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Pourquoi j’ai vendu ma collection de 13 000 vinyles | Blog

Un ancien addict raconte son histoire

  • Bill Brewster | Illustration : William Davey
  • 31 March 2020

Je suis ce qu’on appelle un collectionneur de disques. S’il y a bien une chose qui m’a défini en tant que personne ces 30 dernières années, c’est ma collection. C’est en collectionnant des disques que j’ai commencé à avoir des bookings en tant que DJ. La plupart des compilations que j’ai conçues ces dernière décennies ont été inspirées d'heures passées dans mes étagères, à chercher dans les rangées sans fin. Et ce sont ces aperçus intrigants du parcours musical des artistes sur la pochette intérieure des LPs qui m’ont donné envie d’écrire sur la musique. En d’autres termes, je suis presque certain que sans mon obsession pour la collection de vinyles, je n’aurais jamais eu la carrière dont je jouis aujourd’hui.

Alors pourquoi, après tout ce qu’elle m’a apporté, pourquoi ai-je décidé de m’en séparer ? Il y a 3 mois, ma collection avait atteint les 13 000 pièces. Elle débordait de mon cellier pour coloniser mon bureau, son étalement tentaculaire commençait même à affecter toutes les pièces de la maison. Aujourd’hui, il me reste une centaine de disques. Quelque part entre les deux, j’ai décidé de tout vendre et de repartir à zéro.

L’an passé, ma relation de 20 ans, qui a donné naissance à deux enfants, s’est terminée. Mon docteur m’a diagnostiqué une dépression, et pour empirer les choses, mon club de foot préféré, Grimsby Town, traversait une saison déplorable. Quel que soit l’angle sous lequel on l’aborde, 2018 était une année de merde. D’être tombé si bas, cependant, m’a donné l’opportunité réévaluer ma vie et d’identifier ce qui comptait vraiment pour moi.

En vérité, j’ai toujours eu tendance à amasser des choses. Peut-être pas assez pour me retrouver dans un de ces épisodes de télé du type Mon Toc: Accumulateur Compulsif, mais j’ai tout de même de grosses difficultés à me séparer des objets « au cas où ça puisse servir un jour ». J’avais une gigantesque collection de magazines, j’ai conservé tous les tickets de concerts et de matchs de foot auxquels je suis allé, tous les bracelets de festivals pour lesquels j’ai joué, plus des flyers de raves depuis longtemps oubliées, sans oublier, cachés dans des boîtes sous le lit, toutes sortes de vestiges culturels obsolètes comme des badges, des programmes de football, des photos, des coupures de journaux datant du jour où John Lennon s’était fait tirer dessus. De la folie.

D’une manière où d’une autre, il fallait que je retourne à l’essentiel ; mes amis et ma famille. Les gens, plutôt que les objets. Petit à petit, j’ai commencé à éplucher les couches. J’ai envoyé ma collection de magazine au blog Test Pressing (j’avais déjà offert presque 30 ans d’archives de NME à Rock’s Back Pages). Je me suis séparé de tous mes romans. J’ai amené un gros tas d’affaires au centre de recyclage. J’ai mis plein de choses sur l’application FreeCycle. Puis enfin, j’ai affronté ma collection de disques. J’avais passé plus de six mois à me débattre avec l'idée de m'en séparer. Mais plus j’y pensais, plus je le concevais comme un acte de libération plutôt qu’une crise de folie maoïste.

J’ai réalisé que ce n’était pas un débat sur une désillusion vis à vis de la musique. Je n’ai jamais autant aimé la musique qu’aujourd’hui. C’était une question de format. J’étais passé au logiciel rekordbox de Pioneer quatre ans plus tôt, et je ne jouais plus de vinyles – et dans tous les cas, j’avais bien l’intention de conserver les CDs et mes versions digitales, précieusement rangés sur des étagères, dans le cloud et sur des disques durs. Donc me séparer du vinyle ne voulait pas dire que j’en avais fini avec la musique.

Le programme était de vider mon disque dur intérieur pour emménager dans une nouvelle maison délesté de tout. Il fallait que je redémarre la machine. Donc j’ai tout vendu à mon ami et disquaire Nick The Record. Pour la postérité, j’ai pris une photo de Nick en train de charger le tout dans son van avec le tout dernier lot de bootlegs, et lui ai fait un signe d’adieu alors qu’il s’éloignait en direction du périphérique.

Quand Nick a posté sa trouvaille sur Facebook, je me suis retrouvé bombardé de sms et d’appels d’amis inquiets, tous avec la même question incrédule : « Est-ce que tu as vraiment tout vendu ? » Eh bien, presque. J’ai décidé de conserver une copie de chaque titre que j’ai composé, produit, enregistré, remixé ou compilé, depuis mon tout premier enregistrement en mars 1982. Le reste est désormais niché ailleurs, sur les étagères de quelqu’un d’autre.

Après le départ de Nick, je me suis assis sur le canapé et j'ai essayé de réaliser ce qu'il venait de se passer. Je n’ai ressenti ni vide, ni tristesse. Je ne suis même pas certain de m’être senti libéré, mais j’ai certainement ressenti qu'on m’avait ôté un énorme poids des épaules – et des étagères. J’avais toujours des milliers de tracks sur mon ordinateur et des piles de CDs rangées dans des boîtes en carton. J’écoute de la musique en permanence. Quel était le problème ?

Depuis le début de l’année, j’ai acheté un vinyle. C’est le plus petit volume depuis le début de ma collection en 1971 (Benny Hill - ‘Earnie The Fastest Milkman In The West’, si vous tenez à le savoir). Je suis sûr que j’achèterai toujours un disque de temps en temps, mais l’addiction m’a quitté, probablement pour de bon. J’ai toujours soif de nouveautés, et je ne peux pas imaginer que ça changera un jour. Mais qui irait se casser le dos à traîner des bacs de vinyles derrière soi à toutes ses dates quand on peut porter une clef USB avec 1 500 titres dessus ? Seul un cinglé ferait une chose pareille, et parole d’ancien fou, je suis fier de dire que ce n’est plus mon cas.


Bill Brewster est un contributeur régulier à Mixmag. Suivez-le sur Twitter.
Initialement publié sur mixmag.net. Traduit de l’Anglais par @MarieDapoigny



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