5 bonnes raisons de ne pas rater Loud & Proud, le festival des musiques et cultures queer

Queer, féministe et intersectionnel, Loud & Proud met un coup de projecteur essentiel sur tout un arc-en-ciel de couleurs, de personnalités et de corps issus des minorités sous-représentées de la culture. En quatre années d’existence, le jeune festival parisien s’est déjà établi comme référence militante des contre-cultures queer en France, dans une démarche transversale qui fait le lien entre cinéma, musique, littérature et philosophie. Au rendez-vous du 4 au 7 juillet, un copieux programme éclectique qui questionnera nos regards sur l’art et l’existence à l’écart des sentiers battus, entre concerts, performances, workshops, rencontres, projections de films et DJ sets.

La troisième édition, dont on doit la direction à Benoît Rousseau (DA de la Gaîté Lyrique), Anne Pauly, Alexandre Gaulmin (commissaire) et Fany Corral (figure du Pulp et Kill The DJ), sera flamboyante, ou ne sera pas : la programmation centrée sur les artistes engagé·e·s – Nyokō Bokbaë, Angel-ho, Lala &ce, Faka, Nakhane ou encore Girlpool à l’affiche – chacun·e·s à leur manière, invitant à chaque étape à la découverte et à l’inspiration. C’est qu’il s’agit aussi de rendre un hommage aussi “loud” (« sonore » ou « criard » en anglais) que possible aux luttes de la communauté LGBTQI+ pendant la Queer Week.

Qu’est ce que la culture queer ? Une reprise du terme queer, insulte signifiant « déviant » en anglais, revendiquée par les minorités sexuelles à partir des années 90. C’est désormais un cri de ralliement militant des personnalités marginalisées qui existent en dehors des normes sociales et sexuelles, un courant de pensée qui interroge les acquis hétéronormés et un art qui porte des valeurs émancipatrices et solidaires. Un socle de valeurs portées par Loud & Proud, qui se positionne en hérault de l’authenticité contre la marchandisation des contre-cultures.

Le festival se définit comme « un espace d’empowerment où chacun·e pourra être ce qu’elle·il veut dans un contexte inclusif et bienveillant. Loud & Proud souhaite que chacun·e se sente bienvenu·e, accueilli·e, respecté·e et reparte regonflé·e et fort·e de nouvelles idées et envies. » Et en effet, la sélection est pleine de promesses – osée, colorée et aventureuse. Voici cinq temps forts de la programmation, indispensables à tout amoureux·se de culture club.

Impossible de passer à côté de la performance attendue du vétéran américain Robert Owens, diva de la house de Chicago qui fait rêver les amoureux de house avec sa voix depuis plus de trente ans. Si vous avez déjà touché au genre, vous avez sans doute entendu une de ses nombreuses collaborations avec les pionniers Frankie Knuckles, Larry Heard aka Mr Fingers : les classiques ‘Bring Down The Walls’, ‘Vision’ ou ‘Up & Away’ par exemple. Une légende qui fait le lien entre plusieurs générations de fêtards et de militants.

L’ancien membre du cultissime groupe Fingers Inc. a participé à la naissance d’un mouvement au sein duquel s’est inscrit le développement des luttes LGBTQI+. Une présence rare sur le sol français à ne surtout pas manquer, pour sa première date française depuis 2017.

Quand un jeune artiste fait la couverture du Mixmag anglais, c’est plus qu’une accolade, c'est une consécration. Couronné « le son et l’âme de la musique électronique expérimental » par nos confrères britanniques, J’Kerian Morgan aka Lotic, « femme féroce » selon ses propres termes, a récemment sorti Power, un des plus beaux albums de l’années 2018.

Sa sensibilité et sa créativité hors-normes qui lui ont valu de se faire inviter par nulle autre que Bjork pour la première partie de son concert à Berlin en 2015, puis à chanter sur son dernier album. « Une des bêtes de scène les plus féroces que j’ai jamais vues », nous avait alors confié la star islandaise. En filigrane de ses travaux, des réflexions poignantes et très justes sur le racisme, la perméabilité des notions de genre et la scène club. Il confiait d'ailleurs à Mixmag en 2018 : « Les choses qui se passent dans l’ombre sont celles que nous voulons porter au grand jour. »

Proposé en avant-première à Loud & Proud, le film de Viceland nous plonge dans la vie de Kiddy Smile, entouré des figures parisiennes de la scène ballroom que sont Ari Mizrahi, Matyouz Ladurée et Vinii Revlon. À contrepied de l’exposition médiatique qui a suivi sa venue à l’Elysée marquée par le provocant slogan « fils d’immigré, noir et pédé » sur son t-shirt, le court-métrage nous plonge dans l’envers du décor de la vie du musicien d’origine camerounaise et des artistes tout aussi talentueux·ses qui partagent son quotidien. On y découvre sa personnalité sous un jour nouveau, face à ses soucis de santé et ses fragilités.

Parce que la scène voguing parisienne est considérée comme une des plus fertiles au monde, c’est aussi un aperçu historique et intimiste sur les rouages d’une contre-culture née dans les communautés marginalisées du New York des années 80, décimée par l’épidémie du SIDA dans les années 90 avant de trouver un nouveau souffle avec cette nouvelle génération libérée de performers queer, portée par les valeurs positives de l’acceptation de soi et du corps.

C’est sans doute aucun l’événement incontournable du dimanche 7 juillet, à partir de 15h30. Vinii Revlon est le premier voguer d’Europe à avoir accédé au statut de « legend », un titre qui vient récompenser les artistes les plus talentueux après plusieurs années au sommet de leur art. La figure de la House of Revlon vous invite à un « kiki ball » bicolore, en jaune et noir : autant dire que la flamboyance sera de mise. La bande-son à elle seule vaut le détour, avec un des producteurs phares de la scène ballroom aux platines, le New-Yorkais Vjuan Allure.

Loud & Proud, 3e édition. Du 4 au 7 juillet 2019 à la Gaîté Lyrique (Paris IIIe). À découvrir en playlist :

Crédits:
Image en une : © Boris Camaca

@MarieDapoigny