Ellen Allien : « J’ai vraiment besoin de faire de la musique pour être heureuse à Berlin. »
Une discussion autour de son nouvel album, Berlin, Ibiza, et l'évolution de la scène depuis ses débuts
Nost est ton huitième album. Penses-tu avoir atteint le point culminant de ta carrière ?
Je sais qu’aujourd’hui je n’ai plus besoin de prouver quoique ce soit mais je ne me pose pas la question de savoir si je suis au top de ma carrière. Peut-être que je vais faire quelque chose qui sera vraiment génial dans le futur, on ne sait jamais ! (rires) Je suis de la seconde génération de DJs féminines et j’ai apprécié toute l’étendue de ma carrière. Aujourd’hui je sais vraiment ce que je fais. C’est comme pour un cordonnier, après des années de pratique, tu sais comment le faire et tu apprécies enfin pleinement ton art.
J’aime le choix de carrière que j’ai fait, ça n’a pas été facile tous les jours parce que quand j’ai commencé il n’y avait rien, si ce n’est quelques clubs mais personne ne bookait les DJs berlinois. Je jouais seulement autour de Berlin, à Dresde et quelques fois en Pologne. Cette région était délaissée, à cause de la Guerre, c’était vraiment un désastre. Quand je regarde en arrière, ça me rend encore plus fière d’avoir fait un tel chemin.
As-tu déjà pensé à faire un nouvel album en collaboration avec un autre artiste, comme Orchestra of Bubbles avec Apparat ?
Oui, j’ai demandé à certains artistes mais ce n’était pas le bon moment pour eux. J’ai quelques idées en tête mais maintenant il faut attendre qu’ils soient prêts. Pour garder la surprise, je ne peux pas en dire plus aujourd’hui.
Le monde du DJing est-il toujours aussi macho qu'à tes débuts ?
En terme de visibilité, sous ne sommes pas au même niveau que les hommes, pas encore. Mais il y a de plus en plus de DJs féminines et de productrices qui se battent pour être reconnues. Elles ont la possibilité de jouer sur des gros créneaux mais elles sont encore sous représentées sur les line-ups. Il y a souvent une femme pour 5 hommes, mais pourquoi ne pas booker 3 femmes et 3 hommes ? Pourtant, le public demande à voir des femmes jouer, mais la plupart des promoteurs sont des hommes alors ils privilégient les hommes, enfin c’est ce que je pense ! Personnellement, j’écoute plus de productions faites par des hommes mais en terme de Djing, je préfère voir une femme derrière les platines. Je n’aime pas l’attitude macho, et je n’aime pas non plus ceux qui n’ont aucune expression, c’est ennuyeux. Je pense que les femmes ont plus de sensibilité, elles sont plus flexibles en terme de musique.
J’ai l’impression que les hommes veulent toujours être cool, ils se prennent trop la tête. Ils hésitent à jouer un disque, ils se disent « est-ce que c’est trop ceci ou trop cela ? ». Si tu aimes ce disque, alors tu le joues, il ne faut pas se poser trop de questions ou avoir peur. Rien ne changera sur le dancefloor si tout le monde joue les mêmes morceaux.
Peux-tu nous citer quelques artistes que tu suis ?
J’aime beaucoup le travail de Johanna Schneider, elle est de Suède et elle dirige le label Boss Musik. Son label est tout récent et il ne sort que des vinyles. J’aime l’attitude qu’elle a quand elle joue. J’aime aussi beaucoup Helena Hauff, beaucoup, je peux sentir la passion quand elle joue, elle ressent la musique avec le corps. Miss Kittin aussi, beaucoup pour ses productions antérieures mais aussi pour la manière dont elle balance entre la musique et sa vie privée, c’est très sain. En DJs, il y a Steffi qui est exceptionnelle, avec un son très acid. Il y a aussi Molly, une très bonne DJ house, avec beaucoup d’intelligence. On l’a invité pour la dernière We Are Not Alone à Berlin (série d’événements ayant lieu dans différentes capitales, ndlr) et elle a joué des morceaux vraiment deep, très touchant. Certaines personnes pleuraient.
Ton label BPitch Control aura bientôt 20 ans. As-tu prévu quelque chose pour cette occasion ?
Je n’y ai pas encore pensé, devrais-je le faire ? (rires) Je ne suis pas sensible aux chiffres, aux anniversaires. Certains artistes me l’ont demandé donc je pense qu’on le fera mais de mon côté ce n’est pas quelque chose d’essentiel.
Pour finir, aurais-tu un bon disquaire à conseiller à nos lecteurs ?
J’ai fait un Vinylism (une série d'events dans des disquaires qu'elle a initiée) chez Clone, à Rotterdam, et j'y ai acheté beaucoup de disques. C’est vraiment un disquaire génial. Chaque disque a une petite étiquette qui t’indique un disque similaire, pour que tu puisses comparer. C’est bien pour les personnes qui ne s’y connaissent pas ou ceux qui n’ont pas beaucoup de temps à passer entre les bacs.