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Comment au Portugal, le live est devenu force d'innovation et de créativité

Une conversation avec António Miguel Guimarães et Hélio Morais, du groupe PAUS

  • Camille-Léonor Darthout
  • 11 October 2019

Si la scène musicale portugaise est l’une des plus dynamique et innovante, elle aura cependant pris du temps avant d’affirmer son camaïeu d’influences et sa diversité culturelle. Alors que le traditionnel fado était un des seuls genres représentés sur la scène internationale depuis de nombreuses années, ça ne fait qu'environ 10 ans que le Portugal est reconnu pour sa créativité musicale. La scène nationale éclot et voit naître des artistes qui cassent les codes en proposant une musique métissée et actuelle.

De Buraka Som Sistema en 2007, à l'émergence du label Princìpe, la scène portugaise possède aujourd’hui une identité propre et s’exporte de plus en plus en Europe et à l’international. De nombreux festivals prennent place partout dans le pays et mettent en avant un panel large de genres musicaux – de l’indie au rap en passant par les musiques électroniques. La scène club s’agrandit, et des établissement tels que LuxFragil compte désormais parmi les dancefloors incontournables d’Europe.

Après la crise financière qui a affecté l’économie du pays, l’industrie musicale prend un souffle nouveau grâce au gouvernement, avec des initiatives telles que Portugal Muito Maior. Cet organisme vise à unir les communautés musicales portugaises dispersées à travers le monde, du Brésil à la France, et à contribuer à leur développement et leur émancipation. Un accompagnement qui permet aujourd’hui au Portugal de s’implanter durablement à l’étranger, en proposant un support promotionnel aux artistes.

En collaboration avec Portugal Muito Maior et le MIL – International Music Lisbon, MaMA Festival 2019 met un coup de projecteur sur la scène portugaise avec des concerts et des panels autour de son développement et de son nouveau boom artistique. Du 16 au 18 octobre, des artistes et acteurs de l’industrie se relaieront pour présenter toute la diversité et la richesse d’une scène en plein essor.António Miguel Guimarães est le directeur de l’agence de promotion et de booking AMG Music et propriétaire d’un studio d’enregistrement. Il animera la convention «l e marché portugais du live, un puissant terrain d'innovations pour la musique » le mercredi 16 octobre. PAUS est un groupe composé de quatre Lisbonins qui s’apprête à sortir un nouvel album Yess le jour de leur performance au MaMa le 18 octobre prochain au Backstage By the Mill. Afin de mieux appréhender le marché live portugais, ses spécificités et ses enjeux, ils ont répondus à quelques questions.

Comment décririez-vous la scène portugaise actuelle, et son économie ?

António Miguel Guimarães

La scène portugaise connaît une période d'effervescence créative depuis quelques années, c’est l’industrie live qui l’a particulièrement consolidée. Les festivals grandissent et s’endurcissent, le secteur innove et se restructure en proposant beaucoup de genres et de mouvements. Avec 300 festivals de toutes les tailles et aux multiples propositions, le Portugal compte parmi les meilleurs et les plus grosses organisations d’Europe dans des styles variés. Il y a Nos Alive à Lisbonne, le PoPRock, le festival World Music FMM à Sines; le RFM Somny de Figueira da Foz centré sur l’electro dance mais aussi le Primavera Sound de Porto, le Paredes de Coura qui représente le style Indie ou encore le festival dédié aux musiques portugaises F à Faro. on peut affirmer sans trop s’avancer que quelque chose de positif est en train de se produire sur la scène nationale.

Économiquement, la structure de l’industrie de la musique portugaise s’est consolidée. Il faut se rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, le Portugal a reçu l’intervention de l’IMF (International Monetary Fund basé à Washington, qui contribue à la stabilité financière globale des pays à travers le monde). Le secteur des festivals, comme je le disais, a donc grandi et s’est consolidé. Les gros label ont remonté la pente et ont nettement amélioré leur chiffres d’affaire, bien que les structures indépendantes continuent de se débattrent. Les concerts se multiplient bien qu’il n’est pas encore atteint les chiffres d’avant crise. Le renforcement des festivals embelli le scénario du marché du live. Les établissements se diversifient et accroissent leurs productions. On peut dire que le marché portugais connaît une amélioration d’un point de vue économique.

PAUS

Je décrirais la scène comme intense, créative et éclectique. Les musiciens Portugais ont laissé tomber l’idée qu’être différent était un handicap. Nos différences représentent ce qui nous a distingué des autres jusqu’à présent. Personne ne veut ressembler aux autres. Nous avons un héritage culturel riche avec beaucoup d’influences différentes et nous mélangeons et jouons beaucoup de cela. Il n’y a plus de le «Pearl Jam Portugais», de «Jay Z Portugais» ou de «Black Keys Portugais».

En ce qui concerne son économie, les musiciens ont beaucoup de mal à vivre de leur musique exclusivement. Mais je pense que la situation est un peu la même partout et pour toutes les formes d’art. Cependant, il y a de nouvelles possibilités pour les artistes qui ne dépendent pas de major.

