée : « Sa prestation incarnait parfaitement la direction artistique que l’on voulait donner à cet événement. ». Ils se projettent d'ailleurs déjà vers la suite : « Le format du dimanche après-midi en live fait désormais partie des expériences que l’on souhaite absolument reconduire. ». Cette première édition laisse entrevoir un véritable potentiel pour le live : plus risqué, plus imparfait mais plus ancré dans la réalité entre l’humain et la machine.
CRÉDITS PHOTOS : @insolenterave
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