Un hommage à Philippe Zdar, pionnier de la French touch
Comme moitié de Cassius et producteur de génie, Zdar laisse derrière lui un héritage musical énorme
Si Philippe Zdar n’est pas le producteur le plus connu de cette génération de producteurs stars des années 1990 (avec Air, Laurent Garnier et Daft Punk), il en demeure sans doute un des talents les plus brillants. Beaucoup le connaissent surtout comme la moitié du duo French touch Cassius, aux côtés de son partenaire de longue date Hubert Bland-Francards (aka Boom Bass), qui a dominé les charts en 1999 avec l’incontournable Cassius 1999. « Ce disque m’hypnotisait quand j’avais 15 ans », a commenté Calvin Harris sur Twitter. Tragiquement, le duo devait sortir son nouvel album, Dreems, aujourd’hui.
Après une jeunesse passée dans les Alpes, Zdar (nom de baptême Cerboneschi) a commencé une carrière dans la musique comme stagiaire dans un studio d’enregistrement parisien. Son premier succès : travailler sur les premiers albums de MC Solaar avec Boom Bass. Le duo de producteurs devient alors un des plus demandés de France. Et surtout, c’est la découverte de la techno et de la house au début des années 90, quand avec un groupe de ravers – qui incluait aussi un certain Étienne de Crécy – il connaît une épiphanie à Trance Body Express, une soirée Goa. « En sortant de la rave, on était super contents », il me confiait en 2014. « Il fallait qu’on produise ce son. J’ai dit à Hubert, ‘Ramène un sampler à la maison’. Avec Étienne, il nous a montré comment ça marchait et on a commencé à produire ».
Les premiers fruits de leur nouvelle obsession : l’unique et mythique album de Motorbass, Pansoul, produit par Zdar et de Crécy, et un autre projet mené par de Crécy, Super Discount. « Pour enregistrer l’album de Motorbass, on avait un sampler Akai S1000, un ordinateur Atari, un synthétiseur Juno 106 et une boîte à rythmes », il racontait. « C’est tout. On a tout fait avec ça. On avait aucune stratégie, aucun marketing, rien. Quand on a été nommé album du mois dans Muzik, on ne pouvait même plus acheter le disque tellement il avait été mal distribué. On se foutait de tout. » En 1999, Blanc-Francard et Zdar sortent le premier album de Cassius, 1999, un projet bourré de samples disco et funk (et de hits) avec une touche un peu plus légère que sur leurs productions précédentes.
Si son goût pour la musique club est largement inspiré par l’envie de devenir DJ, il s’ancre de plus en plus en studio et se fait une réputation considérable dès l’aube du nouveau millénaire en travaillant avec The Rapture, Chromeo et Franz Ferdinand, en produisant l’excellent LP de Phoenix Wolfgang Amadeus Phoenix et plus récemment, ‘A Bath Full Of Ecstasy’ de Hot Chip, qui sort aujourd’hui, le 21 juin 2019. « Philippe était un homme passionné et plein d’amour, avec un réel enthousiasme pour la pop culture en tout genre et toutes générations confondues », confie le membre du groupe Joe Goddard. « Il avait une soif pour la composition musicale et le divertissement qui semblait profondément enracinée et authentique, et il avait l’air d’apprécier infiniment les instants partagés avec sa famille et ses amis ».
En 2011 sur ‘Why I Love’, Jay-Z et Kanye West ont samplé et calqué la structure du single ‘I <3 U So’ de Cassius, offrant à Philippe et Hubert encore davantage de renommée internationale (et quelques royalties). Une mort bien cruelle, que de partir la veille de la sortie simultanée de Dreems et de l’album de Hot Chip.
« Il a joué un rôle crucial dans le développement de notre son », commentait Chromeo sur Twitter. « Nous sommes sous le choc. RIP Philippe Zdar de Cassius, Motorbass et La Funk Mob, un vrai génie de la musique ». The Black Madonna a ajouté à l’annonce de la nouvelle : « Un visionnaire et une force tectonique qui a façonné la géographie de la musique électronique moderne. Je suis sincèrement désolée pour tous les proches qui doivent faire face à cette terrible perte, si soudaine, ce soir ».
Bill Brewster est un contributeur régulier de Mixmag. Suivez-le sur Twitter.