Selon vous, quel a/ont été l’/les élément(s) clé(s) du changement pour l’industrie Portugaise ces dernières années?

António Miguel Guimarães

Si par élément clé, vous entendez un fait isolé ou un artiste qui domine la scène, il n’y en a pas eu. En fait ce qui a caractérisé et continue de caractériser la bonne reprise de la scène portugaise, c’est sa proposition créative et innovante ainsi que le croisement des origines de la musique portugaise avec des influences africaines, brésiliennes et électroniques. C’est pareil pour le monde des festivals, la créativité et l’innovation ont été au coeur du changement. C’est ce que le public recherche et accueille de mieux en mieux.

Ainsi, nous avons un nombre d’artistes qui émergent et s’exportent en permanence. En plus des artistes qui seront au MaMa cette année, j’aimerais également mettre en lumière quelques autres pour leur travail d’innovation à l’international tels que Stereosaurus, Dino D´Santiago, Bateu Matou, Scuru Fitchado, Antonio Zambujo, Mayra Andrade, Ana Moura, Mariza

PAUS

Les artistes urbains et les rappeurs n’ont plus besoin d’être rattachés à un gros label pour faire partie du lobby qui leur permettra d’avoir du temps d’antenne et d’apparaître dans les médias pour ensuite devenir grand et avoir un public énorme. Et cela a un effet énorme sur la quantité d’artistes qui mettent plus l’accent sur la création de leur musique. Et ça leur permet plus de collaborations entre eux. Pour des groupes plus «traditionnels» il y a plus d’opportunités de s’exporter à l’international et ça motive plus d’artistes à exporter leur musique. Ça continue de croître mais c’est ce qui est en train de se produire. J’ai foi que quelque chose comme ce qui s’est passé avec Rosalia en Espagne arrive bientôt à un artiste portugais.

Si je ne devais retenir qu’un groupe qui a vraiment changé la donne, ça resterait Buraka Som Sistema. Ils ont attiré les regards sur le Portugal à une époque où les gens ne connaissaient que le Fado de notre pays.

Concrètement, quelles actions Portugal Muito Maior entreprend-il pour aider la scène portugaise à gagner en visibilité ?

António Miguel Guimarães

Portugal Muito Maior est une structure créée par le gouvernement portugais et coordonnée par le musicien João Gil, qui a pour mission d’unir les communautés et les musiciens d’origine portugaise. Partout dans le monde, les communautés portugaises sont très bien intégrées dans les sociétés et les pays qui les accueillent. Ces communautés se trouvent au Royaume-Uni, au Canada, aux États-Unis, au Brésil et bien d’autres. La France illustre d’ailleurs parfaitement ce propos. On trouve des Portugais hommes et femmes, et des descendants portugais, qui travaillent dans tous les domaines. Ces gens écoutent de la musique du monde entier, vont à des concerts dans les meilleures salles de France. Le PMM a l’intention d’aider la musique portugaise à se produire dans ces mêmes lieux en leur permettre d’obtenir des moyens techniques et promotionnels pour le faire. L’utilisation de la musique comme facteur d’unité et de connaissance de notre pays est l’un des principaux objectifs. C’est pourquoi Portugal Muito Maior soutient la présence portugaise dans des événements comme MaMa, Womex, Sim S.Paulo, entre autres, afin que la musique portugaise puisse être mieux produite, avec plus de succès. Nous sommes convaincus que la diffusion et l’implantation de la musique portugaise contribueront à consolider les relations et l’affirmation du Portugal dans le monde culturel et musical.

PAUS

Pour commencer, l’effort sur cette édition du MaMa. Le fait que je réponde à cette interview. Le fait que les groupes portugais qui se produisent au MaMa aient quelqu’un qui travaille sur la promotion. Le fait que nous aurons l’occasion de faire partie de groupes de discussion et que nous serons en mesure de rencontrer d’autres personnes de l’industrie, etc. C’est quelque chose de récent, le fait que des musiciens portugais aient une structure pour créer des liens.

Comment les concerts aident-ils les artistes portugais·es et les professionnel·le·s de l’industrie à être plus créatifs·ves ?

António Miguel Guimarães

Les spectacles en live représentent aujourd’hui, dans notre pays, l’élément fondamental qui permet aux musiciens d’être de véritables professionnels. Les concerts sont un élément fondamental de cette professionnalisation.

L’importance de la créativité et l’importance de créer un discours différent, une proposition artistique originale, est présente chez de nombreux artistes et se ressent dans la qualité et la diversité présentées par la musique portugaise en direct.

PAUS

Plus vous jouez, plus vous prenez conscience de ce qui fonctionne en live ou pas. Vous commencez donc à intégrer ces connaissances dans votre musique lorsque vous revenez au studio. Et puis, plus vous partagez des scènes et plus vous êtes exposés à différentes visions et façon de travailler. Donc tout est utile pour avoir sa propre façon de créer de la musique et de la traduire sur scène.

Le MaMa festival a lieu du 16 au 18 octobre dans le Nord de Paris, entre le 9ème et le 18ème arrondissement.
Plus d'informations sur les conventions et concerts par ici.

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