La requête de minuit: un DJ partage les contes des “emmerdeurs du DJ booth”
Notre invité anonyme nous raconte les tribulations de la vie de DJ - et ses leçons
Dans mes moments de doute, je me maudis de ne pas avoir une attitude plus professionnelle à ce sujet. Mais même quand j’essaie, j'échoue lamentablement. C’est ce que je fais, et que je fais bien. Le subconscient joue une part importante. Si tu n’arrives pas à savoir ce que tu veux, penche-toi sur tes rêves. Je rêve d’être là-haut sur scène et il y a un problème d’équipement : un simple couac de tous les jours. Mais le public ne le sait pas. Il pense que c’est moi. Tout le monde fait un rêve anxieux de temps à autre. C’est le mien. C’est aussi comme ça que je sais que je suis DJ avant-tout.
Il y a une vibe. Ça ne fait aucun doute. C’est un produit de l’ensemble. La soirée est faite de toutes ces âmes réunies et tout le monde contribue - toi y compris. Ces grandes soirées sont délectables lorsque chaque personne dans la salle veut vraiment être là. Quand ça marche, c’est un rush d’adrénaline inégalable. Hyperbole à part, ça arrive comme ça et tu fais partie de quelque chose de spécial.
Mais alors que tu es perdu dans le moment, on te tape sur l’épaule. Les booths professionnels sont généralement inaccessibles, mais comme toujours, tout dépend du lieu. Tu les sens arriver avant même qu’ils pénètrent ton champ visuel : les emmerdeurs du DJ booth.
Ils ne sont jamais contents, à moins de pouvoir se tenir à côté du DJ pour récupérer un peu de l'admiration, comme un lézard halluciné qui se prélasse sous la lampe solaire d’une cave. Toutes origines confondues, junkies comme millionnaires. Je pense qu’ils font partie des risques du métier et que pour rester professionnel, il faut s’en occuper avec un peu de grâce. Donne-moi assez d’espace pour me tourner et attraper mes disques, bouger mes coudes, et tu ne m’entendras pas. Ne dis rien, s’il te plait. Ne me parle pas. Je travaille. Je suis aussi dans un état de transe. Casse ma vibe et tu casseras la vibe de tout le monde. Mais peu importe ce que je veux, ça arrive toujours.
“Hé, hé, mec, super sons! Est-ce que t’as celui qui fait UMPHT UMPHTT, WAKKA-WIK. HRFT HRFT. DANK-DANK?”
Est-ce quelqu'un a jamais dit “sons” ? Il plaisante ? Non, il ne plaisante pas. Le truc, c’est que je sais parfaitement de quel morceau il veut parler. Avec plusieurs années d’expérience, les DJs comprennent ce degré zéro du langage humain, comme le dentiste peut comprendre ce que tu dis même quand il a les mains enfoncées jusqu’aux poignets dans ta bouche engourdie. Au fil des ans, on développe une étrange capacité à déchiffrer les sons ridicules que les gens font lorsqu’ils demandent un morceau. J’acquiesce en souriant. Créer un lien. Parfois c’est tout ce qu’ils veulent : que la foule puisse les voir te parler. La requête n’est qu’un moyen pour eux de se retrouver sur la scène. Reste pro.