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Le regain de popularité de l'ambient pendant le confinement

Le genre aux vertus thérapeutiques qui aura marqué les productions de 2020

  • La rédaction
  • 6 January 2021

Quel·le fan de musique électronique ne s’est pas adonné·e, en 2020, à la redécouverte de classiques ambient signés Aphex Twin, Brian Eno ou Autechre ? Plus de 40 ans après son apparition avec le fondateur Ambient 1 de Eno, le genre le plus smooth de la musique électronique s’est renouvelé à chaque décennie au gré des innovations qui ont fait très largement évoluer l’offre des synthétiseurs : dès 1990, l’ambient prend un tournant résolument new age avec les pérégrinations sonores de Richard D. James, The Orb et Boards of Canada, qui sont depuis entrées dans l’histoire.

Vingt ans plus tard, alors que l’univers de la fête est à l’arrêt, punis de dancefloor, de nombreux artistes et fans de son se sont recentré·e·s sur les productions downtempo. Un renouveau au goût à la fois salvateur et thérapeutique pour l’ambient, qui dans un contexte de crise sanitaire et d’isolation sociale, réconforte, apaise. Entre sonothérapie et relaxation, la musique ambient révèle tous ses bienfaits. Pour célébrer son renouveau, Mixmag et Electronic Subculture ont organisé toute une après-midi de performances contemplatives avec une sélection d’artistes qui ont redonné au genre tout son sens en 2020.

Filmé dans la grande salle du Consulat de Paris, tiers-lieu culturel éphémère prônant un art de vivre festif et responsable, la série de live ambient Electronic Therapy a mis à profit le cadre serein et industriel de l’ancienne Générale (Paris 11) pour inviter les talents du downtempo made in France à jouer avec leurs machines à même le sol, devant les tapis de méditation.

Une série écouter chez soi, au calme, en baissant la lumière et en profitant des basses profondes et des ondes delta (1 - 3Hz) pour ouvrir ses chakras.

Episode I
Voiski

D’ou vient ta passion pour les répétitions et les loops hypnotiques ?

Cela me vient des musiques traditionnelles kurdes et de rituels mystiques de transe collective accomplis par une certaine communauté de derviches originaire l’ouest de l’Iran avec laquelle j’ai grandi, et qui m’a beaucoup marqué dans ma jeunesse.

Qu’est ce que la techno a à apprendre des sons downtempo les plus introspectifs ?
Une attention pour les détails, pour la texture du son et puis plus généralement une sensibilité à l’harmonie musicale ou à l’émotion. La techno que j’affectionne contient souvent un peu de tout ça:)

Qu’est-ce qu’on devrait ressentir face à bon set ambient selon toi ? Comment peut-on s’y préparer au mieux ?

Dans certains concerts, il m’est arrivé de ressentir mon cœur se soulever, transporté par une onde harmonique, ça fait un peu comme quand on est amoureux, vous voyez? Un élan intense d’émotion qui peut faire pleurer aussi. C’est ça, la vraie puissance de la musique en vérité.

Comment s'y préparer, je ne sais pas.. en commençant par baisser la lumière?

Est-ce que tu as une affection ou admiration particulière pour des artistes passé·e·s maîtres du genre ?

Je me suis récemment découvert une passion pour l’École de Notre Dame, Pérotin le Grand entre autre, fondateurs de la musique polyphonique occidentale. Ça m’a complètement bouleversé. J’admire autrement un bon nombre d’artistes et de compositeurs allant de Fennesz à Ryoji Ikeda en passant par Tangerine Dream et Tim Hecker. Super fan de 154 aussi... Depuis (et pour) toujours.

Qu’est ce que tu as préparé pour cette première saison d’Electronic Therapy, quel matériel vas-tu utiliser et à quel escient ?

Pour ce live, je me suis basé sur les modulations quasi-organiques d’un synthétiseur sorti en 1998 nommé Microwave XT. Une machine très utilisée dans la Trance de début 2000, au timbre un peu métallique et aux capacités pratiquement sans limites. On s’est rencontré en août et on s’est très vite attachés l’un à l’autre. Aujourd’hui, on ne se quitte plus.

Est-ce que certains de ces titres vont sortir prochainement ?

Peut-être ?

Episode II
Tryphème

Comment as-tu découvert les facultés thérapeutiques de la musique ?

Depuis toujours, depuis que j'écoute de la musique, je sens que ça me fait quelque chose au cœur. On sent qu'il y a des musiques qui réparent quelque chose. C'est dur de savoir pourquoi, est-ce que c'est l'émotion que l'artiste met de dans, est-ce que c'est des ondes qui procurent ça ? Je trouve que la musique ambient s'y prête particulièrement, parce qu'elle a des propriétés de relaxation. Mais il y a aussi des musiques avec de la batterie et du rythme qui sont aussi thérapeutiques. Ça dépend de quoi on a besoin, il y a tout types de thérapies différentes.

