
Rencontre avec Miley Serious, archéologue de la musique et conservatrice de la scène punk
Bienvenue dans la tête de Miley Serious, une collectionneuse insatiable
Difficile de l’attraper en plein vol : entre deux avions et une date à l’autre bout du monde. Miley Serious ne se pose que très rarement au sol et reprend seulement son souffle dans ses villes de coeur : Paris et New-York. Nous l’avons interceptée le temps d’un échange autour de la relation viscérale qu’elle entretient avec la scène underground, celle qui l’a bercée dès son plus jeune âge par le punk hardcore. La résidente du Rex et curatrice de The Lot Radio et Rinse FM nous offre un plongeon dans sa tête, un véritable univers d’archiviste de la musique où débordent les vinyles, les affiches et les cassettes vintage. Sa soif de découverte la fait dériver d’un courant à l’autre, naviguant entre les genres : bass, punk, breaks, drum and bass. Une passion qu’elle cultive à travers son label 99CTS Records, conçu à la main comme un fanzine avec une collection de pépites soigneusement sélectionnées au fil de ses découvertes. Pour découvrir Miley Serious derrière les platines, on vous donne rendez-vous ce vendredi 25 avril à La Cabane à Bruxelles pour une soirée signée Electronic Subculture et Monkey Shoulder.
« L'énergie que le punk hardcore t'inculque, c'est comme grandir avec des nouveaux parents »
D’où te vient cette passion pour la musique, es-tu tombée dedans petite ? Y a-t-il quelqu'un qui t’a transmis cette passion ?
J’ai clairement cette passion depuis que je suis jeune. Petite, il y avait des singles dans ma liste de cadeaux de Noël. Et j'ai des souvenirs très forts de certaines sorties d'album qui ont vraiment marqué ma vie. Mais, je dois tout ça à un de mes grand-frères qui m'a très tôt montré de la musique incroyable en me faisant des tapes ou en me gravant des CDs. Ça me permettait d'avoir des alternatives à la radio ou à ce que je regardais sur MTV.
Tu as commencé la musique en jouant dans des groupes punk, garage et en mixant dans des clubs du même genre. Comment fais-tu pour garder ton côté punk ?
Je le garde en honorant les valeurs communautaires, l'unité et la bienveillance que la scène et les amis avec qui j'ai grandi dedans m'ont inculqué. En effet, on se doute bien qu'être punk, c'est clairement pas avoir des chaînes et du cuir, surtout pas en 2025. Tout le monde se sent original, mais plus personne n'a de valeurs. C’est très souvent parce que les gens n'ont pas grandi avec une communauté qui les éduque. L'énergie que le punk hxc (NDLR : hardcore) t'inculque c'est comme grandir avec des nouveaux parents et ça personne ne pourra me le reprendre ou l'imiter. Ça ne s’invente pas, ça se vit. J'ai récemment perdu un de mes piliers dans ce milieu, celui qui s'est donné corps et âme à cette scène. J'ai appris comment monter des shows grâce à lui. Même après sa mort, j'apprends encore grâce à lui, RIP mon Wilo <3
Tu te décris plus comme une archiviste de la musique. Peux-tu nous expliquer ?
En tant que DJ, je suis là pour raconter une histoire de la musique et pour cela, je dois connaitre la musique. Par conséquent, j'adore la collectionner sous tous ses aspects. Je suis une grande collectionneuse, peut être même un côté « hoarder » (NDLR : accumulatrice). Je suis hyper passionnée de l'histoire et de la sociologie autour de la musique. Je me demande si je préfère pas parfois connaitre l'histoire du morceau plutôt que le produit fini. C’est pourquoi, j'aime archiver l'histoire forte de la musique, celle qui donne un sens à la scène. C'est dur à expliquer, mais je pleure autant de bonheur quand j'ai trouvé un t-shirt vintage d'un groupe, la copie OG en tape d'une release ou un flyer historique à mes yeux.
