Festival OASIS: Into the Wild, retour sur un moment suspendu au milieu du désert marocain
Marjana Jaidi, Walshy Fire, Amine K, Driss Bennis se confient sur l’importance d’un festival comme Oasis: Into The Wild
C’est au milieu du Sahara, entre les sommets de l’Atlas, que se cache l’un des plus beaux festivals que l’on peut expérimenter dans sa vie. Oasis: Into the Wild fait partie des premiers festivals de musique électronique présents sur le territoire marocain. Depuis 2015, le festival a laissé une empreinte indélébile sur la scène locale. Les plus grands DJ’s internationaux ont foulé son dancefloor, nous nous souvenons de la venue mémorable de Derrick Carter, Four Tet, ou bien du tant regretté Virgil Abloh. La force de cet événement se puise dans sa capacité à se renouveler et à offrir une expérience sensorielle toujours plus avant-gardiste. Cette année, l’Oasis: Into the Wild frappe fort et invite les festivaliers jusqu’au milieu du désert pour profiter des sets du meilleur de la scène électronique internationale : Honey Dijon, Jyoty, Amine K, Nooriyah, OCB a.k.a Driss Bennis…
Dès les premiers pas dans les coulisses de l’Oasis: Into the Wild, les festivaliers sont invités à prendre de nouveaux repères dans le Studio Atlas, le Hollywood made in Morocco. Dans ce décor surréaliste, le temps n’existe pas : nous ne savons plus très bien si nous sommes dans le futur, dans les années 50 ou au bord du Nil pendant l'Antiquité. C’est ici qu’ont été tourné des films et séries mythiques tels que La Momie, Gladiator, Game of Thrones, Prison Break, ou bien Astérix Mission Cléopâtre…
Si Mixmag a eu la chance de venir au festival, nous vous invitons à vivre ce moment unique à travers les yeux de la co-fondatrice de l’Oasis: Into the Wild, Marjana Jaidi; de Walshy Fire et de DJ’s marocains comme Kawtar Sadik, Driss Bennis, et Amine K.
Danser au milieu du désert ? C’est le pari de Marjana Jaidi la cofondatrice de l’Oasis festival d’origine philippine et marocaine. C’est en voyage à Marrakech qu'elle se dit que “la ville ressemble beaucoup à Miami et ce serait un beau terrain pour lancer un festival.” Quelques années plus tard, son cousin (et partenaire de l’Oasis festival) lui dit “écoute on va faire ton projet de festival, c’est le moment pour que tu sois la première”. En 2015, l’Oasis voit enfin le jour. Alors même que la musique électronique n’est pas son dada, - Marjana a plutôt été bercée par la scène Hip-Hop de New-York - , elle voit pourtant au Maroc un potentiel unique pour rassembler les amoureux de Techno et de House. C’est d’ailleurs en posant ses valises au Maroc pendant la période du COVID, qu’elle s’imprègne de la scène locale et découvre vite l'impact que peut avoir la création d’un festival ici.
Un peu hyperactive sur les bords, Marjana Jaidi ne cesse de chercher un concept novateur pour son festival, ce qui l’a poussé à créer « Into the Wild ». Comme son nom l’indique, Oasis: Into the wild se veut être une aventure où les festivaliers se retrouvent au cœur des terres marocaines. Choisir Ouarzazate comme lieu de prédilection pour un festival de musique électronique est un challenge que les équipes de Marjana Jaidi ont mené jusqu’au bout. Cette édition a permis de faire rayonner la ville et de montrer les multiples facettes que peut avoir la région.
Il faut d’ailleurs souligner que cette idée apporte avec elle son lot de péripéties... Pour accéder au studio de cinéma, il faut traverser les sommets de la chaîne de montagnes de l’Atlas depuis Marrakech jusqu’à Ouarzazate. Un voyage de quelques heures que nous oublions vite grâce à la beauté des paysages. Tout le long de la route, sans battre d’un cil, nous avons face à nous un spectacle magique avant même de rejoindre le dancefloor du festival.
