Boris Brejcha : « La meilleure décision de ma carrière a été de fonder le label »
Le boss de FCKNG SERIOUS tombe le masque
Boris Brejcha est un des architectes de la techno version 21e siècle. Actif depuis 2006 sur la scène allemande où il signe ses deux premiers EPs Monster et Yellow Kitchen sur Autist Records, le label de M Ferri, le producteur est considéré comme un talent d’exception. Également connu sous l’alias ANNA, son nom est devenu récurrent sur le line-up des clubs internationaux et il s'impose comme une vraie force de proposition sur la scène électronique mondiale en créant son propre genre, la « high-tech minimal ».
Avec son amie Ann Clue, le DJ au masque de Joker crée en 2014 le label techno et minimal FCKNG SERIOUS. Boris Brejcha revient sur les défis de la vie d'artiste, sa fascination pour le public français et son jeu vidéo préféré. Tombée de masque.
En dehors de ton statut de producteur et de dirigeant de label, à quoi aimes-tu consacrer ton temps libre ?
Je vis dans une toute petite ville de 300 habitants. Lorsque je reviens d’un long week-end dans des villes stressantes, j’apprécie de détendre dans mon jardin et de ne rien entendre d’autre que les gazouillis des oiseaux. Pour moi, c’est vraiment important de me relaxer et de m’évader de la jungle urbaine que je côtoie pendant la semaine, je peux ainsi repartir pleinement reposé pour la semaine suivante.
Qu’est ce qui a été le plus dur en essayant de te faire un nom dans un pays où la scène est dominée par une ville aussi compétitive que Berlin ?
Je n’ai jamais vécu à Berlin et pour être honnête, je n’ai jamais fait d’une priorité d’y construire ma carrière. Selon moi, il y a beaucoup d’autres villes où la scène électronique est bien plus dense et importante. Le business autour de la musique est complexe. C’est difficile de se faire un nom sur une scène, mais c’est encore plus difficile d’y rester. Je n’ai jamais abandonné et j’ai travaillé très dur pour atteindre mes objectifs. Produire de la musique, c’était mon rêve depuis que j’ai 12 ans.
La scène techno allemande fascine... Quel est selon toi le meilleur club méconnu du pays ?
Il y a tellement de clubs que j’aimerais recommander en particulier. Mais il y en a d’autant plus en dehors de la capitale, dans le reste de l’Allemagne. Tout le monde continue de penser que la techno et la musique électronique berlinoise sont spectaculaires. Mais selon moi, ça ne l’est pas. Si j’avais un club allemand à conseiller, ce serait sans doute le Kesselhaus à Augsbourg.
Tu es constamment sur la route. Quel est ton secret pour garder la forme ?
C’est vrai, j’ai souvent 3 dates voir plus par semaine. Ça peut être épuisant pour le corps et pour l’esprit. Alors j’essaie de dormir le plus possible. Je me repose avant le show et je retourne à l'hôtel juste après la performance. Dormir, c’est ce qu’il y a de plus important. Mon agence de booking sait que c’est important pour moi de voyager confortablement. Une chambre d’hôtel agréable et de bonnes loges me permettent de me relaxer plus facilement.
Tu as développé une très grosse communauté de fans autour de ton projet au cours des dix dernières années. Quels sont les meilleurs moyens de garder tes fans intéressés par ce que tu fais en tant que producteur?
C’est très dur de rester dans le business de nos jours. On doit constamment venir avec de nouvelles idées pour garder des fans enjoués. Mais je serais tenté de dire que je suis très chanceux parce que mes fans me suivent totalement dans ce que je fais, dans ma musique. Il aime le style particulier que je produis. Je crois que le masque aide aussi à garder les gens intrigués et laisse planer un peu de mystère.
En 2014, tu as fondé FCKNG SERIOUS. 4 ans plus tard, il est peu dire que c’est devenu un label influent. Quelle était selon toi la meilleure décision à prendre dès le départ ?
Tout. J’aimerais dire que la meilleure décision de ma carrière a été de fonder le label. Avec mon propre label, je n’ai plus aucune limite en ce qui concerne la musique que je veux produire. Une autre bonne décision était de faire en sorte de garder cette entreprise très petite. C’est un label qui ne concerne que mes amis, ce qui fait une grosse différence en mon sens. Lorsque tu es ton propre patron, tu es capable de décider dans quelles conditions tu veux travailler. Et une bonne décision laisse place à d’autres. Je suis très content de ce label et je continue d’en être satisfait.