F Kay vient de sortir un EP sur ton label, est-ce que la création de ce label t'aide justement à t’épanouir dans ton rôle d’ “archiviste“?
Mon label 99CTS RCRDS c'est mon petit magasin à moi, mon monde, ma vision. Je suis fière de donner la place à ceux qui, à mes yeux, ont quelque chose de vrai à donner autant dans la musique, que dans le dessin comme j'ai aussi un INPRNT.
Pour F Kay, c'est sa toute premiere release de sa vie sur un label. Voir la joie et l'opportunité que ça lui donne, il n'y a rien de mieux. Je pense que quand après des heures de travail, quelqu'un t'entend et croit en toi, c'est un des meilleurs sentiments possibles. Je suis heureuse de pouvoir "archiver" sa musique et lui donner une place sur une étagère (et dans des sets).
C’est la fin du monde et tu dois sauver seulement 5 tracks, lesquels conserverais-tu pour la future génération ?
445.ceo - posted in the back of the club, pt. 2
Armand van helden - you don't know me
« Mon label 99CTS RCRDS c'est mon petit magasin à moi, mon monde, ma vision »
Tu collectes les sons pour les archiver et tes sets sont des collages sonores entre les époques : serais-tu quelqu'un de nostalgique ?
Alors oui et non, j'adore la nostalgie, mais je suis pas du tout quelqu'un qui s'enferme dans la tristesse. Je suis plus inspirée par l'émotion que ça me donne d'imaginer la conception ou le lieu d'un morceau. J'adore le côté océanique que la musique procure, c'est pourquoi je suis aussi très attachée à l'ambient.
Tu joues des sets très hybrides : bass, breaks, d’n’b, Memphis rap, techno… Qu’est-ce que tu cherches à provoquer chez les gens quand tu mixes ?
Ça va sonner méga cringe, mais... du bonheur ! Et une leçon aussi, faire découvrir des choses comme un professeur. J'adore le club pour lâcher prise et créer un moment de bonheur intense car je l'ai toujours vécu comme ça. J'aime l’équilibre entre quelque chose de fun et un truc plus deep ou plus référencé.
Tu as l’air ouvert d’esprit, est-ce que tu es aussi spirituelle ?
Je sais pas vraiment, mais j'ai grandi avec une merveilleuse maman très spirituelle qui m'a amené beaucoup de calme dans ma vie, et qui le fait toujours. Puis mon mari qui a un fort passif spirituel, mes deux forces sont ces deux personnes chargées de tout ça. Je dirais qu’ils m'ont donné cet équilibre sans que moi j'aie à pratiquer cette spiritualité.
Tu jongles entre les scènes internationales, les clubs, la radio, ton label... Comment fais-tu pour tenir un tel rythme ?
Je reste calme ! Je suis une vraie "to do list girlie" donc j'adore avoir des choses à faire, avancer et découvrir. Je suis hyper stricte avec moi même niveau santé, donc je pratique beaucoup de sport. Je suis sobre aussi, ca m'a apporté un véritable équilibre dans ma vie. Et puis l'amour pour la musique : sans elle, je vis pas. Si c'était pas pour elle, je serais les fesses collées à une chaise je pense. Mais vivre entre deux pays, c'est aussi une réelle bouffée d’énergie pour moi.
As-tu des projets à venir dont tu veux nous parler ?
C’est une année qui travaille ma patience, car oui, j'ai de belles choses à venir, mais les bonnes choses prennent du temps ! Je prévois une collection capsule de mon label avec une marque australienne dont je suis fan. Par la suite, il y aura des releases trop cool, des zines incroyables et un projet de tournée du label aux US ! <3
Pour plus d'infos sur la soirée Electronic Subculture avec Miley Serious, direction la billetterie.
Propos recueillis par Camille-Sarah Lorané
Crédits photos : Elle Nicolson