
De chanteuse d'opéra à maestro des vinyles, les faces A et B de Bérou
Rencontre avec Bérou, une énergie solaire au service du vinyle
Quelques instants suffisent pour que Bérou vous attrape dans ses filets portés par son sourire et son aura enveloppante. Une énergie communicative qui détonne dans un milieu où beaucoup d’artistes cultivent une posture inaccessible. Est-ce que ce sont les rayons de Madrid, de Barcelone ou de Rio de Janeiro qui continuent de briller au-dessus de sa tête ? Si ses villes ont nourri son imaginaire, elles ont aussi façonné son oreille affûtée et son instinct de diggueuse.
De ses neuf ans à l'adolescence, elle est soliste à l’Opéra de Paris et le théâtre des Champs Elysées et commence à faire des tournées à l’international. Entre les productions à répétition toute l’année et les tournées à l’étranger, concilier études et ma carrière musicale commençait à prendre énormément de place : la jeune artiste du un choix. Continuer un cursus scolaire classique ou de s’orienter définitivement vers la musique classique. En effet, même si elle adore l’Opéra, elle était trop jeune pour prendre une décision qui l’enfermerait déjà dans une carrière. « Je souhaitais être libre de mon avenir, pouvoir tester d’autres choses, évoluer… j’ai donc choisi de continuer mes études générales, tout en les orientant vers ma passion pour la musique. J’ai notamment travaillé chez Cercle, avant de finalement devenir DJ. »
Si l’artiste a troqué les partitions classiques pour les platines et les CDJs à quatre decks, elle dévoile encore de nombreux visages. Bérou navigue entre les genres avec une facilité déconcertante : trance, eurodance, hard house, hard bounce, rave et influences latines. Lors de ses sets, Bérou n’hésite pas à glisser quelques loops sensuelles de baile funk ou à montrer les crocs avec des basslines techno, donk ou break.
La DJ globe-trotteuse a su s'imposer dans des clubs et festivals légendaires de la scène parisienne : le Rex, Virage, Nouveau Casino, Badaboum ou bien le Trabendo. Sans oublier 2much et Madame Loyal Festivals. Bérou a notamment partagé ses bonnes ondes chez Radio Nova, Rinse France, Mia Mao ou encore Clubbing TV.
L'année 2025 marque sans doute un tournant pour Bérou. En effet, elle enchaîne les performances comme au Hive à Ferropolis, Hibernation en Andorre et un all night long au mythique Rex Club. Une date symbolique pour la DJ, qui a profité de ses longues heures sans pause pour dévoiler ses sélections au public de ce club mythique. De ses débuts sur les scènes lyriques à ses sets incandescents dans les clubs internationaux, la reine des vinyles nous ouvre les portes de son univers éclectique.
« Avec le vinyle, tu es à l’aveugle et tu dois connaître ton vinyle pour le jouer »
Comment as-tu commencé la musique ?
Au début, je faisais de l’opéra. J’ai commencé à neuf ans, en prenant des cours à la Maîtrise des Hauts-de-Seine et j'ai été soliste à l'Opéra de Paris pendant toute mon adolescence. Ensuite, il a fallu faire un choix entre mes études spécialisées en musique ou un cursus normal. J’adore l’opéra, mais ça demande beaucoup de rigueur et c’est un monde dont on ne peut pas réellement sortir. Je savais que si je faisais de l’opéra, ce serait pour toute ma vie et je me trouvais trop jeune pour prendre cette décision. Finalement, j'ai fait des études en dehors de la musique tout en gardant un pied dedans en travaillant notamment chez Cercle jusqu’à devenir DJ par la suite.
Est-ce que l’opéra t’a apporté une rigueur pour le DJing ?
Effectivement, l’Opéra et le chant lyrique en général m’ont apporté beaucoup de rigueur dès mon plus jeune âge, tandis que le mix me donne cette liberté créative que je cherchais tant. Être DJ m’a permis de sortir des cases, de ne pas avoir peur de faire différemment. Il y a une sorte d’interprétation dans les deux disciplines, puisque l’on se réapproprie les oeuvres d’autres artistes. Mais il y a plus de liberté dans le Djing, et ça me correspond totalement. Je suis une personne assez éclectique, qui aime casser les codes, et ça se traduit beaucoup plus dans le mix. Aujourd’hui dans la production musicale que je commence à aborder.
Ecoutes-tu toujours de l’opéra ?
J’écoute beaucoup de choses, j’ai des playlists de funk brésilienne, de reggae, de classique, de rap US, du rap français… l’opéra n'en fait peut être pas toujours partie.Comment as-tu commencé le DJing et quel est ton lien avec les vinyles ?
