Au cœur de Bogota, techno, salsa et bass culture latine font bon ménage
Le joyeux désordre des afters-hours colombiennes offre un melting-pot culturel d’une diversité rare
Penché sur une MPC 1000 à Fantismo, un studio d’enregistrement du centre de Bogota, Dani Boom, vraie force de proposition au cœur du progrès récent de l’underground électronique de ces deux dernières décennies, s’applique à frapper des touches et tourner des potards tout en dirigeant son groupe de musiciens avec de grands gestes, tout en hurlant ses instructions par dessus une bassline assourdissante.
Le nouveau groupe de Dani, El Leopardo, arrive tout juste au bout d’une répétition-marathon de huit heures, avant leur performance prochaine à Miami plus tard dans la semaine. « Même quand je ne mixais que de la techno je savais que j'irais mélanger de la musique électronique à des sons colombiens traditionnels à un moment ou à un autre - mais c’était difficile de franchir le pas quand personne d’autre ne faisait ça », explique Dani Boom en distribuant des bières dans la petite cour du Fantismo après la répétition.
« On ne réalisait pas le potentiel de notre propre culture musicale »
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Dès la fin des années 90, Dani était à l’avant-garde de la scène techno locale, puis en 2006 il a connu un succès mainstream après avoir formé Systema Solar avec un groupe de musiciens champeta de Barranquilla. Il a ensuite fondé le festival électronique Bogotrax, que beaucoup associent au regain d’intérêt pour la scène underground de Bogota. Comme beaucoup d’autres producteurs locaux, Dani Boom cite le producteur et ingénieur du son britannique Richard Blair, qui a fondé le groupe Sidestepper à Bogota en 1996. « Il est arrivé et a commencé à produire de la musique électronique en employant les services de musiciens locaux, et en s’inspirant de styles locaux. Pour la première fois, il y avait des vinyles 100% colombiens et je pouvais les utiliser dans un set techno. Il a inspiré beaucoup de gens. En ce qui concerne la musique électronique, on avait une mentalité de colonisés. » explique Dani. « On misait tout sur des sons importés - mais à bien des égards, on ne reconnaissait pas la valeur de notre propre culture musicale. »
Dans sa nouvelle forme, El Leopardo inclut tout un panel d’instruments : un drum kit, des congas, des maracas, une basse électrique, une MPC 1000 et une Yamaha CS-5 des années 70 branchée sur un ampli de basses géant. « C’est un groupe techno avec des percussions latines », il explique. « Ça peut sembler étrange comme concept, et peut-être que pour certaines personnes ça sonne comme quelque chose qui ne devrait pas fonctionner - mais la vérité c’est que la techno et la musique latine ont beaucoup de choses en commun. »
Le bassiste du groupe Daniel Michel acquiesce, en sirotant sa bière. « La salsa a un élément très hypnotique et répétitif - en particulier les basslines », il souligne. « En général ce ne sont que quelques notes répétées à l’infini. Parfois on prend une bassline de salsa traditionnelle et on la colle directement sur un morceau techno. »
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