Micro Love festival : la débâcle qui révèle les pratiques frauduleuses de membres de la direction
Prestataires et artistes non payés, absence de transports et mensonges variés : autopsie d'un désastre
Micro Love était annoncé comme un petit coin de paradis dédié à la musique électronique. Lieu tenu secret, un line-up d’artistes indépendants sur 3 jours, 3 scènes presque non-stop, un camping sécurisé 24h/24, de nombreuses activités et des prix abordables. Mais ce week-end, la réalité était toute autre. Et ce scandale ne fait que révéler des années de pratiques douteuses de membres de sa direction. Les victimes de ces fraudeurs, anciens collaborateurs, prestataires et festivaliers témoignent.
Le désastre du Micro Love, certains le « sentaient venir ». Un personnage connu dans le milieu de la musique électronique pour ne pas payer ses dettes fait partie de la direction : Léon Kaisala. L'individu est le sujet principal et l’origine même du groupe privé Facebook nommé « les mauvais payeurs », une discussion sur les fraudes et les arnaques dans le monde de la nuit parisienne. Avec son collectif de l'époque, Gala Électronique, Léon Kaisala accumule de nombreuses dettes.
L'origine du scandale
À l’époque, le promoteur organise des évènements avec les étudiants de La Sorbonne et de l’Université Panthéon-Assas. Makine le rencontre par le biais d’une amie et accepte de rejoindre l’équipe de Gala Électronique. Ils mettent en place deux événements majeurs, l’un au Bois de Boulogne et l’autre en rase campagne, « l'escapade champêtre ». Selon Makine, deux fois Léon demande aux étudiants d’avancer de l’argent pour avancer des frais de prestation. Deux fois, les étudiants ont prêté des fonds qui ne leur seront jamais rendus et qu’aucun prestataire ne touchera, tous restés impayés.
« Ça m’a dégoûté de l’événementiel un tel comportement, je m’en suis écarté avant de rencontrer les mecs de La Chinerie qui eux, font un travail honnête », avoue Makine.
Valentine, qui a travaillé de près avec le personnage pour le Gala Électronique, témoigne : « Faisant partie de l'association co-organisatrice j'ai eu en charge le bar une bonne partie de la soirée (les paiements étaient effectués uniquement en cash). Léon passait toutes les 20 minutes environs et piochait allègrement dans la caisse non pas pour payer ses prestataires comme il me l'a expliqué, mais bien pour payer sa consommation personnelle de drogues en tout genre ». La jeune femme rapporte également que le promoteur a affirmé rembourser ses amis dès qu’il serait bénéficiaire avec l’un de ses évènements. Il avait même envoyé une reconnaissance de dettes à remplir aux personnes qui avaient prêté de l’argent en prévision des fonds qui auraient dû être générés au Micro Love festival. Mais depuis le scandale, Léon Kaisala (que nous avons tenté de contacter), n’est plus joignable, ni par téléphone, ni sur ses réseaux sociaux qu’il a supprimé. Pour moquer son comportement, des mèmes ont fait surface sur la toile.
L'épopée Micro Love
Ça n’avait pas bien commencé pour le Micro Love Festival. Selon Teluric, artiste roumain annoncé sur la programmation, certains comportements étaient même trop louches pour accepter de faire le voyage jusqu’en France.
« Je ne pensais pas que c’était une bonne idée de venir. Beaucoup de raisons m’ont permis de prendre cette décision. D’abord, ils ont mis du temps à payer l'acompte (pour lequel j’ai dû insister à plusieurs reprises). Après deux semaines à demander où en étaient mes billets d’avion, ils ont finalement acheté un aller trois jours avant la date (je les ai averti que j’étais à deux doigts d’annuler). Ils m’ont promis un vol retour dans les deux jours. Je leur ai donné une chance. Je les ai à nouveau contactés mais ils n’ont pas refait surface. J’ai du les appeler pour savoir où ça en était avec mon retour et j’ai alors découvert que rien n’était prêt. Au même moment j’ai appris que beaucoup de personnes se plaignaient d’eux et c’est pour cela que j’ai décidé de ne plus les croire et de rester à la maison. C’était la bonne décision et c’est vraiment une honte. Je suis vraiment désolé pour ceux qui ont participé à ce festival, artistes comme festivaliers ».
