Moby raconte son apocalypse personnelle et celle du monde
Immeubles en feu, tempêtes et nuages sombres
Le monde est-il vraiment en train de couler ? N’est-ce pas un peu exagéré ?
(Il hésite). Quand j’étais petit, dans le Connecticut, ça arrivait de voir un étang gelé alors qu’on était déjà en avril. Tu regardais l’étang en sachant qu’il allait fondre. C’est, à mon sens, le stade à laquelle notre espèce se situe. Depuis 2000 ans, le monde a été suffisamment stable pour laisser les humains prospérer. Mais regarde les statistiques : la dernière fois que la Terre a eu un tel niveau de monoxyde de carbone dans l’atmosphère, le niveau de la mer était 70 mètres plus haut. C’est terrifiant. C’est comme dans Bib Bip et Coyote. On est comme le coyote qui court et se retrouve suspendu en l’air au bord d’une falaise, mais qui n’a pas encore commencé à tomber. C’est frustrant, parce que tous les problèmes qu’on essaie de résoudre, nous les avons causés nous-mêmes. Si on veut vraiment sauver le monde, il suffit d’arrêter d’utiliser du pétrole, de manger des animaux, de trop utiliser d’antibiotiques et tous les problèmes que nous avons ou presque disparaîtraient. On le sait, mais on continue à faire toutes ces choses stupides. On est comme un junkie qui continue à se droguer, même s'il sait que ça le tue.
Dans le titre The Ceremony of Innocence, vous chantez qu’il y a “a darkness you like.” Vous aimez une certaine forme de ténèbres. Est-ce que les gens continuent parce qu’ils sont quelque part irrémédiablement attirés par le chaos et les ténèbres ?
Oh, bien sûr. Regarde notre culture. Combien de films sur la paix faisons-nous ? Combien de films de super héros qui finissent dans la guerre ou l’apocalypse produisons-nous ? Clairement, nous sommes fascinés par les ténèbres et l’apocalypse. Parce que c’est quelque chose qu’on n’a pas connu. Prenez David Lynch. C’est une personne très heureuse qui produit des œuvres très noires. Ça fait partie de la condition humaine. Peut-être parce que nos ancêtres se sont tellement battus que nous sommes comme des soldats qui ne savent pas comment arrêter de se battre. Nous sommes comme ce soldat japonais durant la deuxième guerre mondiale coincé sur une île des Philippines. Dix ans après la fin de la guerre, il pensait que ce n’était pas encore fini. (Hiroo Onoda est resté dans la jungle de l’île de Lubang Island près de Luzon, jusqu’en 1974. Il n’a accepté de se rendre qu’à la demande de son supérieur, envoyé sur l’île, ndlr). C’est la condition de notre espèce. Nous nous battons encore alors que la guerre est finie.
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