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Kevin Saunderson: « On dirait qu’on élimine les artistes noir·e·s de la musique électronique »

La légende de Détroit s’exprime dans une nouvelle interview

  • La rédaction
  • 30 June 2020
Kevin Saunderson: « On dirait qu’on élimine les artistes noir·e·s de la musique électronique »

Alors que le mouvement Black Lives Matter continue aux États-Unis et dans le monde, de nombreux·ses artistes prennent la parole. Dans une interview au magazine américain Billboard, Kevin Saunderson pointe du doigt les défaillances de l’industrie musicale, notamment son incapacité à respecter les origines noires de la musique club et à soutenir les artistes issu·e·s de sa communauté.

L’icône du son de Détroit, qui fait partie des artistes qui ont inventé le son techno au sein des Belleville Three et comme membre fondateur d’Inner City, est revenu sur son expérience du racisme, de l’inégalité des opportunités données aux artistes noir·e·s et le déni de l’importance de la culture noire dans le développement de la scène club.

Il explique : « Quand on a commencé à créer ce son, il n’y avait que des noir·e·s qui écoutaient la musique qu’on faisait avec Juan [Atkins], Derrick [May], Eddie Fowlkes, Blake Baxter, et les quelques personnes à Détroit qui composaient cette musique étaient tous des artistes noirs. Il n’y avait qu’une poignée de gens qui sortaient danser - 600 ou 700 - et qui venaient à toutes les soirées. Tous·tes noir·e·s. C’est simple. »

« C’est devenu une industrie qui pèse plusieurs milliards de dollars. Des festivals tout entiers en sont nés. Tant de choses ont découlé de notre influence sur cette musique, qui ont mené à d’autres interprétations, qui ont elles-mêmes mené au son de tous ceux·celles qui se sentaient inspiré·e·s, et c’est très bien. Mais la vision américaine, du moins jusqu’à récemment, était que cette musique venait d’Europe, ou du fait de personnes blanches, et que la communauté noire n’en voulait pas parce qu’elle ne rentrait pas dans le R&B ou le hip hop et n’avait pas la même soul, le même feeling. »

« Tout est devenu très commercial avec l’EDM, et tous ces managers travaillent avec différents organisateurs, à pousser leurs artistes en essayant de créer un gimmick. Cet happening du Kentucky Fried Chicken à Ultra était une vraie honte pour notre musique. »

Saunderson a ensuite déploré le manque d’éducation des jeunes fans américain·e·s et le manque de représentation dont souffrent les artistes afro-américain·e·s : « [Ce qu’on fait] n’a tout simplement pas la même valeur marchande, et les gens ne savent pas. Ils viennent, ils ont 18 ans et ils vont écouter de l’EDM, ils entendent quelqu’un comme deadmau5 et ils pensent “Ouaouh, c’est génial”. Mais ils n’ont pas toujours l’opportunité d’entendre des gens comme nous. On pense généralement que la musique vient des producteurs blancs d’Europe et de quelques Américains, quand ce n’est pas parfaitement vrai. On n’a pas suffisamment accès aux grandes plateformes. Ce n’est pas équitable, c’est sûr. »

Il poursuit en expliquant : « Le problème, c’est qu’une grand partie des personnes qui décident aujourd’hui [dans ces grands groupes] s’en moquent et sont ignorantes, Certaines sont arrivées bien après et n’en ont rien à faire de l’histoire ou de l’intégrité de la musique - elles n’en ont qu’à l’argent. Alors oui, elles ont la responsabilité de représenter correctement la culture qu’elles exploitent, mais la seule responsabilité qui leur vient à l’esprit est celle de générer des profits. »

Le pionnier évoque ensuite une conversation qu’il a eu avec l’agent d’une grande agence de booking américaine : « Un ami organisateur m’avait recommandé son nom car je relançais Inner City pour une tournée et un album. Je me suis dit ‘Trouvons un agent américain qui a le bras long et un bon roster.’ Je lui ai laissé un message, et il m’a rappelé. »

« Je parle à ce mec et il me sort ‘Qu’est ce que je peux faire pour toi ?’ Je lui dit ‘Je suis Kevin Saunderson et je me demandais si on pouvait travailler ensemble sur une tournée'. Il me répond ‘Eh bien, qui es-tu ? Je n’ai jamais entendu parler de toi. Je ne sais pas qui tu es.' »

« Là je me suis dit ‘D’abord, si tu me rappelles, tu aurais peut–être pu te renseigner un peu. Surtout si tu es le directeur de ton agence, demande à tes employé·e·s autour de toi'. Il est plus vieux que moi, il devrait savoir. Mais surtout, il est super arrogant, et je ne savais pas si c’était à cause de ma couleur de peau. Mais il insiste, ‘Je ne connais pas ta musique, je ne sais pas qui tu es, et on ne prend que de grands artistes dans cette agence.” Un gros tas de conneries. J’ai dit ‘Tu n’aurais même pas du me rappeler. Tu m’as fait perdre mon temps. »

Retrouvez l’interview complète sur Billboard.

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