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Electronic Subculture

Pop, punk, techno et sexe : LSDXOXO est fier d'être enfin vu et entendu

Marco Gomez et LSDXOXO parlent de la culture Ballroom, de la célébration de son identité et de sa manière de secouer la scène berlinoise avec sa signature pop.

  • mots : marco gomez | photographie : matt lambert | directeur créatif : mischa notcutt | styliste : billy loboos | assistante style : rita biscaia bråten | coiffure : janina zais | maquillage : vitor carvalho | direction artistique : vassilis skandalis
  • 22 July 2021

C'était en 2017, LSDXOXO et moi avions acheté un sac d'herbe douteux à 20 € dans le parc Gorlitzer à notre arrivée à Berlin. Des vols annulés, un concert manqué au KitKatClub et une escale affreusement longue en Russie... nous étions épuisés mais décidés.

Dans la ville, le DJ se déplaçait naturellement alors que c'était la première fois qu'il venait. C'est pour ça que je n'ai pas été surpris qu'il fasse de Berlin son nouveau fief un an plus tard.

Après avoir émergé au début des années 2010 avec un nombre déjà important de fans sur Tumblr, LSDXOXO a commencé à se produire à New York lors à des événements comme les soirées "Legendary" de Joey LaBeija à Williamsburg. Lorsque Venus X l'a accueilli pour jouer à l'événement GHE20G0TH1K, sa popularité et ses productions ont atteint de nouveaux sommets.

Les morceaux de LSDXOXO sont souvent inspirés de références d'internet, références qui renvoient à l'expérience Queer Black and Brown. Il puise dans la culture pop d'internet jusqu'à la limite de l’acceptable. Son panel d’inspiration est très spécifique. Il peut s'inspirer des clips d'Angela Bassett jouant le rôle de Marie Laveau dans American Horror Story : Coven, ou d'un meme tiré de la série de télé-réalité indienne Bigg Boss et le conflit entre Pooja Misrra et Shonali Nagrani.

C'est une philosophie qui est particulièrement ancrée dans ses DJ sets ; on retrouve de la funk carioca qui se mélange à des crashs de hi hats avec des refixes hard house d'œuvres anthologiques comme 'The Bells' de Jeff Mills. Ce type de configuration n'est pas courante dans le milieu de la techno, qui privilégie encore souvent l'approche de la "continuité sonore" plutôt qu'un éclectisme plus prononcé. Sa relation avec la culture pop n'est jamais décalée, elle est plutôt en symbiose avec le reste de ses influences musicales.

Le goût de l'expérimentation de LSDXOXO s'apparente au même mouvement culturel qui a donné naissance à des artistes comme Total Freedom, SOPHIE, Arca, Elysia Crampton et d'autres au cours de la dernière décennie. Au cours de cette décennie, il a joué le rôle de producteur/DJ, et a accompagné des artistes tels que BbyMutha, DonChristian et Cakes Da Killa en leur fournissant leurs textes. Il les a guidées et plongées directement dans la redécouverte de leurs propre voix, processus d'écriture et éléments visuels. Pour éviter le temps peu clément de Berlin, nous avons choisi de parler avec Zoom, où il s'est assis confortablement dans leur salle éclairée aux néons violets, avec de longues rangées de vêtements haute couture derrière lui.

Marco Gomez : Tu as fait du chemin depuis cette escale à Moscou, la fois où nous sommes venus ici.

LSDXOXO : Cette escale ratée ? Oh mon dieu, j'ai oublié ça. Ça et l'herbe de Gorly.

MG : Je dirais que beaucoup de gens nous connaissent grâce à la scène de la ville de New York. Parlons de ton implication dans la scène club de ces dernières années : la culture Ballroom, The Spectrum et GHE20G0TH1K. Quel impact tout cela a-t-il eu sur toi ?

LX : J'ai l'impression que mon travail fait référence à n'importe quelle scène dans laquelle je me plonge. Ces scènes ont directement influencé ma façon de travailler et la musique que je fais - à la fois techniquement et visuellement. Être DJ résident pour GHE20G0TH1K correspondait à mon style de production à l'époque. Je construisais mon son et cette approche de la création musicale et du DJing me parlait. Les sons étaient si éclectiques, parce que nous ne nous sommes jamais vraiment conformés à un genre ou à un style musical spécifique pendant nos sets. Remixer de petits aspects du genre était quelque chose que j'appréciais chez GHE20G0TH1K.

MG : Entre tes débuts à Philadelphie, New York et Berlin, où situes-tu ton retour aux sources musicales ?

LX : J'ai l'impression que la ville de Philadelphie a formé mon approche de la musique en général parce que j'ai toujours apprécié leur vision de la radio. La radio de Philly met en avant la dance music, ce que je ne vois pas souvent dans les autres villes américaines. À Philadelphie, il y a toujours au moins une heure par jour consacrée à la dance music, qu'il s'agisse du Baltimore Club, du Jersey ou du Philly Club. Cette manière de proposer ce genre de musique électronique et à le rendre accessible, voire grand public, a définitivement influencé ce que je fais.

