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Airod, élixir techno & acid

Dans l'univers d'une jeune pointure française qui s'exporte

  • Camille-Léonor Darthout | Photo : © Marie Dapoigny
  • 22 October 2019

Marly-Le-Roi. Une porte s’ouvre sur une déco sobre et épurée. Situé dans une barre d’immeubles bien loin de la cacophonie parisienne, l’appartement de Dario offre une atmosphère paisible, loin des dancefloors qui vibrent sur le son décadent de AIROD. Une allure fluette, de longs cheveux noirs et un caractère timide – rien ne laisserait paraître que les week-ends, Dario fait raver les foules avec une techno aux portes du hardcore old school.

Sous son alias anagramme, AIROD, il est devenu en seulement trois ans l’une des figures les plus prometteuses de la scène techno française. Ses débuts remarqués sur le label Molekül - avec son EP Universe et le le titre ‘Universe Of 90's Techno Parties’ - dévoilent un talent certain pour la production. Inarrêtable, Dario prend de la vitesse aux côtés de ses trois amis du label Mayeul, JKS et Khoegma. Ensemble, ils façonnent une nouvelle scène parisienne inspirée des raves des années 90.

Dans une frénésie productive, il a créé sa propre maison de disque Elixyr en 2018, qui accueille une collaboration inédite avec Milo Spykers et Farrago. Un EP à six mains qui bouleverse la carrière du Parisien et le propulse aux côtés de l’une des personnalités les plus prisées de la techno en Europe, Amelie Lens. Quelques mois plus tard - février 2019 - le voilà sur le label Lenske, avec son EP Voltage.

D’Amsterdam à Bogota en passant par Kiev, ce jeune DJ jouit aujourd’hui d’une notoriété internationale. Aux quatres coins du monde, il porte fièrement la techno froide et mélodique qui fait sa marque de fabrique. Un après-midi d’automne sur son balcon, AIROD retrace son parcours. Rencontre avec le jeune cador des beats obscurs.

Tu as grandi à Paris ?

Je suis né à Clichy. Mes deux parents viennent d’ex-Yougoslavie. Ma mère est prof et mon père chimiste, c’est ce qui leur a permis de s’intégrer assez rapidement en France. J’ai beaucoup déménagé quand j’étais jeune à cause du travail de mon père et même si je restais dans la banlieue de Paris, je changeais beaucoup d’école...

Tes premiers pas en MAO ?

Ma soeur jouait de la guitare. On a 7 ans d’écart, et quand j’avais 8 ans je la voyais jouer et ça me fascinait. J’ai voulu faire le conservatoire et c’est ce que j’ai fait. Je me suis ensuite mis au piano et ce n’est que vers l’âge de 16 ans que je me suis mis à bidouiller sur ordinateur.

Est-ce que tu as déjà pensé à utiliser la guitare dans tes compositions ?

Pour la techno, non. Mais je ne fais pas que de la techno. J’ai commencé la production avec de la bass music, du dubstep notamment – avec un pote à moi, on s’appelait Méduse. Ça marchait bien, j’avais eu des dates au Batofar et au Petit Bain, alors qu’on était encore mineurs.

Ce qui m’a fait accrocher avec ce genre musical, ça reste Skrillex. La première fois que j’ai écouté ce qu’il faisait, mes oreilles entendaient quelque chose de nouveau. Plus tard, on s’est rendu compte qu’on ne prenait plus trop plaisir à le faire. Alors on a arrêté le projet.

Cette période t’influence t-elle encore ?

Complètement, pour le sound design notamment. La structure aussi, dans le sens où j’aime bien faire des choses surprenantes où d’un coup, un élément inopiné se retrouve dans le morceau. Je trouve que ça résume pas mal le dubstep.

Comment en es-tu finalement arrivé à la techno ?

Je suis arrivé dans une énorme warehouse avec un soundsystem incroyable en 2014. C’était Len Faki aux platines, je m’en souviendrais toujours. Le lendemain de cette soirée, je me suis dis « c’est ça que je veux faire ».

En parallèle j’étais à la SAE pour devenir ingénieur du son. Je m’étais lancé la dedans pour être en studio, mais j’ai rapidement été désillusionné. La première année, c’était que de la théorie. La seconde, on avait des maths et de la physique et ça ne me correspondait pas du tout non plus. Le problème, était que c’est une école privée et donc payante. J’avais beaucoup de remords à arrêter, alors j’ai poussé jusqu’au bout. Mais j’ai finalement décidé de l’annoncer à mes parents et ça a été la catastrophe, au point qu’ils ont décidé de couper les ponts.

C’est à partir de ce moment là que j’ai commencé à produire. J’ai commencé à sortir des morceaux techno et j’avais 500 écoutes en 3 mois. Pour moi, à l’époque, ça marchait bien alors qu’en réalité, pas du tout. J’ai déménagé à Paris pour essayer d’en vivre. J’étais surveillant en lycée à Saint-Cloud. Le samedi matin, j’étais à l’école et le samedi soir je me retrouvais à jouer en warehouse. Un jour, on est venu me taper sur l’épaule pendant la soirée, c’était un des étudiants que j’avais eu en colle le matin même.