Photo : Boris Brejcha à Paris par Florian Schmit, 2018.
Ton masque est devenu ta marque de fabrique sur scène depuis ta première date au Brésil - un clin d’oeil au carnaval de Rio. Est-ce que cet objet t’aide à faire la distinction entre ta vie professionnelle et privée?
Je ne fais pas de différence entre la « vie de scène » et la vie « privée ». Je reste le même que ce soit à la maison ou dans les clubs et les festivals. Bien sûr, ma vie possède différentes facettes lorsque l’on dresse une comparaison entre le temps que je passe chez moi et les week-ends, mais la musique continue cependant de faire partie intégrante de ma vie dans les deux cas.
Selon toi, qu’est ce qui fait que l’atmosphère des fêtes françaises soit si particulière ?
Je pense que les Français sont un peu fous. Ils font la fête comme s’il n’y avait pas de lendemain. Ce qui donne une ambiance incroyable. L’autre raison pour laquelle j’admire la France, c’est qu’il y a beaucoup de festivals qui mélangent les genres. Et ça marche super bien. C’est fantastique. Les français peuvent danser sur tous les styles de musique et on dirait à les voir qu’ils sont aussi heureux avec du rock qu’avec de l’électronique.
Photo : Boris Brejcha à Marseille par Ruben Schmitz, 2018.
Tu vas bientôt jouer au Little Festival, dans les Landes. Il y a là-bas les plages les plus belles et les mieux préservées du pays, appréciées des surfeurs. Qu’attends-tu de cet événement ? Vas-tu pouvoir t’essayer un peu au surf ?
Malheureusement je ne pense pas. Quand on a un emploi du temps aussi chargé que le mien, il n’y a quasiment pas de temps dédié à la visite de la ville dans laquelle on joue. La plupart du temps les seules choses que je vois sont l’aéroport, le club et la chambre d’hôtel. C’est dommage, parce que je n’ai jamais l’occasion de me faire une véritable idée du charme de la ville.
Pour le Little Festival, je dois bien dire que je ne me fais jamais aucune idée sur une date avant d’y aller. Je veux me faire mes propres impressions avant de juger. Mais je n’ai jamais eu aucune mauvaise expérience avec les soirées en France, donc je suis sûr que ce sera bien.
Tu vas y partager la scène avec des artistes comme Ann Clue, Claptone, Oxia, Felix Krocher et Lazare Hoche - hormis ton amie Ann, un de ces artistes a-t-il influencé ta carrière ?
Oxia a eu un très gros impact sur moi lorsque j’étais jeune. Lorsqu’il a sorti son morceau 'Domino', je l’écoutais toute la journée.
À côté de ça, Stephan Bodzin et Der dritte Raum ont beaucoup influencé ma musique. J’aime beaucoup les éléments qu’ils utilisent dans leurs productions. C’est différent de ce que l’on a l’habitude d’entendre et encore aujourd’hui je suis totalement fan de leur musique.
S’il y avait une qualité que tu aimerais piquer à Ann en tant que DJ et selector... ?
Ann et moi avons joué de nombreuses fois en b2b. Et c’est arrivé plein de fois que je sois totalement pris de court par ses choix musicaux. Elle a vraiment bon goût.
Tu as déjà avoué adorer jouer à la Playstation. As-tu déjà pensé à travailler pour l’industrie du jeu vidéo ? Si oui, pour quelle franchise aimerais-tu produire ?
J’adore les B.O. de films – Hans Zimmer est mon compositeur de musique de film préféré. C’est pour ça que je pense qu’il serait très intéressant de produire de la musique dans un certain contexte, que ce soit pour des jeux vidéos ou des films. Mon jeu vidéo préféré de tous les temps est « The Last Of Us » - ce serait un honneur de leur créer une bande-originale. Peut-être un jour (rires).
© The Last Of Us
D’autres sorties à attendre sur ton label dans l’été ?
Il y en a pas mal en préparation. Un nouvel EP intitulé Devil va sortir le 13 juillet. Et un nouvel album va sortir avant la fin de l’année… Soyez prêts !
Retrouvez Boris Brejcha au festival Electric Park le 7 septembre.