MG : Qu'en est-il de Berlin maintenant ?

LX : Je suis venu ici parce que je faisais beaucoup de tournées en Europe. J'ai vraiment aimé la façon dont les DJs et les producteurs d'ici étaient concentrés sur les aspects techniques de la musique. Je ne m'étais jamais axé sur cet aspect de la musique auparavant. J'ai déménagé ici pour affiner mon approche. J'ai passé beaucoup de temps à étudier la structure des chansons pop et les méthodes de production de la musique grand public. Ce n'est pas nécessairement ce que je veux faire, mais il était important de comprendre et de connaître l'approche générale pour pouvoir l'intégrer dans ce que je fais.

MG : Est-ce ainsi que "Dedicated 2 Disrespect" a vu le jour ?

LX : Je mariais l'influence berlinoise que j'ai reçue avec ma sensibilité à la musique pop. Je ne voulais pas faire quelque chose de monotone. J'ai une capacité d'attention très courte et donc je ne peux jamais me concentrer sur un seul genre pour mes disques. Je voulais intégrer toutes ces influences sur cet album sans qu'il soit trop encombré. J'ai également essayé d'incorporer tous les instruments différents que j'ai appris à connaître au cours des dernières années.

MG : Des instruments ?

LX : J'ai pris beaucoup de temps pour me concentrer sur l'apprentissage des instruments. Je ne viens pas d'un milieu de formation classique. Je n'ai pas joué d'instruments en grandissant. J'étais dans ma chorale quand j'étais enfant, donc je faisais toujours des choses vocales. Maintenant, j'apprends à jouer du piano et de la guitare électrique. J'étudie également le solphege. C'est très enrichissant parce que cela me donne une toute nouvelle approche et insuffle une nouvelle vie à mes chansons. Le fait de me mettre au défi d'apprendre de nouvelles choses en musique me permet de garder de la fraîcheur.

MG : En quoi ce disque diffère-t-il de tes précédents travaux ?

LX : J'ai l'impression que tous mes disques, y compris celui-ci, transmettent assez bien mes récits, mais celui-ci contient enfin mes chansons et ma voix. Il n'y a pas non plus beaucoup de sample sur cet EP. On dirait qu'il y en a, mais je voulais trouver une nouvelle façon d'avoir cette sensation spécifique sans sampler d'autres disques. J'ai toujours écrit de la poésie et des choses comme ça pour moi-même. Avec cet album, j'ai voulu me concentrer sur la structure des chansons et les paroles, et ne pas me contenter de faire défiler des morceaux de club les uns après les autres.

MG : Mon morceau préféré sur cet album est 'The Devil'. Il a ce côté Dance Mania, Chicago house, mais aussi un peu techno, très New York des années 90. En plus avec ces paroles, sacrilèges ! Oh mon dieu.

LX : C'est le premier titre que j'ai écrit de l'album ! Je pense que c'est la raison pour laquelle il a l'air si théâtral et taquin. J'écrivais mon album à l'époque et mon processus d'écriture était beaucoup plus intellectuel et lourd, donc avec celui-ci, je suis sorti de ce processus pour me donner un peu d'espace pour respirer. J'ai appelé le projet "Dedicated 2 Disrespect" parce que je voulais avoir ce son vraiment vulgaire qui reflète qui je suis en tant qu'artiste. Ce n'est pas seulement pour choquer, c'est ce que je suis.

MG : J'imagine une scène où ta musique est révélée à l'extrême droite chrétienne évangélique aux Etats-Unis, déclenchant une nouvelle vague de peur et de "panique satanique".

LX : C'est vrai ? Je veux dire, je viens à la fois de descendance afro-américaine et aussi hispanique des Caraïbes. On m'a toujours appris à avoir honte de certaines parties de mon identité. Je fais ce disque et ma musique en général pour célébrer ces parties dans leur totalité. Ça a été un tel processus : être un homme noir, mais aussi un homme gay. Trouver ma voix, non seulement en tant qu'artiste, mais aussi en tant que personne. Lorsque j'ai commencé à faire de la musique, j'avais peur d'être vu. Maintenant, je suis fier d'être vu et entendu.

MG : Et maintenant, les gens chantent aussi tes paroles. Sick Bitch' a été tellement hypé en ligne, avant même que sa sortie ne soit annoncée.

LX : Eh bien, les paroles ne sont pas difficiles à apprendre.

MG : [Rires] Je veux dire, quand je l'ai entendu pour la première fois, j'ai immédiatement pensé à Sound Factory NYC & Dat Oven, en particulier le remix de Shunji Moriwaki de 'Chelsea Press 2'.

