En bref
Joachim Pastor se confie sur 'Phantomgrid', un nouveau projet intime entre technologie et émotion
“Phantomgrid, c’est un miroir de ce que je traverse”
Entre émotion brute, fascination pour la technologie et exploration sonore, Joachim Pastor poursuit sa mue artistique avec 'Phantomgrid', un nouvel album introspectif. Figure majeure de la scène techno mélodique française aux côtés de NTO et Worakls, il s'est forgé une identité unique, reconnaissable entre mille grâce à ses harmonies orchestrales et ses mélodies chargées de nostalgie.
À travers ce nouveau projet, il repousse une fois de plus les frontières de son univers. Dans cet album, l'artiste mêle l'intelligence artificielle, les textures analogiques et la sensibilité humaine. Pour Idi, le numérique ne remplace pas le toucher humain, mais le prolonge. Pour fusionner totalement avec la machine, l'artiste a poussé l'expérience au maximum en construisant son propre contrôleur MIDI. Avec
'Phantomgrid', Joachim Pastor ouvre un nouveau chapitre plus sombre que les précédents où il fait corps avec la machine. Rencontre avec un producteur qui façonne un monde sonore tel un artisan, avec sa machine et son imagination.
" (...) dans Phantomgrid, il y a une part d’émotion brute, un peu de nostalgie "
Ton nouvel album intitulé ‘Phantomgrid’, est à la fois nostalgique, profond et parfois même un peu sombre. En quoi ce projet reflète-t-il une partie de toi ou certaines de tes émotions actuelles ?
Je fais de la musique qui me plaît et qui me ressemble. Si je suis sincère dans ce que je crée, les gens le ressentent forcément. C’est vrai que je suis quelqu'un d’assez intense au quotidien : j’aime les choses vraies, qui ont du sens, pas juste des apparences. Ça se retrouve dans Phantomgrid, il y a une part d’émotion brute, un peu de nostalgie, et sûrement le reflet de ce que je traverse intérieurement.
Ton nouvel album explore la relation entre l’humain et la machine. Qu’est-ce qui t’a poussé à intégrer l’intelligence artificielle dans ton processus de création, qu’est-ce que ce projet t’a révélé ?
Je ne sais pas si ça a “révélé” quelque chose, mais j’ai adoré le processus créatif. C’était hyper motivant de pouvoir chanter mes toplines et transformer ma voix, d’explorer ces nouvelles possibilités. Créer les visuels avec mon propre serveur Stable Diffusion, c’était un vrai plaisir. Je voulais avoir une autonomie totale sur ce projet, que tout – le son, l’image, la narration – vienne de moi.
Quelles sont les limites selon toi de l’IA dans la musique électronique ?
En ce moment, je dirais le mixage et la cohérence globale. Il y a encore une dimension de “feeling” que les algorithmes ne captent pas totalement. Mais vu la vitesse à laquelle ça avance, je pense que d’ici 2026, ces limites auront pratiquement disparu.
Tu as toujours eu une approche cinématographique de la musique. Comment construis-tu tes morceaux : pars-tu d’une image, d’une émotion, ou d’un concept sonore ?
J’adore composer à partir d’images, c’est ce qui m’inspire le plus. Ça peut être une vidéo, une photo, ou juste un souvenir que je visualise comme une scène de film. Je construis souvent la musique autour de cette émotion visuelle, comme si je composais une bande originale d’un souvenir.
" Ça fait quinze ans que je rêve de fabriquer mon propre contrôleur MIDI "
Tu as fabriqué ton studio et ton propre contrôleur de A à Z ce qui est assez rare aujourd’hui. Peux-tu nous expliquer pourquoi tu as ressenti le besoin de créer ta propre machine ?
Ça fait quinze ans que je rêve de fabriquer mon propre contrôleur MIDI. J’avais déjà bricolé quelques prototypes avant, mais cette fois, je voulais aller au bout, réunir tout ce que j’ai appris et concevoir quelque chose de vraiment professionnel, digne d’une marque. C’était aussi une manière de créer un lien encore plus fort avec ma musique, en maîtrisant chaque étape du processus.
Depuis 'Greater Message', ton son a beaucoup évolué. On remarque que tu oscilles facilement entre des morceaux énergiques taillés sur mesure pour les grosses scènes et d’autres plus intimes et mélancoliques. Comment définirais-tu la “signature” Joachim Pastor aujourd’hui ?
C’est difficile à décrire parce que j’ai un style assez hétérogène. J’aime tellement de genres différents que j’ai du mal à me canaliser. Mais on me dit souvent que j’ai ma propre “patte”, et c’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire. J’essaye de rester honnête, d’équilibrer l’énergie et l’émotion, sans me forcer à rentrer dans un format.
Tu fais partie d’une génération d’artistes qui ont redéfini la techno mélodique française avec NTO et Worakls. Comment vois-tu l’évolution de ce mouvement
Il y a eu un vrai virage. On est passés d’une vague EDM à une scène plus dure, plus brute, comme la hard techno. J’ai l’impression que la techno mélodique, en dehors de l’univers Afterlife, reste un peu en marge des modes. Et c’est très bien comme ça. J’essaye de ne pas trop suivre les tendances, de rester concentré sur ma vision, sur la musique que j’aime, même si elle est “hors-circuit”.
Enfin, avec plus d’un million d’auditeurs mensuels et des scènes comme Tomorrowland ou Dour à ton actif, comment parviens-tu à concilier la recherche artistique avec la pression du succès et des tournées ?
C’est pas évident. Il faut trouver un équilibre entre la liberté artistique et la réalité du business, qui pousse parfois dans l’autre sens. Avec le temps, j’ai appris à ne pas me forcer, à bosser sans pression. L’idée, c’est de faire quelque chose de beau, pas quelque chose qui “marche”. C’est un piège dans lequel on tombe souvent au début. Aujourd’hui, je préfère suivre mon instinct plutôt que les chiffres.
Avec 'Phantomgrid' Joachim Pastor signe bien plus q'un album, une réflexion sur la place de l'artiste à l'ère des machines et sur la capacité de la musique électronique à rester profondément humaine. Le producteur nous dévoile ici un projet intime, sombre et poétique qui retrace son cheminement artistique et explore les chimères numériques.
Crédits photos :
Camille-Sarah Lorané





