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Culture

Gangster’s Paradise : comment le chef d’œuvre de Coolio est entré dans l’histoire du hip hop

Le titre culte a 24 ans cette année

  • Kate Hutchinson
  • 12 October 2018

Ses violons reconnaissables entre mille, un beat lancinant et des envolées lyriques sous forme de prières de repentir ; ‘Gangsta’s Paradise’ de Coolio est une des créations les plus chéries du rap. Pas seulement parce qu’elle a vendu plus de 6 millions de disques dans le monde entier, qu'elle soit devenue un des singles les mieux vendus de l’histoire du genre, ou parce qu’elle a dominé le Billboard chart américain en 1995. Pas parce qu’elle a battu le King of Pop Michael Jackson pour se hisser en haut du Top 10, ou parce qu’elle est devenue un monument du sampling. Mais parce qu’elle a accéléré l’union cruciale – bientôt consommée – entre le hip hop, le rap et le mainstream. 24 ans plus tard ; on la célèbre encore.

Alors que « l’âge d’or » du hip hop mitonnait doucement sur le feu des nineties, le légendaire ‘Illmatic’ de Nas’ secouait toute la côte Est et les sons hardcore du ‘Ready to Die’ de Biggie faisaient leur apparition sur les charts. Si les deux disques avaient remporté le soutien des radios et de la critique, le rap du début des années 90 restait une subculture. Accueilli comme une voix pour le ghetto; le genre était synonyme de violence, de crime et de dépravation sociale. Il parlait à la culture d’une jeunesse noire marginalisée, enracinée bien loin de la reconnaissance populaire.

Bien que le rap continue à représenter ces voix de nos jours, elles sont reçues différemment. Sa domination des charts ne surprend plus comme à l’époque. En 1995, il est évident que le hip hop allait connaître une nouvelle percée : il lui fallait simplement un moment d’exposition médiatique globale. La sortie de ‘Gangsta’s Paradise’ en était un.

Composé presque intégralement en une session articulée autour du freestyle de Coolio, la chanson emprunte son instru, son chœur et son titre au ‘Pastime Paradise’ de Stevie Wonder. Tout en mettant en avant le son du sample, ‘Gangster’s Paradise’ doit son gospel au chanteur r’n’b Larry Sanders (connu de beaucoup sous l’alias L.V.) et à la production sublime de Doug Rasheed. Côté lyrics, les rimes de Coolio parlent de la vie dans le ghetto et d'une aspiration individuelle au changement.

Ce sont ces caractéristiques qui ont conféré à ‘Gangsta’s Paradise’ une excentricité nouvelle. Le titre fait du hip hop l’arbre porteur de genres nouveaux et ouvre la porte aux expérimentations du rap. Il simplifie un son jusqu’alors isolé, pour en apporter un avant-goût aux masses. La ballade contagieuse de Stevie Wonder était alors un vrai phénomène mainstream ; elle avait remporté Grammy sur Grammy, le cœur de la critique et fait une entrée fracassante dans les charts. L'entendre à nouveau sur ‘Gangsta’s Delight’ a offert à beaucoup d'auditeurs un aperçu de quelque chose de complètement nouveau avec le réconfort d’une chanson familière et adulée. Qui ne connaît pas – ou n’aime pas – Stevie Wonder, de toute façon ?

Alors que les couplets présentent une vision du rap des années 90, la soul reconnaissable de Wonder alliée aux harmonies de L.V. soulage la tension négative du genre. L’équilibre conserve une certaine légèreté, mais protège les caractéristiques du rap; un beat prominent, un message passionné. Pour son époque, ‘Gangsta’s Paradise’ arrivait à mixer pop et rap avec une sophistication inédite.

Au départ, Stevie Wonder avait rejeté la demande de sample après avoir entendu l’obscénité des paroles de la chanson ; il refusait que sa musique soit associée à ce qu’il décrit alors comme « some hood song » (« une chanson ghetto »). Coolio fait alors des compromis. Une fois débarrassée des passages obscènes, la chanson voit son potentiel commercial accrû, et les thèmes des paroles atteignent une nouvelle audience. Ses références à la rédemption, à la remise en question et au désespoir sont une expérience universelle et humaine – qui ne se limite pas au ghetto.

La chanson est sortie sur la B.O. du film Dangerous Minds, avec la coqueluche d’Hollywood à l’époque, Michelle Pfeiffer. Si celle-ci a reçu un accueil plutôt mitigé, la vidéo incarne l’union de Pfeiffer et Coolio à l’écran. Dans une interview à Rolling Stone, Coolio a raconté en plaisantant que Pfeiffer avait l’air nerveuse autour de gens de couleur. C’était peut-être le cas. Hollywood était – et reste, bien sûr – dominé par les blancs. Mais le clip avait la vertu de promouvoir aux yeux du monde une histoire différente : un rappeur noir et une actrice hollywoodienne blanche travaillant ensemble, de façon créative. Le présage d’une nouvelle audience pour le rap : ses sons rencontraient des visuels conçus pour les masses.

Plus tard, la vidéo allait rafler le prix MTV de la Meilleure Vidéo Rap et le Grammy de la Meilleure Performance Rap en 1996, poussant encore plus le titre sous les projecteurs. Par ailleurs, elle a préparé le terrain pour l’explosion des prochaines stars du hip hop. Quelques uns des plus gros hits de Lauryn Hill sont sortis en 1996, ceux de Jay-Z à partir de 1997. S’il serait exagéré de dire que ‘Gangsta’s Paradise’ a été l’unique facteur ayant précipité le rap dans le mainstream, les experts s’entendent sur le rôle crucial de la chanson – et c’est pourquoi elle mérite d’être célébrée.

Kate Hutchinson est journaliste freelance. Suivez-la sur Twitter.

Initialement paru sur Mixmag UK.
Traduit de l'Anglais par @MarieDapoigny

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