La plupart de mes tracks préférés venaient des 90’s donc si je voulais les jouer, il fallait que j'achète les vinyles. J’ai vu ma collection s'agrandir et j’ai créé un lien avec cet objet. Maintenant, j’ai du mal à faire mes sets sans parce que c’est une approche tellement différente du mix. Tu es à l’aveugle et tu dois le connaître pour le jouer.
Tu décris ton style comme un mélange trance, hard house, hard bounce, 90’s rave et d’influences latines. Comment es-tu arrivée à cette fusion ?
À force de digger des sons, je me suis rendue compte que j'aimais beaucoup de genres, mais ce sont ces sonorités qui me touchent le plus. Puis, c’est en mixant que j’ai compris que la musique qui me donne le sourire fait sourire les gens en retour. Évidemment, je ne vais jouer que des tracks solaires mais le but c’est de transmettre une bulle de joie. Aujourd’hui, on aime bien nous mettre dans des cases et je souhaite m’en affranchir, partager une selection éclectique et qui me ressemble. J’aime partir d’une base hard house, hard bounce ou encore trance en fonction de mon mood, et venir y glisser des pépites baile, reggaeton ou des bon remix de tracks emblématiques. Un peu comme des petites surprises finalement, les gens ne s’y attendent pas forcément mais sont toujours hyper réceptifs, ça vient pimenter le set et lui donner un nouveau souffle.
Comment les années passées en Espagne, en Angleterre et au Brésil ont-elles influencé ta musique ?
J'ai eu la chance d'habiter à Madrid, puis à Londres, ensuite à Rio et enfin à Barcelone. Ce sont des pays qui ont une densité musicale très forte. À Londres, je sortais souvent dans des soirées UK garage, drum and bass, des genres qui n’étaient pas très présents sur la scène parisienne à l'époque. Ensuite en Espagne, tu ne peux pas passer à côté du reggaeton, et j’adore. Enfin, le Brésil, est le pays qui m’a le plus marqué. J’écoute de la MPB, la bossa nova, la samba. Et dans mes sets j’intègre le baile funk et la funk brésilienne.
2025 semble être une année charnière pour toi avec des dates importantes comme le Hive à Berlin, Hibernation en Andorre et un all night long au Rex. Comment vis-tu cette montée en puissance ?
Je suis reconnaissante de faire de belles dates et j’ai hâte de poursuivre l’année 2025. J’ai tellement de chance de faire ce métier que j'aime et de vivre de ma passion. J’ai l'impression d'être dans une cour de récré qui s'élargit à chaque fois. Dès que j’ouvre une porte, je découvre un nouveau terrain de jeu encore plus cool que le précédent.
« Dès que j’ouvre une porte, je découvre un nouveau terrain de jeu encore plus cool que le précédent »
« C’est comme si je passais d’un travail de synthèse à une grosse dissertation où je peux complément m’exprimer »
Qu'est-ce que tu aimes dans un all night long ?
Je trouve ça génial, et j’ai fait mon premier all night long au Rex et c’était une opportunité inespérée. J’ai commencé à mixer il y a seulement deux ans, donc c’est très rapide et je m'attendais pas du tout à ça. C’est comme si je passais d’un travail de synthèse à une grosse dissertation où je peux complément m’exprimer. Comme on est seul sur le line-up, on sait que le public nous fait confiance et le all night long permet de les accompagner là où ils ne seraient pas allés tout seuls. J’ai eu des retours qui le montrent, on m’a dit : « Je m'attendais pas à ce que tu joues ce track-là » .
Comment te prépares-tu mentalement et techniquement pour un all night long ?
Pour être honnête, je n'ai fait aucune préparation. Le jour même, j'ai eu un petit coup de stress, mais je savais que j’étais prête. Je pense que le travail se fait toute l'année, je passe des heures à digger tous les jours et mes playlists étaient déjà remplies à ras bord. C’est d’ailleurs comme ça que ça a commencé ! En juin 2024, je m'apprêtais à jouer au Rex et j'avais quatre mille tracks dans ma playlist. J’ai mis une story pour dire « j’aimerais bien faire un all night long, j’ai trop de trucs à jouer » et c'est le Rex qui m’a proposé mon premier all night long. C’est une belle histoire ! Pendant les sept heures, j’étais en état de flow et je n’ai pas fait de pause.
Quelle est la meilleure anecdote que tu as vécue derrière les platines ?
Lorsque je jouais en closing dans un club et n’y avait pas de sécurité au DJ booth. Les gens commençaient à m'appuyer sur les épaules et à me secouer alors que je faisais une transition sur trois decks. J’ai paniqué et j’ai backspin la mauvaise track. Pourtant j’ai eu de la chance parce que comme j’étais sur trois decks, c’est remonté juste avant un drop d’une des tracks. Je les ai baissés et ça a fini en drop de zinzin. Tout le monde criait alors que c’était une grosse boulette !
Propos recueillis par Camille-Sarah Lorané