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« Je ne veux pas que ça s’arrête » : l’hédonisme de Tony Pike a fait de lui une légende d’Ibiza

Tony Pike s’est éteint mais sa légende – et l’hôtel qu’il a fondé – lui survivront

  • Bill Brewster
  • 28 February 2019

Si Tony Pike n’avait pas existé, même le scénariste le plus aguerri n'aurait pas pu inventer sa vie extraordinaire. Avec sa moustache luxuriante et sa réputation d’homme à femmes, son nom évoquait davantage une des créations fantasmagoriques de Peter Sellers qu’une personne en chair et en os. Mais il a bien existé : demandez un peu aux quelques trois-mille femmes qu’il clame avoir eu dans sa vie, dont Grace Jones. Son hôtel à Ibiza, Pikes, a aussi laissé une empreinte indélébile sur la culture de l’île blanche, marqué par l’excès et l’hédonisme auxquels Tony a dédié sa vie.

Tony Pike est né dans le comté de Hertfordshire, le 22 février 1934. Après une enfance passée sous le joug d'un grand frère qui le tyrannise, il quitte le cocon familial à l’âge de 13 ans et traverse les océans dès 15 ans, comme marin marchant. Il se fait naturaliser en Australie, et ses trois premiers mariages (sur cinq) se font avec des Australiennes. Comme un autre Australien, l’acteur Errol Flynn, Pike a toujours eu un goût pour l’aventure (et occasionnellement, le danger). Pendant un voyage autour du monde sur un yacht nommé Gypsy, il se retrouve naufragé près de la côte d’Haïti avec sa compagne de l’époque, Robyn Fairfax-Ross. Le couple se promet alors de se marier s'ils parviennent à s’en sortir. Après trois jours à la dérive sur un canot de sauvetage, la chance leur sourit : un bateau de croisière les retrouve, et ils se marient à Miami Beach peu après.

Pike s’est finalement trouvé en arrivant à Ibiza, sur la recommandation d’un ami australien, Pete Middleton. Il y arrive le 1er juin 1978 et n’en repartira jamais. L’année suivante, il y achète une finca délabrée, sans eau courante, sanitaires ou électricité pour 6 millions de pesetas (environ 35 000 €): le Pikes Hotel ouvre ses portes le 4 juillet 1980 avec deux chambres et une cuisine si mauvaise (qu’il prépare lui-même), qu’il ne peut même pas la facturer. Avec sa femme Lynn et ses deux fils, Pike construit l’essentiel de son hôtel de ses propres mains – souvent sans permis de construire.


L’hôtel se fait une réputation par hasard, quand il héberge le tournage du célèbre clip de Wham!, pour ‘Club Tropicana’, dans lequel il joue le rôle d’un barman. En septembre 1987, il achève de se positionner comme la clef de voûte des excès de l’île : Pike accueille la soirée d’anniversaire de Freddie Mercury, qui fête ses 41 ans – une fête opulente pour quelques 500 invités dont le boxeur Nigel Benn, Boy George, Jon Bon Jovi, Spandau Ballet et Tony Curtis, parmi les autres sommités. Quand Tony lui demande son budget, Freddie répond : « Oh va te faire foutre, Pike. Je veux tout, et qu’on s’en souvienne pour les années à venir ». Sur la soirée, les serveurs ouvrent 350 bouteilles de Moët & Chandon et les habitants ont pu observer les feux d’artifice 16 kilomètres à la ronde, depuis Majorca. Freddie a eu ce qu’il voulait.

Le 16 février 1998, il perd son fils Anthony, assassiné à son arrivée à Miami pour discuter d'une offre de rachat de son hôtel. Un Italien, Enrico Forte, est convaincu du meurtre en juin 2000, bien qu’il ait toujours nié son implication dans la fusillade mortelle. Pike finit par vendre le Pikes Hotel à l’ancien duo Manumission, Andy McKay et Dawn Hindle d’Ibiza Rocks, prétendument pour pouvoir payer un nouveau divorce. Après la vente, il fait encore partie du décor et continue à vivre dans la chambre no. 25.

Son attitude envers les femmes a largement divisé l’opinion. À la fin de sa vie, il nous renvoyait à une époque où les femmes étaient des ‘poules’ qui se laissaient claquer le postérieur. Il était plus « Carry On Ibiza » que libération sexuelle. Comme il l’expliquait au blogger Danny Kay, avec sa légèreté toute désuète :« Quand je suis avec une femme, c’est au moment de l’orgasme que j’établis cette connexion unique qui lui permet de tomber amoureuse de moi… je pense que c’est un don que j’ai. »

Quand les sets all-night long d’Alfredo à Amnesia ont amené la révolution acid house sur l’île, Pikes était parfaitement situé pour que la fête puisse continuer quand tous les clubs fermaient leurs portes - où s’étaient écroulé. C’était le QG de facto pour plus d’un DJ; les bonnes nuits de sommeil étaient alors réservées aux poids plumes. Plus récemment, une série de soirées à la programmation chinée par les anciens doyens de We Love, Mark et Sarah Broadbent ont donnée naissance à Mercury Rising, une saison de soirées avec Harvey & friends - scellant encore une fois la position du Pikes au sommet du clubbing haut-de-gamme des Baléares.

En 2014, dans une interview avec OI Polloi, Pike disait: « Je ne veux pas que ça s’arrête. Je veux vivre quelques années de plus ». Son souhait a été exaucé.

Une première version de cette article est parue sur mixmag.net.

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