Montrer ses seins en échange d’un verre : loin d’être décent, loin d’être récent
Mais que fait la police des nibards depuis tout ce temps ?
Tout est parti d’un tweet. Anne Ge, blogueuse féministe, dévoile la photo d'un bar sur Twitter, celui du Wanderlust, surmonté d’une pancarte ‘Tits = Shots’ soit littéralement ‘Nichons = Shooters’. Un peu beauf, certes. Mais pour le club, rock’n’roll à mort.
On m'a signalé que CECI se passait dans la boîte @WanderlustParis pic.twitter.com/cDkA27jgzZ
— Anne GE (@Anne__GE) August 21, 2017
Les commentaires de la jeune lyonnaise à propos du cliché engagent le problème du consentement de jeunes femmes sous l’emprise de l’alcool, d’affichages des polaroïds de ces seins nus illégalement et plus largement l’éthique de l’établissement qui cautionne ces agissements en son sein. Sans mauvais jeu de mot bien sûr.
En remettant à leur place des notions juridiques, Anne évoque donc les notions de consentement. Mettons : une jeune demoiselle se voit proposer un verre gratuit en échange d’un service, ici exhiber sa poitrine. Peut-on parler de consentement dans le sens où, même si elle n’est visiblement pas obligée de se prêter à la cause, a déjà un bon coup dans le nez ? Idem, comment s’applique le droit à l’image dans le cadre d’une autorisation verbale à 1h du mat’, entre une pinte et un Cuba Libre ?
Donc @WanderlustParis, est-ce que vous cautionnez ces agissements illégaux ? Connaissez-vous les règles de base du consentement et du droit
— Anne GE (@Anne__GE) 21 août 2017
Cautionner. Un bien grand mot, puisque le bar s’est empressé de se délester de toute responsabilité en invoquant la méconnaissance de ces faits. Une découverte qui s’en est rapidement suivie du renvoi du barman jugé responsable de cette offre douteuse. Le Wanderlust est donc tiré d’affaire, histoire conclue, ça ne se reproduira plus. Quoique.
Est-ce réellement la faute de ce jeune saisonnier, qui seul et contre le gré de tous ses collègues, aurait tapissé le mur de poitrines innocentes ? Comment un client, en pleine nuit de l’autre côté du bar, aurait-il pu remarquer la fameuse pancarte avant l'équipe de direction, à deux pas de l’objet de tous les délits ?
Donc le @WanderlustParis parle d'un "acte isolé" de la part d'un saisonnier, parmi 18 barmen.
— Anne GE (@Anne__GE) 23 août 2017
Les 17 autres n'avaient pas vu la pancarte ?
L’équipe du Wanderlust vient de découvrir ces photographies et condamne fermement ces pratiques inacceptables.
— Wanderlust Paris (@WanderlustParis) August 21, 2017
Il semble plus simple pour le Wanderlust de se séparer d’un employé qui endosse évidemment toutes les responsabilités, que d’assumer ses actes et peut-être son laxisme sur le management de son équipe et du bar. La question se pose : quoi de plus 'classe', entre prendre des photos de nibards en échange de 3 cl de vodka-tagada ou d'assumer ses actes ou ceux de son équipe. La responsabilité est la même au sein de l'établissement, rappelons-le.
À Toulouse, le Saint des Seins ne s’est jamais attardé sur le sujet. Bar emblématique de la Place St Pierre, temple des soirées étudiantes, l’établissement pratique depuis longtemps le ‘ nibards = shooters ’ et l’équipe est toujours au complet. Avec un nom aussi évocateur l’offre allait de soi. Et ce, en dépit des commentaires quI se sont eux aussi forcément accumulés.
Sophie, barman depuis deux ans dans l’établissement, raconte : « Bien sûr qu’on a déjà eu des commentaires négatifs sur notre mur de photos. Une dame m’a déjà demandé si ça ne me posait pas de problème en tant que femme de travailler dans un établissement qui comporte ‘Seins’ dans son nom. Quand elle a vu les polaroïdes au bar, elle était complètement outrée ». Mais Sophie n'y voit pas le mal. Pour elle il s'agit juste d'un jeu qui colle avec le nom du bar. Pour la petite anecdote, le 'Saint des Seins' aurait dû s'appeler les 'Couilles du Pape'. Imaginez la tapisserie dans ce cas...
Selon elle, les demoiselles affichées au bar sont consentantes. Effectivement, elles sont bien souvent éméchées lors de leur shooting mammaire nocturne. Non, on ne verra jamais leur visage. Si elles regrettent ce moment d’égarement, elles peuvent toujours venir récupérer leurs nichons une fois décuvé. Mais jamais personne ne sera accusé, viré ou lynché pour avoir exhiber ses nibards - ou ses photos de nibards.
Françoise, patronne de l’établissement, est exaspérée. Même si le Saint des Seins à dû se séparer de son mur de poitrines saillantes il y a un mois pour faire quelques travaux, elle ne comprend pas pourquoi cette pratique équivaut à une telle polémique.
Le vrai scandale, ne serait-ce pas l'hypocrisie de ceux qui feignent de découvrir l'offre ‘ tits = shots' pratiquée dans de nombreux établissements en France et à l'étranger, et ce depuis de nombreuses années ?
Camille est rédactrice stagiaire à Mixmag France. Suivez-la sur Twitter.