L’Oasis: Into the Wild est un festival à part entière, qui peut se vanter d’offrir au public une expérience visuelle à couper le souffle. Après avoir fait un long chemin entre les montagnes marocaines, le Studio Atlas ouvre ses immenses portes entourées de deux statues de pharaons égyptiens. Passés sous ses colonnes intimidantes, nous entrons dans les décors qui ont marqué la culture du septième art. Comme le souligne Amine K, l’un des fervents ambassadeurs de la scène marocaine, “un festival c’est une expérience et cette année c’est incroyable, on est dans un studio de cinéma, tu te balades dans les ruelles pour aller de scène en scène.”
Pour cette nouvelle édition, les trois scènes de l’OASIS: Into the Wild se partagent le line-up du festival : Agrabah, Cleopatra, et la Kasbah. Chacune d’entre elles possède sa propre énergie et scénographie unique.
Agrabah est une grande cour qui, avec un peu d'imagination, nous rappelle des scènes de film d’un marché antique. Cette première salle a pour toit des rubans rouges géants qui flottent dans le ciel. C’est dans ce lieu que les festivaliers ont pû goûter aux prémices du festival ce 27 octobre. Cette première partie a accueilli le meilleur de la scène Hip-Hop nord-africaine avec Ouenza, Draganov et Alo Wala, entre autres. C’est dans cette ambiance survoltée que Walshy Fire, le DJ, MC, compositeur et membre du duo international Major Lazer, a repris la main sur les platines pour jouer ses plus grands hits comme ‘Lean On’. Le lendemain, Amine K a livré un set hypnotique accompagné de plusieurs autres amis et artistes autour du DJ Booth. Bercé par une pluie d'émotions, le dancefloor n’a pas hésité à suivre les percussions et le groove du DJ en dansant et chantant tout le long du show. Cette grande salle a aussi été le théâtre de moments inoubliables comme le set Deep House et Jungle de l’artiste londonienne Ok Williams… une tête que nous avons déjà vue chez Mixmag lors de notre événement à Bruxelles. Sans oublier le closing très attendu d’Honey Dijon, célèbre pour avoir remporté un Grammy Awards pour sa collaboration sur l’album ‘Renaissance’ de Beyoncé.
La salle la plus spectaculaire est sans aucun doute “Cleopatra”. Ici, le DJ booth surplombe la foule au-dessus de grandes marches entourées de colonnes égyptiennes et de quatre immenses sphinx allongés, guettant le dancefloor de leurs regards énigmatiques. Dès le premier jour, les ondes positives se sont levées dans ce décor spectaculaire. La DJ Nabihah Iqbal y a pris ses quartiers et a partagé ses remixes de hits comme ‘Millionaire’ de Kelis, ‘Can't Get Your Out My Head’ de Kylie Minogue et ‘Blue Monday’ de New Order. Du haut des grandes marches, la londonienne a amené une énergie réconfortante sur le dancefloor où les festivaliers en transe ont scandé des messages engagés pour la paix au Moyen-Orient. Une autre artiste londonienne très attendue sur la scène Cleopatra, Jyoty, a mérité l’ovation du public. Pour son second show au festival Oasis: Into the Wild, elle a réussi une nouvelle fois à transporter le public dans son univers aux accents Break, Garage et Jersey club. La deuxième scène a aussi accueilli en son antre l’une des figures mondiales de la House, DJ Koze et la performance de Nooriyah, l’artiste saoudienne qui fait parler d’elle dans les quatre coins du monde. Cette dernière a su mêler avec brio la musique traditionnelle du Moyen-Orient à ses meilleurs tracks jusqu’à créer un sentiment d’union émouvante sur le dancefloor.
Dans un lieu plus intimiste, la Kasbah, cette petite enclave aux airs de village, a servi de salle de jeu pour le set hybride de Kawtar Sadik. La DJ marocaine a envoûté la pièce grâce à ses productions inédites et ses chants amazighs. Pour elle, “(sa) musique représente la force de la femme africaine amazigh” et elle veut, à travers ses chants “passer un message de paix “ et inspirer d’autres femmes à mixer. Illuminée par un mapping immersif pointu, la Kasbah a révélé aux festivaliers un autre talent made in Morocco : le duo multi-instrumentiste Wahm. Les deux artistes ont marqué les esprits grâce à leur show accompagné d’une guitare où la frontière entre Rock et musique électronique est devenue floue. Le b2b groovy entre Nathabes et Abel Rey, a quant à lui, animé la foule de ses loops enivrantes. Le closing à la Kasbah a laissé une note de fin pleine de groove grâce aux selections d’OCB a.k.a Driss Bennis, qui n’est autre que le fondateur du label Casa Voyager, bien connu du public français.