D’autres artistes ont eu moins de chance, et ont dû s’asseoir sur leur cachet, à l’instar des prestataires. De petit coin de paradis, le Micro Love Festival devient un marécage dans lequel s’embourbent ceux qui s’y rendent. Dans un lieu tenu secret, situé à 80 km de Paris, l’accès devait être facilité par un service de navettes payantes au départ de Porte de La Chapelle. Au point de rendez-vous, les festivaliers comprennent au bout de plusieurs heures d'attente qu’aucun bus ne viendra. Il faudra faire le voyage en voiture ou en train. Problème : la gare la plus proche du site est à 20 km et certains doivent prendre un taxi, tandis que d’autres ont la chance d’être amenés en voiture jusqu’au site. La foule en pâtit, selon Benjamin, l'un des festivaliers:
« Il y avait aussi peu de monde sur place. Pour venir après avoir payé une navette à 30 balles, il fallait remettre 20 balles de billet de train plus un taxi. Sachant que la navette n’était pas remboursée, forcément ça a déchauffé des gens ». Selon lui, il n’y a qu’une centaine de festivaliers sur place. Les attendent un site mal aménagé et un camping vétuste, selon un autre festivalier, Charles. « Lorsqu’on est arrivé au festival, c’était une blague. Ils étaient encore en train d'installer les tentes d'un bar, le chill et deux scènes sur 4 tournent. On pose notre tente dans le camping, et aucune sécurité. Ils avaient bien dit “Camping sécurisé 24/24”. Mais un mec de la sécu passait toutes les 3 heures, aucune lumière dans le camping et 3 toilettes et 2 douches pour tout le festival. Le vendredi soir la scène du château perché a tourné 2 heures et après ils l’ont enlevé. Il y avait juste la main stage qui a tourné tout le week end et l'after stage pendant quelques heures. »
Pourquoi les scènes disparaissent-elles au compte-goutte? Parce que les prestataires n’ont pas été payés, ou pire, ont été arnaqués avec des preuves de virement falsifiées sur Photoshop par Léon. C’est le cas d’Antonin Dony, en charge de la scénographie, qui déserte après la soirée de vendredi et s'excuse sur les réseaux.
« Les dizaines d'heures de travail, beaucoup d'argent et le trop d'énergie dépensés sont considérables autant pour moi que pour tous les bénévoles, tous les autres prestataires et toute l'équipe du staff qui se sont fait embarquer dans une escroquerie dont personne ne se doutait. Mon travail est indépendant, j'espère tout de même qu'il a illuminé cette première nuit aux côtés de ceux qui ont réussi à être là. C'est une bonne leçon pour moi, sûrement aussi pour le monde de la nuit parisienne. C'est un appel à être pro, à s'unir sur des projets de confiance où le trop d'ambition, l'argent et la “fame” ne sont pas les premiers buts. »
Neighbor Hood, en charge du système son, s’apprête également à plier bagage en plein milieu du festival en se rendant compte de la supercherie. Mais sans système son, le festival est annihilé. Alors une collecte est mise en place par les DJs pour rassembler avec l’aide du public les fonds nécessaires pour régler la note de frais pour le matériel. Les artistes ont renoncé à être payés, et tentent de sauver au mieux ce qui reste de l'événement. Idem pour le domaine qui héberge le Micro Love, qui rachète le stock d’alcool du bar pour payer le son et faire un peu d’argent. Ensemble, ils font durer la fête jusqu’à dimanche matin, 2 heures. L'électricité est alors coupée sur le site du festival, la facture destinée à régler le groupe électrogène a elle aussi été trafiquée sur Photoshop – payée 30 centimes au lieu de 3000€.
Le Micro Love Festival, qui aurait dû prendre fin à 16h dimanche après-midi, n’a pas passé la nuit malgré les efforts des volontaires. Les festivaliers sont bloqués sur place et doivent commander des taxis jusqu’à la gare située à 20km du site pour rentrer à Paris. Le fiasco est total est entraine de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux de la part d’artistes, prestataires et festivaliers qui demandent à être remboursés. Du matériel prêté par des particuliers, une DJR 400 et deux CDJs 2000, restent introuvables. Tout comme l’orchestre de cette mascarade, disparu.
Merci aux festivaliers, artistes et aux prestataires d'avoir accepté de témoigner.
Propos recueillis par Camille-Léonor Darthout