Glastonbury dans la tourmente pour avoir exploité des travailleurs européens avec des contrats « zéro-heure »
Alors que le leader du parti travailliste s’était exprimé sur scène au sujet de l’insécurité de l’emploi des jeunes
Glastonbury, le plus gros festival d’Europe, est accusé d’avoir exploité plusieurs centaines de travailleurs de l’UE après les avoir employés avec des contrats « zéro heure » pour les renvoyer deux jours plus tard, selon l’enquête menée par le journal anglais The Independent.
Environ 700 personnes étaient arrivées sur le site en provenance de pays comme la République Tchèque, la Lettonie, l’Espagne et la Pologne. On leur avait promis deux semaines de travail rémunéré pour le ramassage des déchets - assistant les équipes locales dans la tâche monumentale que représente le nettoyage du site de Worthy Farm, accueillant chaque année plus de 150 000 festivaliers.
Cependant, près des trois-quarts de ces travailleurs saisonniers ont été laissés sur place sans remboursement de leurs frais de transport : les organisateurs ont en effet annulé leurs contrats plus tôt, effet des conditions climatiques plus favorables que prévu et de la présence sur le site d’équipes de nettoyeurs bénévoles qui ont contribué à maintenir un niveau de propreté inattendu sur le site. Après deux jours seulement, 600 employés sur les 700 au total ont été renvoyés.
Une nouvelle qui fait tâche, sur fond de l'apparition historique du leader du parti travailliste Jeremy Corbyn sur la scène du festival avant le set de Run The Jewels. Le politicien avait affirmé sa position sur l’emploi des jeunes qui ne « devraient pas accepter de bas salaires et l'insécurité généralisée comme faisant partie de la vie. »
Simon Kadlcak, travailleur Tchèque, a raconté son expérience : « Il y avait des gens sans travail qui devaient dormir dans des tentes sur place parce qu’ils n’avaient nulle part où aller, ils devaient avoir deux semaines de travail. Une personne a essayé de nous trouver d’autres jobs dans la région et de nous trouver à manger pour le weekend. »
« Les organisateurs auraient dû savoir qu’il n’y avait pas assez de travail pour tout le monde. Personne ne nous en a parlé avant, les rumeurs couraient et les gens étaient anxieux. On ne nous a rien dit avant hier après-midi, ils ont simplement affiché une liste des 100 personnes qui pouvaient continuer à travailler. »
Il explique également que de nombreux travailleurs avaient réservé des vols aller-retour et ont dû rester au Royaume-Uni sans emploi avant de pouvoir rentrer chez eux, tout en devant couvrir les frais de leur voyage, nourriture et logement sur place.
Cheryl Roberts, une employée britannique travaillant sur le site, a exprimé son dégoût face au traitement réservé aux saisonniers : « Corbyn était le headliner de Glastonbury, vraiment, il a attiré la plus grosse audience du festival avec son discours. Alors de voir que Glastonbury n’avait pas la décence de nourrir un groupe de travailleurs qui avaient parcouru plusieurs milliers de kilomètres pour être ici, après avoir soutenu son discours sur l’immigration et le droit des travailleurs étrangers… ça pue l’hypocrisie à plein nez et c’est franchement une honte. »
Une vidéo d’une manifestation sur le site a fait surface, montrant un manager déclarant à un travailleur : « Tout le monde est sur un contrat à zéro-heure. Nous n’avons aucune obligation de nourrir ces gens, ils sont sur une mission rémunérée, leur travail est terminé. »
« Je ne pense pas que ce soit la responsabilité de Glastonbury ou de qui que ce soit de nourrir ces gens. Ce sont des adultes responsables, ils peuvent se nourrir eux-mêmes… personne ne les empêche de quitter Worthy Farm pour aller se chercher à manger. »
Robin Denton, un travailleur Sud-Africain de 53 ans qui a fait partie de l’équipe saisonnière de nettoyage du site tous les ans depuis 1997, a dit qu’il n’avait « jamais vu les gens se faire traiter aussi mal. »
Il a ajouté : « J’ai vu comment les choses ont évolué et je pense que le problème principal est le contrat zéro-heure. Il dit « je n’ai pas besoin de vous, au revoir. »
Un porte-parole de Jeremy Corbyn a répondu aux critiques : « Le parti Labour s’engage à mettre un terme aux contrats zéro heure, comme indiqué dans notre manifeste, et le prochain gouvernement Labour au pouvoir y mettra fin. »
Conçus pour promouvoir la flexibilité du marché de l’emploi, les contrats « zéro heure » permettent aux employeurs de ne mentionner aux salariés aucune indication d’horaires ou de durée minimum de travail. Il doivent se rendre disponibles à n’importe quelle heure de la journée. Depuis la crise économique de 2008, leur utilisation a pris une énorme ampleur au sein de l’UE, en particulier au Royaume-Uni et en France (contrats de vacation ou « à la tâche »). Ces contrats ont été interdits en Nouvelle-Zélande en mars 2016.
The Independent a contacté l’organisation de Glastonbury sur le sujet, qui a refusé de commenter la situation.
[Via: The Independent]