De part et d’autre du festival, les gens du monde entier se rencontrent et les discussions mixent le français, l’anglais et l’arabe. Pas moins de 60 pays se sont retrouvés au milieu du désert à l’Oasis: Into the Wild. Ce festival est une sorte de havre de paix, où l’on peut se réunir autour de la musique et de la culture. Ici flotte un esprit libre et un sentiment de communion où les keffiehs se mêlent dans la foule aux vêtements à paillettes. Comme le dit si bien le DJ, producteur et MC Walshy Fire : “la musique permet de retirer le stress, les problèmes”. Que ce soit la guerre Israélo-Palestinienne ou le séisme survenu au Maroc il y a quelques mois, la musique est là pour nous délivrer de toutes nos inquiétudes le temps d’une danse.
Walshy Fire partage cette émotion lorsqu’il parle de l’Oasis: Into the Wild, un festival qui lui inspire “la communion et l'unité”. Le Maroc est pour lui “un lieu spécial” qui donne envie d’être curieux, d’aller dans tous les petits villages aux alentours et c’est aussi ça que l’Oasis festival permet. Pour certains festivaliers, ce ne sera pas possible de découvrir les autres villes et c’est une mission que s’est donné Marjana Jaidi avec son projet, amener “la culture du Maroc” sans quitter le festival. Pour Marjana, “le festival est lié au tourisme et je nous vois comme des ambassadeurs culturels pour le Maroc”.
C’est pour cela que le DJ originaire de Rabat, Amine K “porte haut le drapeau du Maroc partout où (il va)”, il souligne d’ailleurs que “le festival Oasis a beaucoup aidé à mettre le Maroc sur la mappe mondiale de la musique électronique”. Il est donc important que des events comme Oasis: Into the Wild soient là pour mettre en avant les nouvelles générations et leur permettre de trouver leur public. C’est l’un des aspects que Marjana Jaidi s’efforce à mettre en avant en bâtissant ce projet. Une mission qu’OCB, a.k.a Driss Bennis s’est aussi donné en sortant son propre label Casa Voyager, parce qu’“au Maroc, on se bat pour des parts du gâteau alors que ce gâteau n’est pas encore très gros : les places sont chères ”. Selon lui “on doit plutôt créer une synergie pour aller tous dans le même sens”.
La créatrice de l’Oasis: Into the Wild, Marjana Jaidi insiste sur le fait que le festival “ne s’arrête pas à la fête, ce sont aussi des opportunités pour se connecter et connaître des gens différents de soi”. Cet événement permet d’attirer des gens qui aiment la musique, mais qui n'auraient pas pensé venir au en festival au Maghreb. C’est de là qu’Oasis puise sa force : “les jeunes se rassemblent avec des personnes venues d’ailleurs ici pour échanger dans un beau cadre.”
En effet, dans l’antre du festival, tout le monde se rencontre : que ce soit les organisateurs, les festivaliers, les artistes, la relation presse jusqu’aux équipes techniques. C’est “une grande famille”, comme aime le rappeler Amine K, qui investit avec passion le DJ booth à chaque édition de l’Oasis festival.
L’Oasis: Into the Wild est un hub culturel, qui rassemble des artistes du monde entier et met en avant ceux qui viennent du continent africain. C’est aussi pourquoi on y retrouve la Mbari House, une idée sortie tout droit de l’imaginaire de la curatrice et fondatrice de Studio Sissongo, Janine Gaëlle Dieudji, et de Marjana Jaidi. Lorsque l'on arpente cette salle d’exposition aux couleurs acidulées, nous découvrons de nombreuses activités : des projections de films, des Tea Talks, des installations artistiques comme "Kamoinge: A Call to Federate," qui met en lumière la collaboration exclusive entre les artistes Hassan Hajjaj et Sam Lambert & Shaka Maidoh du collectif ACF (Art Comes First). Comme l’explique Walshy Fire, lier les différents artistes du continent est un moteur qui permet d’être créatif et c’est aussi ça l’âme de l’Oasis: Into the Wild : mêler les cultures et les talents pour créer une symbiose culturelle entre les pays africains.
Propos recueillis par Camille-Sarah Lorané
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