LX : Sick Bitch' avait en fait une construction complètement différente au début. Il y avait plus un aspect big room. Quand j'ai enregistré les voix, ça donnait une vibe différente, alors j'ai écrit un tout nouveau morceau qui a été influencé par 'Fuck On Cocaine' de DJ Yoeri. La production de 'Sick Bitch' a une construction croustillante similaire et une accroche semblable à celle d'un numéro de téléphone qui lui donne cette ambiance de téléphone rose.

MG : Pour moi, la vidéo de "Sick Bitch" ressemble à des préliminaires ultra explicites. J'ai l'impression de te regarder entrer dans un ébat sexuel glamour.

LX : C'était vraiment important pour moi de faire ce genre de clip et de montrer pleinement qui je suis en tant qu'artiste. Je mets en avant les éléments fashion en particulier, les envies des créateurs et leur processus artistique également. À New York, Venus X m'a beaucoup appris sur la mode et sur la manière d'affiner mon style personnel. Cela a joué un rôle important dans la façon dont j'aborde les éléments visuels qui entrent dans mes clips. La principale influence de 'Sick Bitch' est le film Ganja & Hess (1973) - c'est un belle œuvre de Black Vamp. C'est tellement artistique et satisfaisant à regarder. Il était important de marier cette influence, ainsi que la mode, à une ambiance vraiment punk.

MG : Et les allusions sexuelles ?

LX : À Berlin, j'ai aussi eu une sorte d'éveil sexuel. La façon dont les gens ici ont une approche très libre de l'exploration de soi... Tu vois ? Je viens d'un milieu sexuellement réprimé, qui est très lié à la religion. Le fait d'être ici m'a aidé à m'en détacher. Les gens d'ici utilisent le sexe et la vie nocturne comme une soupape de libération extrême des pressions de la vie quotidienne.

MG : Ce mélange de pop, de punk, de techno et de sexe semble donc être une combinaison naturelle pour toi. Dirais-tu que tu crées un nouveau genre ?

LX : Pas intentionnellement. D'autres artistes d'aujourd'hui ont cette approche, de dire "fuck you" pour faire de la musique, et j'aime vraiment ça. Des gens comme Willow Smith ou Lil Nas X sont des artistes qui ne viennent pas d'un genre spécifique ou n'ont pas une seule approche. Leur démarche est plutôt tournée vers l'exploration. Ma mission consiste à explorer les genres et les nouvelles façons d'incorporer différentes influences. Je prends beaucoup de plaisir à collaborer avec d'autres producteurs. Je ne voulais absolument pas renoncer à mon pouvoir en matière de production, car j'estime que c'est un aspect très important de ma musique. Peu de gens peuvent imiter ce que je fais en tant que producteur. Mes productions sont assez singulières. Donc maintenant, après avoir pris un peu de temps pour me concentrer sur l'écriture de chansons et ma voix, je suis prêt à collaborer. Je n'avais pas sorti de musique depuis presque trois ans avant de sortir le dernier single de cet album. Maintenant, je fais juste de la musique. C'est comme si elle sortait de moi.

MG : Et ça tombe bien ! C'est le moment pour produire un travail différent de l'hégémonie de la dance music blanche, surtout à Berlin, n'est-ce pas ?

LX : La chose la plus importante pour moi à l'avenir est de ne pas être à l'aise lorsqu'on me donne une plateforme de visibilité, mais plutôt de secouer un peu le système et d'ouvrir des portes à d'autres artistes qui viennent d'horizons et de milieux différents. Créer un espace plus grand pour les gens comme moi, pour que je ne sois pas la seule personne noire sur les line-up. C'est tellement ennuyeux. Au fil des décennies, il y a eu un suppression évidente de l'art noir dans la musique noire, où tout l'argent ainsi que la visibilité sont donnés aux artistes blancs. Cela m'a aidé à réaliser combien il est important pour moi d'être visible en tant qu'artiste. Je pense qu'il est important de montrer aux gens que l'on peut faire du glam et du camp ici sans toucher aux principes de cet art.

MG : Il est donc temps de rajouter de la couleur ?

LX : Exactement.


LSDXOXO sera l’invité d’Electronic Subculture, en partenariat avec Mixmag France, au Kilomètre25 le 30 juillet prochain. Pour prendre vos billets, rendez-vous à ce lien.

Vendredi 30 Juillet : Electronic Subculture x Kilomètre25: Bjarki, LSDXOXO, Roni


Initialement paru sur Mixmag.net et traduit de l'anglais par Camille-Sarah Lorané


MOTS : MARCO GOMEZ | PHOTOGRAPHIE : MATT LAMBERT | DIRECTEUR CRÉATIF : MISCHA NOTCUTT | STYLISTE : BILLY LOBOOS | ASSISTANTE STYLE : RITA BISCAIA BRÅTEN | COIFFURE : JANINA ZAIS | MAQUILLAGE : VITOR CARVALHO | DIRECTION ARTISTIQUE : VASSILIS SKANDALIS 17 MAI 2021


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