Je jouais principalement pour les soirées OFF et les Tension. Pour moi c’était les toutes premières warehouses techno de Paris. Puis fin 2016, Raw Agency m’a contacté et ça a été un bon tremplin pour commencer à jouer partout en France. En parallèle, on avait créé le label Molekül avec les potes que j’ai rejoints avec une sortie trois semaines après la création.

Ta signature sur Lenske ?

Ça s’est fait assez naturellement. J’étais en contact avec Sam alias Farrago, son partenaire sur le label. Plus on échangeait sur internet en partageant notre musique et plus j’entendais Amelie jouer mes morceaux.

Un jour, il m’a proposé que l’on se rencontre, tous les trois. On a échangé sur notre vision de la musique et de la techno. Ça a collé directement, il y a eu un très bon feeling. J’ai fais des sons pour eux, ils étaient trop contents et mon premier EP sur Lenske est sorti en février.

Ils sont très connus – enfin, surtout Amelie – et j’étais surpris que ça se passe aussi bien. C’est ce qui m’a grave plu, que les rapports soient autant humains. J’ai eu ça avec Molekül, mes potes, parce que c’était vraiment récréatif. Mais je n’aurais pas pensé que ça se passerait pareil avec d’autres relations plus professionnelles, que les rapports soient aussi amicaux. On se parle quasiment tous les jours sur WhatsApp.

Te guident-ils dans ta manière de produire ?

Ils me laissent tout le temps carte blanche. Après j’ai compris aussi où il fallait viser pour que ce soit bien. Ce que je fais sur Molekül et ce que je fais sur Lenske, c’est totalement différent. Pour Molekül par exemple, je suis beaucoup plus dans l’acid techno, old school.

Comment s’est passé ton passage des soirées dubstep à la rave ?

Au début, je trouvais les soirées techno « moins gamin ». Les soirées dans des caves étaient beaucoup moins conventionnelles il faut dire, que les événements dubstep au Batofar. La plus grosse différence, c’était l’ambiance. Il n’y avait pas de lights, on était plongé dans l’obscurité. Il y avait moins d’extravagance. Le dubstep, c’était marcels et casquettes américaines à l’envers, de la lumière partout... C’était un autre monde. Je me suis beaucoup retrouvé dans le côté sobre de la techno.

Tu es quelqu’un de très productif, autant en terme d’heures passées en studio qu’en sorties. Tu as signé beaucoup de choses ces dernières années, pas mal d’EPs notamment. Mais depuis cette année, tu as ralenti le rythme. Pourquoi ?

Depuis février et ma première sortie sur Lenske, je me limite énormément en terme de sorties. Je dois avoir une bibliothèque de 400 sons. Mais je ne vais pas les sortir, juste les jouer en set. Je pense que c’est mieux ainsi.

En fait, j’ai réécouté ce que je faisais il y a deux ans, et j’ai supprimé plein de trucs. Je pense que ça va toujours être comme ça, je ne serais jamais pleinement satisfait. C’est pour ça que j’essaie de me limiter, de prendre le temps et de sortir les choses qui me plaisent énormément.

Pourquoi ne fais pas faire un live, puisque tu joues beaucoup de tes propres tracks et inédits en DJ set ?

Tout simplement parce que je n’ai pas le matériel pour. J’utilise Fruity Loops pour produire, parce que j’ai commencé par ça et que j’y suis habitué. Et l’option live sur Fruity Loops n’est pas vraiment adapté pour ce genre de confection, c’est moins bien qu’Ableton.

Est-ce qu’il y a une scène ou un label qui t’inspire en ce moment ?

Le label d’Hector Oaks, OAKS. Quand j’ai découvert ce label, je me suis dis « il y a un truc ». Il a réussi à combiner un délire techno avec quelque chose de punk. La combinaison est très actuelle mais influencée par les années 80. C’est authentique. Quand j’écoute ce qu’il fait, je ne m’imagine pas comment il l’a produit mais je m’imagine en soirée. C’est pour ça que ça marche, je pense.

Il y a aussi le label de Kobosil, R. Les sorties de Parallx, avec des voix féminines qui chantent en Allemand. C’est toujours dans cet esprit années 80, que j’adore.

Et puis Molekül, sans prétention aucune. On était trois au début sur ce projet, mais on a un copain que le label a beaucoup motivé à produire. Il a fait ça non-stop pendant deux ans et nous a présenté ses tracks, qu’on vient de presser sur vinyle. Ça fait plaisir de pouvoir donner de la visibilité à notre cercle d’amis.


Des dates qui t’ont marqué à Paris récemment ?

Récemment j’ai mixé à La Machine pour un all night long de 6 heures dans La Chaufferie. C’était la première fois et j’appréhendais un peu. Physiquement surtout, parce que 6 heures debout, c’est compliqué. Pourtant j’ai commencé à minuit et c’est passé vraiment vite, la première fois que j’ai regardé ma montre, il était 3h30 et la moitié de la soirée était déjà passée. Sur ce format, on peut se permettre plus de choses, commencer lentement et implanter une ambiance progressivement.

Les soirées Possession aussi. Ils savent comment faire de vraies soirées. En juillet 2018, j’ai joué sur le rooftop de Concrete pour une Possession justement, et les gens étaient vraiment chauds.


Airod jouera au Cabaret Aléatoire le 25 octobre prochain pour la soirée Mixmag x Club Cabaret: Electronic Subculture, un set retransmis en différé sur la page Facebook Mixmag France.


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