Est-ce qu’elle t’a aidée à surmonter les derniers mois ?

Totalement. J'ai réécouté la musique de manière différente, j'ai écouté des albums en entier, beaucoup de vinyles aussi. Je mettais un vinyle et je développais un peu une relation avec ce disque, je me mettais dans mon canapé avec un livre, il y avait un aspect un peu ritualisé.

Pendant le premier confinement, je n'ai pas réussi à faire de musique. Depuis le deuxième par contre j'en fais énormément, et d'en faire me fait beaucoup de bien. Il y a beaucoup de morceaux que j'ai fait qui sont dans ce live, il s'est vraiment passé un truc, j'avais besoin de me faire du bien, et aux autres j'espère.

Qu’est ce que tu nous a préparé pour aujourd’hui ?

Il y a trois morceaux que j'ai fait en collaboration, de la voix, beaucoup de nappes. Je vais utiliser le GR1 que je n'ai jamais encore utilisé en live. Tout mon set up a changé, c'est un peu de l'expérimentation, on a préparé ce live en une semaine avec mon ami Mike qui fait le son, on est amis depuis qu'on a 14 ans, on a tout fait ensemble, c'est trop chouette qu'on se retrouve de nouveau. Ça nous a fait du bien à nous, et j'espère que ça fera du bien aux gens parce que c'est fait avec beaucoup d'amour.

Episode III
Variéras

Tu peux te présenter rapidement pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ?

Je m'appelle Variéras, je suis compositeur. J'ai commencé la musique de manière traditionnelle, en apprenant le piano et le solfège, puis j'ai suivi un cursus plus spécialisé, en orchestration et composition. Le twist c'est qu'au moment de finir mes études je me suis enfui, je suis parti vivre à Tokyo, et là-bas j'ai découvert la musique électronique au contact avec la scène locale, et au fil des rencontres, notamment avec des producteurs français de passage comme Sam Tiba et Canblaster ; maintenant mon travail c'est l'alliage des deux, techniques orchestrales et sons électroniques, textures d'orchestre et traitement digital.

C’est quoi pour toi l’ambient, comment tu as découvert le genre et qu’est ce qu'il peut apporter aux gens, en dehors du dancefloor ?

L'Ambient pour moi c'est avant tout une sensation. Mon père est artiste-peintre, quand j'étais petit son atelier était dans l'appartement familial, et il s'y enfermait des heures avec de l'ambient à fond. Quand je me faufilais pour aller le voir, des vagues massives de Brian Eno, John Hassell, Harold Budd ou Steve Roach me saisissaient au ventre, c'était comme un raz-de-marée, j'étais emporté ! C'est là, tout petit, que je me suis mis à aimer cette musique. L'Ambient et les musiques "club" sont sœurs, elles ont en commun cette vocation sensuelle, qui parle au corps, le met en résonance, l'immerge dans les vibrations ; quand l'accès au dancefloor est empêché, l'Ambient peut prendre le relai de cette relation charnelle, répondre à ce besoin de façon plus intime, plus statique. Par la caresse, pas par le kick !

Tu peux nous en dire un peu plus sur ton travail avec la thérapeute Martine Charrier, est-ce qu’il en est sorti quelque chose ?

Je n'ai pas (encore) travaillé directement avec Martine, mais elle m'a bien été présentée par Joseph Schiano di Lombo, qui avait organisé un concert avec elle pour son exposition "Mysique pour Arp" (sic). C'est au cours de cette exposition que Joseph et moi avons fait notre premier "sound bath", bain sonore électronique qui s'était métamorphosé peu à peu en marathon ambient improvisé de 7H ! A la suite de ça, nous avions été invités par Marine Parmentier, du studio Mirz Yoga, à réitérer l'expérience pour un public allongé sur des matelas, dans la pénombre - un cadre plus propice à la relaxation. Mais Martine Charrier n'était jamais loin ; nous sommes à l'écoute de ce qu'elle a à nous apprendre de son expérience de thérapeute, et Joseph et moi avons toujours comme projet de l'enregistrer, avec sa harpe de cristal, pour un projet d'enregistrement thérapeutique. Ce qui ressort de ce beau mélanges d'influences, c'est le développement de la technique du Bain Sonore électronique, renouveau d'une technique ancienne qui pousse à son paroxysme cette relation vibratoire entre l'ambient et le corps, avec une visée cette fois explicitement thérapeutique.

Le synthé sera-t-il le bol tibétain de 2020 ? Du futur ?

Le synthé aura été mon bol tibétain en 2020, en tout cas ! Mais j'ai aussi quelques exemplaires plus traditionnels dans mes placards. Je crois que les circuits électroniques connaissent des secrets, que les alliages ancestraux en connaissent d'autres, et que plus on les fera se côtoyer, plus ils se les échangeront... mais je ne pense pas que l'un ait vocation à remplacer l'autre.

Qu’est-ce que tu nous as préparé pour ce set, quel matériel utilises-tu et quels sont tes effets de prédilection ?

J'ai préparé un parcours au fil de quelques titres sortis en 2020, dont Bakélite (issu de mon dernier EP Variables) en version orchestrale. J'ai mis en scène les rencontres entre synthèse et matière, comme j'aime le faire ; on entend un orchestre à cordes dont j'ai écrit l'arrangement, ou des samples tirés de la quatrième symphonie de Beethoven, mais aussi des bols de méditation samplés et resamplés sur mon SP-404, le tout mêlé à de grosses nappes digitales, et parsemé du son du Moog Grandmother sur lequel j'improvise. En plus de la SP et du Moog, j'utilise une interface/mixer Tascam pour pouvoir sortir les pistes séparées de ma session Ableton facilement, ce qui me permet de faire le mix en live, en jouant sur les niveaux, le panning, l'EQ... Et j'ai toujours un petit contrôleur MIDI Korg pour tweaker quelques paramètres en direct ; côté effets, j'aime les choses très simples : un simple delay digital clean synchronisé au BPM, et une réverbe à convolution, placée en retours logiciels, vers lesquels j'envoie ce que je veux, logiciel ou hardware.

Episode IV
Elen Huynh

Quelle est la valeur, l’intérêt du spoken-word dans ta musique ?

D'allier la parole à la musique, et aussi peut-être de sortir de la performance vocale chantée. Pour moi le spoken-word apporte une certaine sincérité à la musique, c'est comme un fragment de la réalité au meme titre qu'un field recording.

Quelles sont les influences théoriques ou artistiques notoires dans tes travaux ?

En théorie, je respecte le travail de tout artiste mais les personnes qui m'inspirent profondément sont celles qui poussent les limites de la création en développant une musicalité et/ou un univers qui leur est propre. Je peux citer quelques noms comme Björk, Brian Eno, Cabaret Voltaire, Alain Resnais ou encore Chris Marker.

De nombreux artistes de la scène avant-garde et industrielle ont sorti des cassettes incroyables dans les années 80 qui me surprennent encore aujourd’hui comme celles du label Insane Music (qui porte d’ailleurs bien son nom). J’aime aussi Patti Smith, Lizzie Descloux Mercier et Anne Clark pour leur travail d’écriture et de spoken-word.

La musique a-t-elle aidée à surmonter ces derniers mois ?

Quand on n'a plus la possibilité de voyager, de voir ses proches, la musique, les images et les souvenirs qu'elle véhicule sont importants.

Quels sentiments essaies-tu de procurer au public ?

Ce n'est pas réfléchi de cette manière. Je dirais que mes DJ sets sont un mélange de mes propres émotions et de celles des artistes à qui appartiennent les morceaux. C’est un hommage à leur travail et déjà, une forme de collaboration.

Comment as-tu préparé ta sélection pour Electronic Therapy ? Est-ce que tu souhaites commenter certains morceaux ?

Je vais commencer par un mix avec des collages de voix et je vais finir par un live vocal sur une musique que j'ai composée pendant le confinement.

Comme pour mes autres sets, j’ai dû choisir 2-3 morceaux que je voulais absolument jouer et j’ai construit une narration autour.

Drone Groan Mix 5 que vous entendez au milieu du set avec ma voix lisant Kandinsky a été composé avec l’artiste sonore Mark Vernon. Nous avons enregistré 12 morceaux pour mon émission sur LYL dont celui-ci et je trouve qu’il reflète assez bien notre collaboration et nos deux univers, différents mais liés par une amertume et une poésie proche.

Tracklist :

Futuro Antico - Futuro Antico
Alexei Rafiev & Alexei Borisov - Molitva Presvjatoi Bogoroditse
Andrew Liles - Foreigner
Leandro Katz - Animal Hours
Goat Simulator - Se Réenterrer
IT - veter mi piha, iz oči mi piha veter
Mark Vernon & Elen Huynh - Drone Groan Mix 5
Rex Illusivii - SNP 1
Elen H - Souvenir

Propos recueillis par M. Dapoigny.

Retrouvez tous les épisodes de la série Electronic Therapy ainsi que nos derniers reportages, interviews, streams et contenus vidéos sur la chaîne YouTube Electronic Subculture.



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